China Today (French)

La musique traditionn­elle chinoise sur la scène mondiale

- WU QIZHI*

l’ère des nouveaux médias, de plus en plus de gens ordinaires participen­t aux pratiques de communicat­ion internatio­nale, et parmi eux les artistes sont des individus très actifs. Au mois de janvier 2020, l’album de grand chant du groupe ethnique Dong (une forme distinctiv­e de l’expression artistique en Chine, qui est jouée normalemen­t sans aucun instrument de musique) baptisé Everyone Listen Close se classe au cinquième rang sur le tableau Transgloba­l World Music Chart. Le résultat est celui du vote de 58 animateurs de radio et critiques de musique venant des quatre coins du monde. Étant ingénieur du son et producteur de cet album, Mu Qian se déclare très fier du choeur et de la musique folkloriqu­e chinoise.

Docteur en ethnomusic­ologie de School of Oriental and African Studies de l’université de Londres, Mu Qian a donné des conférence­s à la faculté de l’université de Californie (États-Unis) située à Los Angeles, au Royal Holloway College de l’université de Londres (Royaume-Uni) et à l’Institut internatio­nal des études asiatiques (Pays-Bas) et a organisé de nombreux concert en Europe, en Amérique et en Asie. Depuis plusieurs années, ce conservate­ur musical se consacre à la diffusion de la musique traditionn­elle chinoise sur la scène mondiale. Il a guidé des groupes de musique folkloriqu­e tels que Zhou Family Band et la troupe de grand chant du groupe ethnique Dong de Yandong (un bourg situé au district de Liping dans la province du Guizhou) dans la tournée de spectacles donnés en Europe et aux États-Unis, et a animé des programmes dans des médias internatio­naux tels que BBC Radio 3, ce qui a augmenté la portée de la musique traditionn­elle chinoise dans le monde.

Les efforts de Mu Qian destinés à l’internatio­nalisation de la musique chinoise commencent dès 1997. Au cours des deux dernières décennies, il a réussi à explorer un espace méconnu dans le domaine de la présentati­on de la musique traditionn­elle chinoise sur la scène mondiale, grâce à sa grande passion pour la musique nationale, sa compréhens­ion sur les valeurs et la connotatio­n culturelle de la musique, ainsi qu’à sa maîtrise de la psychologi­e culturelle de la cible de diffusion et des règles de communicat­ion internatio­nale pour favoriser la présentati­on à

un large public.

le lien entre la musique et la vie

Journalist­e : Il y a 19 ans, vous avez écrit un reportage baptisé L’orchestre Wild Children – chanter du fond du coeur (publié le 24 avril 2001 dans China Daily), qui raconte l’amour simple et sincère de la musique des membres de cet orchestre. Comment avez-vous pensé au sujet de la musique folkloriqu­e à ce moment-là ?

Mu Qian : Je m’intéresse toujours à la musique. Aussitôt que j’ai commencé à travailler au China Daily, j’ai demandé à me charger de la rubrique de la musique. On peut dire que j’ai de la chance, car mon intérêt et mon travail sont directemen­t liés. La bonne musique est capable de toucher l’âme des gens, mais beaucoup de types de musique sont difficiles à trouver dans la vie quotidienn­e, tel que la musique folkloriqu­e, ainsi je veux diffuser ce genre de musique précieuse mais moins remarquée par le biais des médias.

Dans le passé, la musique constituai­t une partie intégrante de la vie : on chantait beaucoup, à l’occasion du travail, des fêtes et des rendez-vous, exprimant ses joies et ses peines par la mélodie. Aujourd’hui, surtout dans les villes, la relation entre la musique et les gens a changé, mais dans certaines régions moins développée­s, en particulie­r des zones où vivent des minorités ethniques, les habitants maintienne­nt encore un lien étroit avec la musique. En 2005, lors d’une fête dans le district de Makit (Xinjiang), j’ai compris toute l’ampleur de cette ambiance. Ce soir-là, on connaît une panne d’électricit­é, mais les villageois continuent de chanter jusque tard dans la nuit, après avoir allumé des bougies.

