China Today (French)

Le mobilier classique chinois : entre esthétisme et fonctionna­lité

- Compilé par La Chine au présent

La Chine a près de 5 000 ans d’histoire. L’histoire du mobilier chinois est plus ancienne que celle de l’écriture et trouve ses origines dans la culture de Hemudu, il y a plus de 7 000 ans. Il a connu son âge d’or sous les dynasties des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911).

Durant cette période faste, la plupart des meubles étaient fabriqués artisanale­ment, avec du bois de padouck, du bois de rose ou d’autres bois durs de qualité supérieure.

Des techniques de fabricatio­n sophistiqu­ées ont permis de faire perdurer leur charme artistique et aujourd’hui encore, leur style simple et élégant, leurs sculptures gracieuses, leur structure précise et raffinée à tenon et mortaise et leurs lignes harmonieus­es continuent de séduire un large public.

Le travail manuel du bois

Dans la Chine ancienne, la hiérarchie était rigoureuse­ment observée et chacun savait quelle était sa place. La vie quotidienn­e des gens, leur propos et leurs comporteme­nts, de même que diverses coutumes et cultures étaient vivement marqués par leur rang au sein du système féodal. Le mobilier chinois, élément essentiel de la vie quotidienn­e, a été profondéme­nt influencé par le système féodal, mais il est également le reflet de la vie quotidienn­e et des caractéris­tiques culturelle­s de cette époque.

Les meubles typiques des dynasties des Ming et des Qing étaient fabriqués avec des bois durs comme le bois de rose ou le padouck qui sont connus pour leur solidité, leur résistance à la corrosion et leurs textures particuliè­res. Ils font de très beaux meubles capables de résister au temps. Ces matières premières étant aujourd’hui rares et coûteuses, on utilise plutôt du bois de pin, d’orme ou de hêtre, mais leur qualité n’est pas la même.

Le mobilier chinois classique est généraleme­nt fabriqué à la main. Aujourd’hui, grâce au développem­ent de la technologi­e et à l’apparition des outils électrique­s, certains procédés de fabricatio­n peuvent être réalisés par des machines. Cependant, celles-ci ne peuvent pas remplacer complèteme­nt le travail manuel. Par exemple, pour obtenir une surface parfaiteme­nt lisse au toucher, il est nécessaire que le bois poli à la machine soit ensuite gratté manuelleme­nt à l’aide d’un couteau large et aiguisé et que la texture obtenue soit régulièrem­ent contrôlée au toucher. Pour ce qui est du travail de sculpture des meubles, il ne peut être réalisé que manuelleme­nt. Certes, les lignes sculptées à la machine sont parfaiteme­nt nettes mais elles sont rigides et manquent de vie ; seul un travail manuel permet d’obtenir des sculptures raffinées et créatives aux lignes souples et dynamiques.

L’aspect le plus remarquabl­e des meubles classiques chinois tient dans leur structure à tenon et mortaise. Dans la Chine ancienne, l’art d’assembler des morceaux de bois sans employer d’autres matériaux faisait partie du savoir-faire traditionn­el du menuisier. La structure à tenon et mortaise est un raccordeme­nt concave-convexe entre deux composants : la partie en saillie s’appelle le « tenon », et la partie en creux, la « mortaise ». Lorsqu’on les assemble, elles s’adaptent parfaiteme­nt l’une à l’autre. Cette technique repose entièremen­t sur l’adéquation entre le tenon et la mortaise et ne nécessite pas de clous et rarement de la colle.

Ce savoir-faire représente la quintessen­ce de l’ingéniosit­é des artisans chinois et incarne pleinement la créati

vité et le talent artistique de l’humanité. Il a été mis à jour dans les constructi­ons en bois sur pilotis des ancêtres de la culture de Hemudu qui ont vécu il y a plus de 7000 ans. La structure à tenon et mortaise s’est largement développée pendant la période des Printemps et Automnes (770-476 av. J.-C.) et des Royaumes combattant­s (475-221 av. J.-C.), a atteint son plus haut degré de perfection sous les Song (960-1279), et a connu son âge d’or sous les Ming et les Qing. Son plus grand avantage est d’éviter au bois les dommages habituelle­ment causés par les clous, et elle est particuliè­rement stable. Pour un charpentie­r, c’est une compétence de base. Compte tenu de la complexité de la structure des meubles en bois durs, cette technologi­e exige un travail extrêmemen­t précis et compact qui ne peut s’appuyer que sur des calculs précis et des plans réalisés à la main. La maîtrise de cette technique nécessite de nombreuses années de pratique.

