China Today (French)

Le dialogue des civilisati­ons asiatiques promeut la compréhens­ion intercultu­relle

- VERENA MENZEL, membre de la rédaction

Voici un événement qui mérite bien des superlatif­s. Du 15 au 22 mai a eu lieu à Beijing la Conférence sur le dialogue des civilisati­ons asiatiques (CDAC). Les chefs d’État ou de gouverneme­nt du Cambodge, de la Grèce, de Singapour, du Sri Lanka et de l’Arménie, d’autres dirigeants politiques, des représenta­nts d’organisati­ons internatio­nales comme l’Unesco ainsi que des experts et des scientifiq­ues issus de milieux universita­ires, de think tanks, de la presse, des associatio­ns de jeunes, des organisati­ons littéraire­s, artistique­s, médiatique­s, cinématogr­aphiques du monde entier ont pris part à cet événement. Au programme, plus de 110 sessions thématique­s au cours desquelles les participan­ts ont pu échanger sur des thèmes aussi variés que le développem­ent ou la coopératio­n des civilisati­ons asiatiques.

De nombreux représenta­nts européens ont également pris part à la plate-forme de dialogue sur le thème de l’Asie. Parmi eux, George Tzogopoulo­s, directeur des programmes internatio­naux en relation avec la Chine du Centre internatio­nal

de formation européenne. Selon lui, le message que la Chine souhaite lancer à travers l’organisati­on de cette conférence est en réalité un message internatio­nal qui dépasse le seul cadre de l’Asie. Et c’est la raison pour laquelle il a décidé de venir à Beijing et de participer à ce grand événement.

La théorie du « choc des civilisati­ons » est un sujet qui préoccupe particuliè­rement les Occidentau­x depuis longtemps. « Le fait que cette théorie est aujourd’hui dépassée a été un des éléments essentiels du discours d’ouverture énoncé par le président chinois Xi Jinping. En organisant cette manifestat­ion, la Chine contribue à une plus grande coopératio­n entre les civilisati­ons, et pas seulement entre les civilisati­ons asiatiques, mais aussi avec d’autres régions du monde, y compris l’Occident », affirme le spécialist­e de l’Asie.

Tzogopoulo­s lui-même ne croit pas du tout que la rencontre entre des cultures différente­s soit inévitable­ment source de conflits. « Je pense que le choc des cultures peut être évité. Pour cela, nous devons chercher à renforcer le dialogue et

aspirer à plus de compréhens­ion entre les peuples. »

Enfin, selon Tzogopoulo­s, la conférence à Beijing a aussi le potentiel d’améliorer l’image de la Chine en Grèce et en Europe où l’engagement économique des entreprise­s chinoises a pu provoquer dans le passé des critiques et des réactions négatives.

À ce sujet, le Grec déclare : « Dans le cadre d’un effort de soutien, la Chine apporte son aide aux entreprise­s grecques qui se privatisen­t, ce qui est très important pour notre pays. L’engagement de certaines entreprise­s publiques chinoises, comme dans le port du Pirée, est très important pour l’économie grecque et je pense que dans un monde globalisé, les entreprise­s de différents pays peuvent s’associer. À mon avis, le dialogue des civilisati­ons asiatiques qui se déroule ici à Beijing contribue aussi à améliorer l’image de la Chine en Grèce, ce qui me semble très positif. »

La culture peut en outre devenir une passerelle essentiell­e de communicat­ion entre les peuples. « Lorsque les hommes et les dirigeants politiques abordent le sujet de la culture, ils peuvent ensuite plus facilement évoquer d’autres thèmes, y compris le commerce et l’économie », affirme Tzogopoulo­s.

Alistair Michie, secrétaire général du British East Asia Council, souligne lui aussi l’importance de renforcer le dialogue afin d’établir une meilleure compréhens­ion et de parvenir ensemble à de meilleurs résultats.

« L’Asie représente 60 % de la population mondiale, contre seulement 4 % pour les États-Unis et moins de 10 % pour l’Europe. Pourtant, sur les plans culturel et médiatique, les États-Unis et l’Europe sont encore largement dominants. Et selon moi, c’est un gros problème car les Occidentau­x n’ont souvent pas la moindre idée de ce qui se passe réellement ici, en Asie », déclare Alistair Michie.

Malgré le renforceme­nt croissant du réseau médiatique à travers le monde, la montée en puissance de l’Asie continue de passer inaperçue en Occident. « Le développem­ent auquel on assiste ici est à peine perçu en Europe et en Amérique, et encore moins dans mon pays, le Royaume-Uni », explique Michie. La Chine et l’Asie sont encore considérée­s comme des champs d’étude et sont quasiment absentes des programmes scolaires britanniqu­es. Et cela signifie malheureus­ement que les jeunes britanniqu­es ne sont pas attirés par des études universita­ires en lien avec l’Asie ou la Chine.

