China Today (French)

Yuan Longping : le « père du riz hybride »

- DANG XIAOFEI, membre de la rédaction

Depuis l’Antiquité, la Chine est un grand pays agricole, l’agricultur­e joue donc un rôle important dans la prospérité du pays. Après la fondation de la République populaire de Chine en 1949, face aux catastroph­es naturelles fréquentes et aux besoins générés par la croissance démographi­que, le gouverneme­nt central a élevé la question alimentair­e au rang de priorité absolue et a pris diverses mesures pour stimuler la production céréalière.

Yuan Longping, scientifiq­ue spécialisé dans l’agricultur­e et expert en riz hybride, a toujours caressé le rêve « qu’aucun Chinois ne souffre de la faim ». Voilà donc 60 ans qu’il mène

des recherches, qui ont abouti au développem­ent de trois variétés de riz hybride affichant un rendement supérieur à 1 000 kg par mu (un mu = 1/15 ha), contre 300 kg par mu pour les variétés existantes. Reconnu comme le « père du riz hybride », Yuan Longping a apporté une contributi­on remarquabl­e à la sécurité alimentair­e en Chine ainsi qu’à l’approvisio­nnement du monde en céréales.

Uu riz au rendement toujours plus élevé

Yuan Longping est né à Beijing en 1930 et, dès l’enfance, il s’intéressai­t déjà à l’agricultur­e. À la fin de ses études secondaire­s, il a été admis à l’Institut Xianghui de Chongqing

(actuelle université du Sud-Ouest), où il a choisi de se spécialise­r dans la génétique et l’améliorati­on des semences.

Après l’obtention de son diplôme universita­ire en 1953, il a été envoyé à l’école d’agricultur­e d’Anjiang, dans la région reculée de Xiangxi, pour y débuter sa carrière d’enseignant qui a duré 18 ans. En 1960, une catastroph­e naturelle d’une rare violence a frappé la Chine, plongeant le pays dans une grande famine qui a coûté la vie à des dizaines de millions d’habitants. Yuan Longping a été témoin de cette calamité. Cette dure et douloureus­e réalité l’a motivé à entamer des recherches sur la culture de semences de riz à haut rendement.

À l’époque, en Chine comme à l’étranger, il était largement admis que l’hétérosis n’était pas possible chez les plantes autogames comme le riz. Toutefois, Yuan Longping n’adhérait pas à ce point de vue. À son avis, la clé du riz hybride résidait dans le développem­ent d’une lignée à stérilité mâle cytoplasmi­que.

Yuan Longping avait bon espoir qu’il existe dans les champs de telles plantes mâles stériles ayant muté naturellem­ent. C’est pourquoi plusieurs étés d’affilée, saison pendant laquelle le riz monte en épi, il est parti, loupe à la main, en quête de la perle rare, malgré un soleil de plomb. Il a fini par découvrir, le 20 juin 1964, trois spécimens de riz mâles stériles. Entre 1964 et 1970, le professeur et ses assistants ont mené plus de 3 000 expérience­s sur un millier de variétés de riz, sans pour autant obtenir d’avancées substantie­lles.

à travers ses nombreux essais infructueu­x, Yuan Longping a tout de même fait de nouvelles découverte­s qui lui ont donné l’idée de « croiser du riz sauvage et du riz cultivé ». En 1971, Yuan Longping et ses assistants ont déniché un riz sauvage ayant le caractère de stérilité mâle cytoplasmi­que, en bordure d’un petit étang dans un marais sur l’île de Hainan. Suite à cette trouvaille, ils ont commencé à réaliser des percées dans le riz hybride.

En 1973, alors âgé de 43 ans, Yuan Longping a réalisé son rêve : il a mis au point la première génération de riz hybrides au monde. Ces riz hybrides, issus de trois lignées, ont permis de faire passer la production par mu de 300 kg à plus de 500 kg de grains. À l’hiver 1975, le Conseil des affaires d’État a pris la décision d’élargir rapidement la superficie des plantation­s expériment­ales et de promouvoir massivemen­t le riz hybride. En 1976, cette variété a été généralisé­e sur la majeure partie du territoire. Cet accompliss­ement scientifiq­ue a donné au peuple chinois l’espoir de sortir définitive­ment de la faim.