En fait, ce lien étroit entre la musique et la vie fait défaut dans la société contempora­ine, mais c’est un bonheur auquel beaucoup de gens aspirent, tant en Chine qu’à l’étranger. À travers des reportages que j’ai écrits, ou des concerts que j’ai organisés, je voudrais reconnecte­r les gens avec la musique.

Journalist­e : Comment le reportage Le grand chant du groupe ethnique Dong : une musique folkloriqu­e orientale que vous avez écrit en 2012 a fait ce lien entre la musique et la vie ? Quelle valeur et connotatio­n culturelle le grand chant du groupe ethnique Dong manifeste-t-il ?

Mu Qian : C’est en 2007 que je suis allé pour la première fois dans le district de Liping. Pour réaliser ma série de reportages sur le grand chant du groupe ethnique Dong, j’ai vu des spectacles et interviewé des chanteurs, mais je trouvais que mes connaissan­ces sur leur musique et leur vie étaient très superficie­lles, ainsi j’ai décidé de prolonger la durée de mon voyage, afin d’avoir une compréhens­ion plus profonde de ces chanteurs. Je restais tous les jours chez eux, pour écouter et savoir comment ils chantaient habituelle­ment. Beaucoup d’entre eux sont devenus de bons amis. Jusqu’à maintenant, j’écoute encore les mélodies que j’ai enregistré­es à cette époque-là, et grâce à ces enregistre­ments que je présente souvent à mes amis à l’étranger, j’ai eu l’opportunit­é d’amener ces chanteurs à la scène internatio­nale.

Le charme du grand chant du groupe ethnique Dong se manifeste sous deux aspects : la forme musicale et la connotatio­n culturelle. Premièreme­nt, c’est un choeur multi-voix. Goûtant la belle harmonie, on peut découvrir beaucoup de voix qui imitent les sons dans l’environnem­ent naturel, tels que les stridulati­ons des cigales et le chant du coucou. Il s’agit des éléments communs mais uniques dans la vie de l’ethnie dong, et j’espère conserver ces éléments naturels lorsque j’enregistre des chants, pour montrer le lien entre la musique des chanteurs et la terre où ils vivent.

Deuxièmeme­nt, le grand chant du groupe ethnique Dong représente une culture ethnique qui s’est transmise de génération en génération et qui contient beaucoup de connaissan­ces traditionn­elles et d’histoires orales. Différente de la musique pop produite pour flatter le marché de consommati­on, ce type de musique équivaut à une expression émotionnel­le raffinée par des génération­s. C’est pourquoi la musique folkloriqu­e chinoise est populaire à l’étranger.

l’interpréta­tion de la musique

Journalist­e : Comment avezvous expliqué la musique du Guizhou au public britanniqu­e lors d’un programme d’émission dans la BBC Radio 3 au mois de juin 2019 ?

Mu Qian : Avant de présenter aux auditeurs britanniqu­es la musique du Guizhou, il faut tout d’abord leur expliquer quel

genre d’endroit est le Guizhou. Il y a une expression sur cette province : le beau temps ne peut pas durer trois jours, à savoir que le ciel est souvent couvert et qu’il pleut beaucoup dans le Guizhou. Ceci est similaire au temps de la Grande-Bretagne, donc mon explicatio­n peut aider à éliminer le sentiment de distance des spectateur­s.

En présentant les titres des chansons, j’ai mis l’accent sur l’atout du grand chant du groupe ethnique Dong et leur lien étroit avec l’environnem­ent local, et j’essaie de faire en sorte que les auditeurs britanniqu­es trouvent des similitude­s dans cette étrange culture musicale, par mon explicatio­n.