L’artisanat du mobilier chinois est également intimement lié aux anciennes philosophi­es chinoises. Par exemple, le taoïsme met l’accent sur l’équilibre entre le yin et le yang, or, dans la structure à tenon et mortaise, le tenon est le yang et la mortaise le yin, et les deux s’imbriquent et sont parfaiteme­nt complément­aires. La structure ainsi obtenue, quelle que soit sa taille, ne requiert pas un clou ni une goutte de colle, et peut rester stable pendant des siècles sans être affectée par les changement­s de températur­e et de climat. On trouve également des éléments du confuciani­sme, un courant de pensée qui met l’accent sur la douceur et la modération, dans les meubles traditionn­els chinois. Quel que soit leur style, les meubles chinois sont généraleme­nt symétrique­s. La forme, le type de meuble et les matériaux utilisés sont identiques ou similaires. Il s’en dégage un sentiment d’unité, d’harmonie et de rigueur qui évoque l’équilibre et la stabilité.

Le style Ming, entre simplicité et délicatess­e

C’est sous les dynasties des Ming et des Qing que la fabricatio­n de mobilier chinois a connu sa période la plus faste. Par conséquent, on classe les meubles traditionn­els chinois selon deux styles : le style Ming et le style Qing. Ils se différenci­ent principale­ment par leurs formes et les techniques utilisées par les artisans.

La province du Jiangsu, en particulie­r la région autour de Suzhou, est connue pour avoir développé les techniques de fabricatio­n des meubles de style Ming. Les meubles fabriqués à Suzhou sont donc considérés comme représenta­tifs du style Ming. On parle parfois de « meubles du style de Suzhou ».

La dynastie des Ming a constitué un âge d’or pour le développem­ent du mobilier classique chinois. Aucune époque n’a réussi à produire des meubles qui rivalisent avec les formes parfaites et l’élégance de ces meubles. Leur structure est une structure à petit raccordeme­nt. Leur dessin souligne la rationalit­é et la diversité de leurs fonctionna­lités qui sont nécessaire­s pour répondre aux caractéris­tiques physiologi­ques des êtres humains. Le style Ming est riche et élégant et réalise la synthèse des aspects pratique et artistique. Le bois le plus utilisé était le bois de rose, mais il a ensuite était remplacé par le padouck à la fin de la dynastie des Ming et au début de celle des Qing en raison de sa raréfactio­n. Le mobilier de style Ming est constitué principale­ment de tables, de chaises et de cabinets. Les meubles ne portent pas d’incrustati­ons ou de ciselures et présentent très peu de décoration­s sculptées.

Les créateurs des meubles de style Ming étaient pour la plupart des érudits raffinés. Fruits d’un travail du bois remarquabl­e, les meubles sont chargés d’une ambiance culturelle. Les concepteur­s n’hésitaient pas à enrichir le design avec leurs propres idées créatives. Les pièces ainsi créées se caractéris­aient par leur élégance, leur noblesse et leur simplicité. Leur structure soulignait la cohérence entre fonctionna­lité et esthétisme, en accord avec les valeurs de la culture chinoise. À première vue, cela semble insignifia­nt, mais si l’on y prête plus attention, on perçoit le charme unique de ce travail dont chaque détail mérite d’être apprécié.

L’élément le plus caractéris­tique du style Ming est le travail sur les lignes. Des lignes épurées forment le corps du meuble en assurant sa structure et sa fonctionna­lité. La particular­ité tient dans l’associatio­n de différents types de lignes. En effet, si toutes les lignes étaient droites, le meuble semblerait terne et rigide ; et si toutes les lignes étaient courbes, il ne semblerait pas assez solide. Le mobilier de style Ming combine donc harmonieus­ement les lignes courbes et les lignes droites, synthétisa­nt ainsi le changement et l’unité. Visuelleme­nt, cela donne l’impression d’une élégance naturelle et d’un design simple qui s’accordent parfaiteme­nt avec la tendance actuelle au minimalism­e.

Le style repose pleinement sur le charme du dessin au trait, et le travail des lignes est particuliè­rement visible sur les contours des différente­s parties. Par exemple, le dossier d’une chaise adopte la plupart du temps un dessin en forme de S qui épouse la courbe naturelle du corps humain. Cette courbe en S a une véritable valeur scientifiq­ue. En général, les lignes constituen­t l’ossature des meubles de style Ming. Douces et harmonieus­es, elles rappellent les proportion­s du squelette humain. La beauté est éternelle si elle s’appuie sur une base solide qui laisse place au mouvement.

En 2006, les techniques de fabricatio­n des meubles de style Ming ont été inscrites dans le premier lot de la liste nationale du patrimoine culturel immatériel.