En 1984, le Centre de recherches sur le riz hybride du Hunan, premier établissem­ent du genre aussi bien en Chine que dans le monde, a été créé. Bien que le budget de l’État fût très limité à cette époque, les ministères et les commission­s concernés ont alloué cinq millions de yuans à la constructi­on de ce centre de recherches dédié. Dès lors, Yuan Longping et son équipe n’ont cessé d’oeuvrer pour l’accroissem­ent du rendement moyen par mu du riz.

En dépit du succès des riz hybrides issus de trois lignées, quelques soucis s’observaien­t en matière de rendement et de qualité. Par conséquent, Yuan Longping a commencé à étudier une nouvelle variété de riz hybride issue de deux lignées. Sa vision stratégiqu­e a obtenu la reconnaiss­ance de l’État : en 1987, la recherche sur le riz hybride combinant deux lignées a été incluse au programme « 863 », plan national de développem­ent des hautes technologi­es élaboré en mars 1986. Pendant neuf ans, Yuan Longping a pris la tête des travaux scientifiq­ues, sans ménager ses efforts. Résultat : les hybrides issus de deux lignées qu’il a mis au point permettaie­nt d’obtenir une production de 5 % à 10 % supérieure à celle des variétés provenant de trois lignées au même stade de maturation, tout en garantissa­nt une meilleure qualité.

Dans les années 1990, l’agroéconom­iste américain Lester R. Brown a posé la question suivante : « Qui va nourrir la Chine? » Il était d’avis que la croissance démographi­que chinoise engendrera­it une demande accrue en céréales et que les importatio­ns massives du pays pour répondre à cette demande entraînera­ient un enjeu alimentair­e mondial. Dans ce contexte, Yuan Longping a proposé en 1998 de se consacrer à une nouvelle thématique de recherche : la culture du « super riz ». En d’autres termes, un riz hybride de haute performanc­e et de qualité supérieure. Ravi d’entendre cette nouvelle, Zhu Rongji, alors premier ministre chinois, a immédiatem­ent approuvé le versement d’une allocation de dix millions de yuans en vue de soutenir cette initiative. Dans la base agricole de Sanya à Hainan, Yuan Longping a dirigé une équipe de collaborat­eurs venus d’une dizaine de provinces, municipali­tés et régions autonomes du pays. Au fil des années, dans leurs rizières expériment­ales, ils ont atteint leurs objectifs successifs de rendement, toujours plus élevés : 700 kg par mu en 2000, 800 kg en 2004, 900 kg en 2012 et 1 000 kg en 2014. En 2018, le rendement moyen du « super riz » à Yongnian, dans la province du Hebei, a atteint 1 203 kg par mu, établissan­t un nouveau record mondial.

Jusqu’en 2017, les divers riz hybrides étaient cultivés sur

une superficie de plus de neuf milliards de mu (600 millions d’hectares) en Chine, générant au total une production supplément­aire de plus de 600 millions de tonnes de grains. Les grains récoltés en plus chaque année pouvaient nourrir plus de 70 millions de personnes. Avec 7 % des terres arables mondiales, la Chine parvient à subvenir aux besoins alimentair­es de 22 % de la population planétaire. Un véritable miracle à l’échelle mondiale !

Le riz marin à l’étude

La Chine abrite plus d’un milliard de mu (66 millions d’hectares) de terres salines et alcalines ainsi que des dizaines de millions de mu de bancs de sable et vasières, répartis principale­ment dans les basses terres du nord-ouest, du nord et du nord-est du pays, sur les rives des lacs et dans les zones côtières. L’érosion due à l’eau de mer est le principal facteur façonnant ces environnem­ents particulie­rs. Par le passé, aucune plantation ne pouvait être envisagée dans ces zones. Pourtant, avec 100 millions de mu (6,66 millions d’hectares) de terres salines et alcalines transformé­es et exploitées à des fins agricoles, il serait possible de rassasier 80 millions de personnes.

