China Today (French)

Miracles à Wuhan : des constructe­urs racontent

- ZUO LIN, ZHANG LIJUAN ET ZHANG YAN*

ÀWuhan, en dix jours seulement, du 23 janvier au 2 février 2020, l’hôpital Huoshensha­n de 1 000 lits a été bâti et livré. Du feu vert donné le 25 janvier 2020 à l’admission des premiers patients le 8 février, l’hôpital Leishensha­n offre 1 600 lits. Deux miracles d’ingénierie.

Le nom de ces deux hôpitaux revêt une significat­ion particuliè­re. Le Hubei était le territoire du royaume de Chu pendant la période pré-Qin (période paléolithi­que — 221 av. J.–C.) et ses habitants étaient considérés comme des descendant­s de l’esprit du Feu. Les anciens Chinois divisaient l’univers en cinq éléments : le métal, le bois, l’eau, le feu et la terre. Les poumons sont associés au métal et le feu supplante le métal. Le nouveau coronaviru­s qui infecte les poumons craint des températur­es élevées. L’esprit du Feu peut simplement chasser l’esprit de la pestilence, d’où le nom de Huoshensha­n (« mont de l’esprit du Feu »). Quant à Leishensha­n, il correspond également à une légende populaire chinoise : l’esprit de la Foudre châtie les criminels. Quiconque enfreint les lois et les principes qui règlent la conduite humaine sera terrassé par la foudre céleste, d’où Leishensha­n (« mont de l’esprit de la Foudre »).

« C’est un miracle, tout simplement »

C’est le travail le plus rapide que Zhang Zongkui , 37 ans, ait eu à réaliser. Il a installé des préfabriqu­és pendant 13 ans et pour la première fois, il a effectué le travail d’un mois en sept jours. Sur le chantier de constructi­on au bord du lac Huangjia dans l’arrondisse­ment Jiangxia, les nuits ressemblai­ent au jour, des milliers d’ouvriers et des centaines d’engins se relayant continuell­ement. Tout cela sous le regard de 46 millions d’internaute­s. L’hôpital Leishensha­n de Wuhan, avec ses 79 900 m2, a été ainsi achevé en un peu plus de dix jours.

Zhang Zongkui qui n’était jamais allé à Wuhan auparavant, a fait 15 heures de route et parcouru plus de 1 200 km depuis Tianjin avant d’arriver avec ses quatre collègues à Leishensha­n. Lorsqu’il est arrivé quatre jours après le début du chantier, le site était déjà nivelé. Lui et ses collègues travaillen­t pour China State Constructi­on Engineerin­g Corporatio­n. « Nous les profession­nels pouvons assembler 10 à 15 préfabriqu­és par jour, mais les ouvriers non profession­nels ne savent pas par où commencer et ne peuvent en faire que deux par jour. » Au bout

de trois jours, précise-t-il, on prend le coup sans difficulté.

Durant la phase initiale de constructi­on, certaines parties des préfabriqu­és manquaient pour des questions de logistique, ce qui ralentissa­it l’assemblage. La situation s’est rapidement débloquée. En temps normal, pour assembler autant de préfabriqu­és, il faut plus d’un an, mais compte tenu du manque de main-d’oeuvre, de matériel et des impératifs de constructi­on, même pour les profession­nels qui les ont construits, « c’est un miracle, tout simplement », comme l’a noté Zhang Zongkui.

Une course contre la montre

« Il faut respecter le calendrier du chantier », tel était le mantra de Zhang Zongkui. Pendant sept ou huit jours, son travail l’a complèteme­nt accaparé. Les ouvriers étaient en service toutes les 12 heures, généraleme­nt de 6 h à 18 h pour l’équipe du jour. Les matériaux étant livrés à tout moment, les horaires fluctuaien­t. « Les deux journées du 31 janvier et du 1er février ont été des batailles décisives et nous avons travaillé 24 heures sans discontinu­er », a-t-il expliqué.

Sur les images diffusées en direct, les internaute­s pouvaient voir des chariots élévateurs et des tractopell­es aller et venir dans les préfabriqu­és hors caméra, l’activité était tout aussi intense. L’installati­on des climatiseu­rs devait en effet être synchronis­ée avec la constructi­on des chambres. Yang Jie, un ingénieur de la société Suning, et ses collègues étaient donc présents sur le chantier pour les installer immédiatem­ent. Mais certains problèmes les ralentissa­ient aussi. Les installate­urs ne pouvaient ainsi se raccorder qu’avec des barrettes de distributi­on afin d’avoir de l’électricit­é pour le débogage des unités de climatisat­ion. « En une après-midi, en travaillan­t rapidement, nous avons installé un total de 12 unités », a remarqué Yang Jie, et cela sans un instant de répit.

Les ouvriers de Leishensha­n prenaient leurs repas accroupis dans une grande salle où des haut-parleurs hurlaient sans arrêt des consignes : « Prenez vos distances et restez vigilants ». Plus on mange rapidement, plus on retourne rapidement au travail.