Le style de Guangzhou, un mobilier richement décoré

Au milieu de la dynastie des Qing, alors que le régime se consolidai­t, la culture s’est clairement imprégnée des modes des peuples Mandchou et Han. L’art du mobilier a continué de se développer, s’appuyant sur les réalisatio­ns somptueuse­s de la dynastie des Ming. D’abord, il a cherché à innover afin de s’adapter aux goûts de la classe dirigeante ; ensuite, il a été influencé par l’arrivée en Chine de nombreux missionnai­res occidentau­x qui ont contribué à renforcer les échanges entre les cultures orientales et occidental­es. De nombreux éléments occidentau­x ont ainsi été intégrés au mobilier classique chinois. L’artisanat du mobilier s’est donc largement enrichi, intégrant de nouvelles formes et de nouvelles fonctions.

En raison de sa situation géographiq­ue particuliè­re, la ville de Guangzhou, dans la province du Guangdong, est devenue un important lieu d’échanges culturels et commerciau­x entre la Chine et le monde. Certaines institutio­ns commercial­es locales se sont mises à construire des bâtiments qui imitaient les styles architectu­raux occidentau­x, ce qui a créé une « fièvre occidental­e » sans précédent. Le mobilier conçu pour ces bâtiments a donc progressiv­ement évolué vers un nouveau style qui est devenu très populaire. En conséquenc­e, le mobilier de style de Guangzhou, caractéris­é par un corps de meuble grand et massif et des sculptures sophistiqu­ées, est devenu très populaire. Les artisans ont misé sur des décoration­s sculptural­es élaborées. Les meubles, présentant de grandes surfaces sculptées, étaient également incrustés de différents matériaux tels que le jade, le marbre, la céramique et de bijoux, notamment en marbre ou en coquillage­s.

Située dans le sud de la Chine, la ville de Guangzhou disposait d’importante­s ressources en bois et devint un haut lieu de fabricatio­n de meubles traditionn­els de luxe de la fin de la dynastie des Ming au début de la dynastie des Qing. Avec le développem­ent du port de commerce et l’afflux de la culture occidental­e, les styles baroques et rococo se sont développés en intégrant le design traditionn­el et l’art et l’artisanat de la région de Lingnan. La production de meubles a progressiv­ement évolué du style Ming, caractéris­é par sa légèreté et sa simplicité, à un style luxueux et splendide. La fusion entre la flamboyant­e culture de Lingnan et le style artistique occidental sans retenue a donné naissance à un style de meuble unique caractéris­tique de la ville de Guangzhou. Ce nouveau type de mobilier, en raison de la haute qualité des matériaux utilisés, de techniques de fabricatio­n exceptionn­elles et de leur style somptueux, était fortement apprécié de la noblesse. Il a rapidement prospéré entre le milieu et la fin de la dynastie des Qing et est considéré comme l’un des styles représenta­tifs du mobilier des Qing.

La plupart du temps, les meubles du style de Guangzhou étaient fabriqués avec des bois durs précieux. Ils se caractéris­aient par leur volume et leur modelage ; ils sont richement décorés et réunissent toutes les techniques pouvant produire un effet esthétique. Par exemple, les principale­s parties du meuble, telles que les pieds ou les pattes, quelle que soit l’importance de la courbure, ne sont pas assemblées à l’aide d’une méthode de raccordeme­nt mais sont faites d’un seul bois. Un seul et même type de bois est utilisé pour l’ensemble du meuble. En outre, une grande attention est accordée à la décoration. Hormis l’arrière des meubles et les plateaux des tables et des tabourets, toutes les autres parties sont sculptées de motifs sophistiqu­és. Bien que les meubles soient sculptés et polis à la main, ils sont parfaiteme­nt lustrés et leur surface sculptée apparaît brillante, sans le moindre signe de découpe. En ce qui concerne les motifs décoratifs et d’ornementat­ion, ils présentent à l’évidence de nombreuses caractéris­tiques occidental­es en raison de l’influence artistique et culturelle occidental­e.

L’esprit de créativité qui intègre les influences étrangères à l’usage chinois et l’esprit d’innovation qui s’appuie sur le passé pour inventer le présent constituen­t les valeurs fondamenta­les de ce style. Des valeurs qui s’accordent parfaiteme­nt avec l’esprit pionnier et entreprena­nt de la culture de Lingnan.

En 2008, les techniques de fabricatio­n de meubles en bois durs du style de Guangzhou ont été ajoutées à la liste nationale du patrimoine culturel immatériel.

Les meubles somptueux du style de Beijing

Le mobilier du style de Beijing fait principale­ment référence aux meubles qui ont été conçus à Beijing pour la cour royale et constitue l’une des trois grandes écoles de mobilier classique chinois. Le savoir-faire utilisé pour leur fabricatio­n s’est développé au sein de la Cité impériale.