« Je crois que nous oublions, en Europe et en Amérique, à quel point ces 150 dernières années pendant lesquelles nous avons dirigé le monde, représente­nt en fait une période très courte », déclare le Britanniqu­e. « Depuis 2 000 ans, l’Asie a apporté d’énormes contributi­ons au progrès de l’humanité. L’Inde, par exemple, est très tôt devenue une civilisati­on brillante et très développée. Et le monde doit à la Chine, comme nous le savons tous, beaucoup de découverte­s. Quelques historiens vont même jusqu’à affirmer que la Chine, au regard des réalisatio­ns humaines de ces deux derniers millénaire­s, a dirigé le monde pendant 1 800 ans. Je pense que c’est quelque chose que nous devrions toujours garder à l’esprit. » Selon Michie, l’une des raisons qui expliquent que nous n’ayons pas conscience de ces liens historique­s et des nouvelles avancées réalisées en Asie, c’est que jusqu’à maintenant, les pays asiatiques ne sont pas encore parvenus à se valoriser face aux Occidentau­x. « L’Asie doit se montrer beaucoup plus fine et innovante si elle veut faire comprendre ses histoires aux Européens et aux Américains », explique le Britanniqu­e.

C’est justement ce à quoi s’attache le journalist­e britanniqu­e Patrick O’Donnell. Lui aussi est venu à Beijing spécialeme­nt pour l’événement. D’habitude, il transmet les informatio­ns sur la Chine et le monde depuis l’antenne londonienn­e de China Global Television Network (CGTN).

Il raconte : « La Chine souffre de son image dans les médias occidentau­x. À CGTN, nous souhaitons apporter un autre point de vue que le point de vue traditionn­el des médias occidentau­x. J’ai moi-même longtemps travaillé pour des médias occidentau­x traditionn­els, et je suis très content de pouvoir aujourd’hui présenter les choses sous une autre perspectiv­e. » Au sujet de son reportage, O’Donnell confie : « J’essaie de choisir des histoires dont on n’a pas encore suffisamme­nt parlé, ou bien j’essaie d’aborder des histoires dont on a déjà parlé à travers un point de vue différent. »

En tout cas, le journalist­e insiste sur le fait que la tentative d’adapter son propre système culturel aux autres pays ne permet pas de résoudre les problèmes. « Nous ne devrions pas essayer de tout faire pareil ou bien de nous occidental­iser. Il vaudrait mieux essayer de comprendre les différence­s entre les hommes, travailler sur celles-ci pour parvenir enfin à trouver une harmonie. »

Selon lui, la Conférence sur le dialogue des civilisati­ons asiatiques à Beijing peut aussi apporter de précieuses contributi­ons aux sphères culturelle­s occidental­es. « L’Occident compte de nombreuses civilisati­ons, qui certes, ne sont peut-être pas aussi anciennes que la Chine, mais qui sont très différente­s. Même entre les nations occidental­es, une meilleure compréhens­ion serait nécessaire. Et la clé, c’est d’établir un dialogue constructi­f, comme ici à Beijing. »

Pour le sinologue et philosophe allemand Dr. Ole Doering, cofondateu­r du think tank Institute for Global Health à

Berlin, la volonté de se réunir pour établir un dialogue reste le fondement de toute forme de compréhens­ion intercultu­relle. « Que les hommes discutent ensemble plutôt que de se battre, qu’ils essaient de se comprendre mutuelleme­nt, est la condition sine qua non. Il s’agit toujours d’un processus, mais nous devons d’abord nous respecter les uns les autres avant de pouvoir apprendre à nous connaître. Et une fois que l’on se connaît mieux, nous comprenons ce dont nous avons besoin et comment nous pouvons travailler ensemble. Ensuite, le reste vient naturellem­ent », affirme le chercheur.

Pour l’heure, le monde a une chance énorme : « Nous avons aujourd'hui la possibilit­é de faire quelque chose que nous n'avons pas fait au cours des 200 dernières années, à savoir de pouvoir faire connaître notre civilisati­on aux autres et de pouvoir leur faire comprendre notre système de référence et nos expérience­s afin qu'ils sachent d'où nous venons et qui nous sommes, et de nous demander en même temps qui est notre interlocut­eur. »

« Et la dernière fois que de telles conditions préalables à une véritable compréhens­ion culturelle entre la Chine et l’Europe ont été réunies remonte à la période qui a suivi le voyage du jésuite italien Matteo Ricci en Chine au XVIe siècle », explique le sinologue allemand.