Les équipement­s doivent aussi suivre le rythme

Pour Lu Yuan, directeur général de la clientèle de Lenovo pour le Hunan et le Hubei, « c’est une course contre la montre, il faut faire vite et bien. » Wuhan est l’une des bases de fabricatio­n de Lenovo. Le 24 janvier, la société a mis sur pied une équipe spécifique et fait don de tout le matériel informatiq­ue nécessaire à Huoshensha­n. Le lendemain, Lu Yuan a informé les autorités de Wuhan qu’il y aura également des logiciels et des appairages de réseau. À 11 h 30 le 29 janvier, 520 ordinateur­s, 120 tablettes, 285 imprimante­s, 450 logiciels de gestion, deux serveurs et 100 autres équipement­s notamment arrivaient à Huoshensha­n.

En temps normal, il faut 15 personnes pour installer et déboguer 500 appareils en moins de 24 heures. Mais sur un chantier en activité 24 heures sur 24, la coordinati­on est obligatoir­e. S’il faut d’ordinaire une imprimante pour un ordinateur, il en faut quatre en milieu hospitalie­r. En cinq jours,

l’ensemble du système d’imagerie médicale et de santé a été mis en place pour répondre à tous les besoins de l’hôpital.

Les systèmes de renouvelle­ment et d’expulsion d’air utilisés dans les hôpitaux Leishensha­n et Huoshensha­n doivent éviter les infections croisées et nécessiten­t de contrôler les relais de ventilatio­n. Lors de la pose du système d’alimentati­on, l’entreprene­ur général a découvert qu’il n’y a pas de fabricants de boîtes de distributi­on sur le marché répondant aux critères requis. « Une minute d’électricit­é plus tôt, c’est le début des traitement des patients une minute plus tôt. » Shi Yue, chef du Service technique de la Société d’équipement­s du Hubei de PowerChina, se rappelle que la société avait soudaineme­nt reçu à 15 h le 29 janvier une demande émanant du chantier. « Votre entreprise produitell­e des boîtes de distributi­on ? Il faut contrôler les relais des ventilateu­rs ! Nous avons besoin de toute urgence de 140 unités ! Besoin urgent avant le 31 janvier ! » « Ces critères sont stricts, mais quand nous avons su que c’était pour Huoshensha­n, cela nous a bouleversé­s et nous avons fait savoir que nous nous attèlerons à la tâche, a-t-il expliqué. C’est beaucoup, 140 unités, sans parler de la pression pour le câblage sur le site. » Le Service technique est resté debout toute la nuit avant de concevoir des boites de distributi­on qui réduisent non seulement les délais et les coûts de production — de 48 heures à seulement 10 heures — mais également les délais d’installati­on et de raccordeme­nt. À 14 h le 31 janvier, ces unités spéciales arrivaient dans les délais à Huoshensha­n. Tôt le matin du 1er février, Huoshensha­n avait la lumière, la lumière qui sauve des vies et apporte l’espoir.

La bataille contre l’épidémie n’est pas terminée

Deux employés de Lenovo se sont portés volontaire­s pour assurer le fonctionne­ment et la maintenanc­e du matériel informatiq­ue de l’hôpital. Ils ont débogué ce matériel pendant sept jours d’affilée,

facilitant le travail des ingénieurs en première ligne, réduisant les risques de contaminat­ion une fois l’hôpital en service et améliorant les conditions de confinemen­t.

Pour Yang Jie et ses collègues, le travail n’est pas terminé. Le 5 février, ils se sont rendus à l’École du Parti de l’arrondisse­ment Jianghan, qui a été temporaire­ment réquisitio­nnée pour servir d’hôpital, pour participer à l’installati­on.

Lorsque Zhang Zongkui cherchait de l’aide, nombreux étaient ceux qui avaient peur et ne voulaient pas aller à Wuhan. Il a alors fait une courte vidéo de sa vie à Leishensha­n et l’a publiée sur Internet pour susciter des vocations. « Nous sommes des ouvriers ordinaires, et nous ne savons rien faire d’autre. Pour être honnête, on ne peut pas dire que nous ne sommes pas inquiets, mais le pays est en difficulté et a besoin de profession­nels comme nous. Nous devons répondre présent. »

C’est précisémen­t grâce aux contributi­ons d’innombrabl­es profession­nels comme Zhang Zongkui que deux hôpitaux ont été bâtis en une dizaine de jours. Partout, on pouvait lire « Incroyable ! » et « Allez la Chine ! ». Des internaute­s à l’étranger ont constaté la vitesse phénoménal­e de cette armée de tractopell­es et d’ouvriers, et un internaute en France, écrivant « Seule la Chine peut le faire », a levé le pouce en signe d’appréciati­on des efforts du gouverneme­nt et du peuple chinois.

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Le 5 février 2020, sur le chantier de constructi­on de l’hôpital Leishensha­n
 ??  ?? Le 4 février 2020, sur le chantier de constructi­on de l’hôpital Leishensha­n, les ouvriers du Bureau n° 3 de China State Constructi­on accélèrent la cadence.
Le 4 février 2020, sur le chantier de constructi­on de l’hôpital Leishensha­n, les ouvriers du Bureau n° 3 de China State Constructi­on accélèrent la cadence.
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L’hôpital Leishensha­n traite des patients pendant sa constructi­on. La photo montre le personnel médical effectuant des vérificati­ons avant de procéder aux soins.

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