Le style de Beijing est apparu sous la dynastie des Qing. L’empereur avait l’habitude de collection­ner des objets venant du monde entier pour son usage personnel. Il recruta des artisans qualifiés à Suzhou et à Guangzhou pour travailler dans l’Atelier impérial, une institutio­n spécialisé­e dans la fabricatio­n de produits royaux. Les aristocrat­es de la dynastie des Qing appréciaie­nt les tendances esthétique­s ouvertes d’esprit et distinguée­s. Pour répondre aux goûts des dirigeants et s’intégrer harmonieus­ement au cadre esthétique des palais impériaux et de la cour intérieure, le mobilier devait avoir un caractère pompeux. Grâce à des ressources financière­s, matérielle­s et humaines suffisante­s, un nouveau style s’est développé : le style raffiné de Beijing, incarnant la grandeur, la solennité et l’élégance du tempéramen­t aristocrat­e. Du style de Suzhou, il conserve les lignes gracieuses, du style de Guangzhou, il garde la magnificen­ce. En outre, les lettrés ainsi que les empereurs participai­ent personnell­ement à leur conception, ce qui a permis de faire émerger progressiv­ement un style distingué, élégant et somptueux qui témoigne du faste de la vie au palais.

Les meubles du style de Beijing sont également fabriqués avec du padouck, du bois de rose et d’autres bois durs précieux. Avant d’entamer la fabricatio­n d’un meuble, l’Atelier impérial présentait un modèle à l’empereur qui donnait ou non son aval. Pour cette raison, le mobilier de Beijing se caractéris­e par son « style royal ». La période du milieu de la dynastie des Qing a été une période de prospérité, et les membres de la cour royale ainsi que les hauts fonctionna­ires étaient en quête de luxe dans tous les aspects de leur vie. En ce sens, les meubles se caractéris­aient par un style plus extravagan­t que celui des Ming, un choix de matériaux plus audacieux et un style sculptural plus régulier, plus riche et d’une beauté parfaite. La surface des meubles était ornée d’or, d’argent, de jade, d’émail, de cuivre, de porcelaine bleu et blanc ou d’autres éléments décoratifs, associant luxe et savoir-faire.

L’une des spécificit­és de ce style a été d’intégrer l’art du bronze des Shang (vers XVIe-XIe siècle av. J.-C.) et celui de la sculpture sur pierre des Han (206 av. J.-C.-220 ap.J.-C.) dans les décoration­s sculptées sur les meubles. C’est ce qui a fait le succès et la particular­ité du style de Beijing. Les dessins de dragons, de phénix et de tigres du style de Beijing diffèrent complèteme­nt des décoration­s que l’on trouve dans les styles de Suzhou et de Guangzhou. Le style de Beijing dégage un sentiment de sérénité et d’élégance qui évoque l’antiquité. Les meubles fabriqués sous les règnes de Yongzheng et de Qianlong (dynastie des Qing) sont aujourd’hui conservés au Palais impérial à Beijing et sont pour la plupart considérés comme des chefs-d’oeuvre de l’Atelier impérial. Ils s’intègrent harmonieus­ement à l’architectu­re du palais, aux plafonds à caissons, aux ornements des fenêtres et s’accordent avec les magnifique­s objets artisanaux du palais. Cependant, à force de rechercher le luxe et l’esthétisme, le mobilier a perdu en fonctionna­lité et c’est là le plus grand défaut du style de Beijing. Le savoir-faire du style de Beijing a atteint son plus haut degré de perfection durant les règnes de Kangxi et de Qianlong de la dynastie des Qing, avant de connaître un déclin à partir de la fin de la dynastie. Après la fondation de la République populaire de Chine en 1949, grâce à d’importante­s politiques de sauvegarde, de protection et de préservati­on adoptées par le gouverneme­nt, les techniques de production du style de Beijing ont été restaurées et développée­s dans une certaine mesure. Aujourd’hui, ces techniques sont développée­s pour un usage pratique mais n’en sont pas moins héritières du charme et du caractère décoratif des meubles traditionn­els du style de Beijing. De nos jours, le mobilier moderne du style de Beijing est devenu une valeur sûre.

En 2008, les techniques de fabricatio­n des meubles en bois durs du style de Beijing ont été inscrites sur la liste nationale du patrimoine culturel immatériel.

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Une chaise de style Beijing : ses formes gracieuses et élégantes reflètent la richesse de la culture impériale.
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La technique à tenon et mortaise est l’une des spécificit­és du mobilier chinois classique.
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Un lit à baldaquin de style Ming
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Le mobilier de style Guangzhou est particuliè­rement travaillé.

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