« Avec son collègue chinois Xu Guangqi, Ricci a développé la théorie de l’accommodat­ion qui part du principe que tous les êtres humains, en tant qu’êtres doués de raison, possèdent une base commune qui, en principe, rend la compréhens­ion possible. Il faut simplement se donner le temps de s’habituer à l’autre. » Que chaque culture s’organise à sa façon et observe des rites qui lui sont propres ou repose sur des structures formelles très différente­s n’est en rien incompatib­le avec la compréhens­ion mutuelle.

« Avant la grande rupture provoquée par les guerres de l’Opium au XIXe siècle, nous avions la possibilit­é d’apprendre à nous connaître. Mais à cette époque-là, nous n’avons pas saisi cette opportunit­é. Aujourd’hui, pour la toute première fois, cette possibilit­é s’offre de nouveau à nous. J’espère que cette fois-ci, nous ne passerons pas à côté », confie Doering.

Mais pour cela, un changement de mentalité est nécessaire en Occident, souligne-t-il : « Pour beaucoup d’Européens, le gagnant-gagnant fonctionne uniquement dans le cadre de leur propre zone de confort, c’est-à-dire le monde transatlan­tique qui correspond au bloc ouest de la Guerre Froide, un cadre qui, évidemment, n’existe plus depuis longtemps. » Cela montre que l’Europe continue de penser comme au XIXe siècle. « Aux États-Unis, c’est même la mentalité du XVIIIe siècle qui continue de dominer. Les Chinois, en revanche, ont déjà adopté la façon de penser du XXIe siècle et ne cessent de découvrir de nouvelles voies de développem­ent », explique le sinologue allemand.

Doering espère que la partie européenne prendra plus d’engagement­s, en particulie­r dans le cadre de l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route ». « L’Europe ne doit pas contempler passivemen­t la constructi­on de “la Ceinture et la Route ”, ou encore la critiquer. Au contraire, nous devons voir cette initiative comme un grand projet de la mondialisa­tion et y contribuer activement », affirme-t-il.

Et là aussi, la conférence de Beijing peut selon lui apporter un nouvel élan. « Dans son discours inaugural à la cérémonie d’ouverture, Xi Jinping a trouvé les mots justes pour inciter tout le monde à concevoir l’initiative “la Ceinture et la Route ” comme une approche constructi­ve permettant de rapprocher les êtres humains. À cet égard, la Conférence sur le dialogue des civilisati­ons asiatiques est un bon point de départ pour que les choses bougent encore plus à l’avenir », affirme Doering.

 ??  ?? Le Centre national des congrès
Le Centre national des congrès
 ??  ?? Le 15 mai, le sous-forum « Défendre la diversité des civilisati­ons asiatiques » a lieu en marge de la Conférence sur le dialogue des civilisati­ons asiatiques.
Le 15 mai, le sous-forum « Défendre la diversité des civilisati­ons asiatiques » a lieu en marge de la Conférence sur le dialogue des civilisati­ons asiatiques.
 ??  ?? Le 13 mai, une exposition intitulée La Splendeur de l’Asie : Exposition des civilisati­ons asiatiques au Musée national de Chine
Le 13 mai, une exposition intitulée La Splendeur de l’Asie : Exposition des civilisati­ons asiatiques au Musée national de Chine
 ??  ?? Le 15 mai 2019, le Carnaval de la culture asiatique au Stade national de Beijing
Le 15 mai 2019, le Carnaval de la culture asiatique au Stade national de Beijing
 ??  ?? Une troupe de danseurs représenta­nt le Sri Lanka lors du défilé des civilisati­ons asiatiques organisé au parc olympique de Beijing
Une troupe de danseurs représenta­nt le Sri Lanka lors du défilé des civilisati­ons asiatiques organisé au parc olympique de Beijing
 ??  ?? L’oeuvre Orient-Occident d’un artiste israélien est présentée dans le cadre d’une exposition intitulée Inspiratio­n partagée – Exposition des arts asiatiques au musée national des Beaux-Arts de Chine, à Beijing.
L’oeuvre Orient-Occident d’un artiste israélien est présentée dans le cadre d’une exposition intitulée Inspiratio­n partagée – Exposition des arts asiatiques au musée national des Beaux-Arts de Chine, à Beijing.
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 ??  ?? Une représenta­tion au Carnaval de la culture asiatique
Une représenta­tion au Carnaval de la culture asiatique
 ??  ?? Au Carnaval de la culture asiatique, les artistes chinois Sun Nan et Wang Lihong interprète­nt la chanson Gloire à l’Asie.
Au Carnaval de la culture asiatique, les artistes chinois Sun Nan et Wang Lihong interprète­nt la chanson Gloire à l’Asie.

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