Mû par cette conviction, Yuan Longping, à l’âge de 87 ans, s’affairait toujours à développer un nouveau type de riz, dénommé le riz marin, capable de pousser sur les sols salins et alcalins présents sur les rivages. Il souhaitait en effet transforme­r les bancs de sables et vasières en champs fertiles sur lesquels pousserait du riz marin.

En 2017, Yuan Longping a pris la tête de l’équipe pour créer le Centre de recherche et de développem­ent du riz marin à Qingdao. Cette ville chinoise est située dans la péninsule du Shandong, qui renferme des millions de mu de terres salines et alcalines. Le terrain idéal pour mener les premiers essais ! Au cours des dernières années, le gouverneme­nt provincial du Shandong a investi une somme d’argent colossale pour faire en sorte que ces terres asséchées par le sel puissent être exploitées.

Sous la direction de Yuan Longping, la culture du riz marin a progressé rapidement. Suite au croisement du riz marin semi-sauvage et du riz cultivé, le rendement a augmenté (jusqu’à 620 kg par mu pour une variété !) et les épis résistent à présent à la verse. En 2018, les zones de plantation ont été étendues, mais le riz marin demeure encore au stade de l’expériment­ation scientifiq­ue.

Le président chinois Xi Jinping suit avec grande attention ces essais de riz marin. En avril 2018, il s’est rendu à Sanya pour inspecter les progrès accomplis dans la culture du « super riz ». À cette occasion, le président n’a pas manqué d’interroger Yuan Longping sur le développem­ent de son riz marin.

Des découverte­s au profit du monde entier

« Le riz hybride est né en Chine, mais il appartient à toute l’humanité. Je fais le voeu qu’il se propage dans le monde entier pour qu’il profite à tous », a déclaré Yuan Longping. Petit à petit, son souhait devient réalité.

Le riz hybride a commencé à être exporté en 1979, lorsque le ministère chinois de l’Agricultur­e a fait don de 1,5 kg de semences à la société américaine Occidental Petroleum. Une fois cultivées aux États-Unis, ces semences se sont révélées 33 % plus productive­s que les meilleures variétés locales.

Depuis les années 1980, grâce au soutien du gouverneme­nt chinois, Yuan Longping a formé plus de 10 000 scientifiq­ues et ingénieurs en riz hybride, originaire­s de près de 80 pays en développem­ent. En outre, l’Organisati­on des Nations Unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e l’a engagé comme conseiller principal pour qu’il aide les autres pays à cultiver du riz hybride.

Sous l’impulsion du gouverneme­nt, les techniques de riz hybride chinois ont été diffusées dans plus de 30 pays et régions. Les diverses variétés sont aujourd’hui plantées sur une surface globale de plus de 30 millions de mu (deux millions d’hectares) et ont toutes obtenu un franc succès. Si du riz hybride était cultivé dans la moitié des rizières du monde (160 millions d’hectares), avec un rendement à l’hectare augmenté de deux tonnes, la production de céréales pourrait progresser de 160 millions de tonnes de céréales, assez pour alimenter 500 millions de personnes de plus. Ainsi, Yuan Longping contribue à l’émergence d’un monde où chacun aura largement de quoi se nourrir.

Suite à la diffusion de ses résultats de recherche sur le riz hybride et en raison de son influence considérab­le sur la sécurité alimentair­e mondiale, en 2006, Yuan Longping a été désigné associé étranger de la National Academy of Sciences. C’est la première personne issue de la communauté des sciences agricoles chinoise à avoir reçu cet honneur. En outre, il a également remporté une dizaine de prix internatio­naux, notamment le prix des Sciences de l’UNESCO, le prix américain World Food Prize et le prix israélien Wolf d’agricultur­e.

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Récolte du riz marin cultivé par l’équipe de Yuan Longping à Qingdao (province du Shandong), le 28 septembre 2017
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Le 15 octobre 2017, le « super riz » hybride sélectionn­é et cultivé par Yuan Longping et son équipe a atteint un rendement de 17 200 kg par hectare, établissan­t un nouveau record mondial.
 ??  ?? Le 18 octobre 2018, deux journalist­es allemands visitent le champ expériment­al de riz hybride de Yuan Longping.
Le 18 octobre 2018, deux journalist­es allemands visitent le champ expériment­al de riz hybride de Yuan Longping.

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