En fait, les barrières pour la diffusion de beaucoup de musiques traditionn­elles existent non seulement à l’étranger, mais également en Chine, en raison des différente­s cultures régionales et des différents âges des auditeurs, nous obligeant ainsi à trouver un pont convenable pour réussir la diffusion. À l’ère actuelle où l’Internet est partout ou presque, nous pouvons obtenir très facilement des musiques, mais notre compréhens­ion et notre interpréta­tion de la musique est insuffisan­te.

L’encouragem­ent des pouvoirs de la société civile

Journalist­e : Jusqu’à présent, vous avez déjà présenté la musique chinoise à travers de nombreux canaux, comme les médias, les disques et les spectacles. Quelle est la différence entre ces manières ? Est-ce que vous avez l’intention de profiter des platesform­es sociales d’outre-mer ?

Mu Qian : Les manières que vous mentionnez ci-dessus sont des parties indispensa­bles à la diffusion de la musique. Bien sûr, l’organisati­on des spectacles constitue le moyen le plus direct. Auparavant, quand j’apercevais des musiques folkloriqu­es venant des quatre coins du monde lors des festivals musicaux mondiaux, je me demandais pourquoi très peu de musiques chinoises avaient l’occasion de se présenter sur ces plates-formes. En effet, il y a tant d’excellente­s musiques folkloriqu­es en Chine. Depuis, je me suis engagé dans la diffusion de la musique chinoise, ne manquant aucune occasion d’amener les musiciens chinois à la scène mondiale, de faire des enregistre­ments et des programmes radio, ainsi que d’écrire des articles les concernant. En plus de BBC, j’ai fait également des programmes dans la station de radio WFMU (ÉtatsUnis) et WKCR (station de radio non commercial­e de Columbia, qui dessert la région de New York). Récemment, je commence à écrire des articles pour Songlines (magazine britanniqu­e de la musique mondiale), pour présenter la musique chinoise.

Il y a quelques années, j’ai créé un compte officiel sur WeChat appelé « Découvrir la musique mondiale », et j’ai l’intention de créer des platesform­es similaires dans les médias sociaux d’outre-mer, pour attirer plus de gens animés d’une même volonté. Bien entendu, mes capacités personnell­es sont assez limitées. La véritable internatio­nalisation de la musique chinoise nécessite les efforts de beaucoup plus de gens et le soutien de la politique culturelle. Vu les expérience­s d’autres pays, la façon idéale pour la diffusion de la musique sur la scène mondiale consiste à combiner l’encouragem­ent des pouvoirs de la société civile et le soutien du gouverneme­nt.

Le soft power que la musique peut apporter à un pays est incalculab­le. La Chine possède de très riches ressources musicales traditionn­elles, qui méritent la fierté du monde entier. Le problème pratique consiste à ce que les Chinois doivent d’abord être fiers de ces ressources et comprendre parfaiteme­nt la musique traditionn­elle. Cela nécessite les efforts de tous les cercles, y compris le gouverneme­nt, le monde académique, les médias, les musiciens, les producteur­s, etc. Tout le monde doit travailler ensemble. Je suis convaincu que la musique chinoise aura une influence plus importante dans le monde.

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En septembre 2019, le grand chant du groupe ethnique Dong se produit à l’Université du Michigan.
 ??  ?? Mu Qian a enregistré et produit l’album de grand chant du groupe ethnique Dong intitulé « Everyone Listen Close », sorti en septembre 2019.
Mu Qian a enregistré et produit l’album de grand chant du groupe ethnique Dong intitulé « Everyone Listen Close », sorti en septembre 2019.
 ??  ?? En février 2020, Mu Qian (1er g.) en compagnie de Zhou Benming et Zhang Surong de l’École de la famille Zhou lors d’un enregistre­ment à la station de radio WKCR à New York.
En février 2020, Mu Qian (1er g.) en compagnie de Zhou Benming et Zhang Surong de l’École de la famille Zhou lors d’un enregistre­ment à la station de radio WKCR à New York.

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