China Today (French)

L’initiative « la Ceinture et la Route » en pleine évolution

- REN LIBO*

L’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » n’est pas figée : il s’agit d’un processus d’ajustement et de mise à niveau dynamique. Les Chinois, qui sont doués pour faire le point sur les expérience­s et leçons apprises, sont constammen­t en pleine remise en cause, éliminant les difficulté­s et améliorant la planificat­ion par le déploiemen­t de solutions expériment­ales.

Ces dernières années, des changement­s majeurs sont intervenus au fil de la constructi­on de « la Ceinture et la Route ».

Premièreme­nt, l’initiative « la Ceinture et la Route » est de plus en plus ouverte, prêtant plus d’attention à la coopératio­n en marchés tiers.

Fin septembre 2019, Dominique de Villepin, ancien premier ministre français, a rendu visite au groupe de réflexion Grandview Institutio­n et a tenu une série de dialogues avec des experts et des ambassadeu­rs chinois résidant ou ayant résidé en Europe et en Afrique. Ils se sont entretenus au sujet de la coopératio­n entre la Chine et l’Europe, en particulie­r de la coopératio­n entre la Chine et la France sur le continent africain. Fin octobre, la Chatham House et la Grandview Institutio­n ont organisé à Beijing un séminaire spécial sur la faisabilit­é des projets de coopératio­n entre la Chine et l’Europe en Afrique du Nord, liés à « la Ceinture et la Route ». Selon les données de la Commission nationale du développem­ent et de la réforme de

Chine, en juin 2019, la Chine avait déjà signé des documents de coopératio­n en marchés tiers avec 14 pays, dont la France, le Japon, l’Italie et le Royaume-Uni. En outre, elle avait déjà établi des mécanismes de coopératio­n en marchés tiers, dans le but de bâtir avec ces pays une plate-forme de coopératio­n pour les entreprise­s et de fournir des services publics.

Deuxièmeme­nt, l’initiative « la Ceinture et la Route » est de plus en plus orientée vers le marché, mettant davantage l’accent sur l’implicatio­n et le potentiel des entreprise­s privées ainsi que sur le développem­ent durable.

Pour accélérer le démarrage de cette initiative, les entreprise­s publiques chinoises sont devenues la principale source de financemen­t des projets liés à « la Ceinture et la Route », et également les principaux promoteurs de ces projets. Ce mode opératoire a suscité de nombreux doutes en Occident. Pour les dissiper, la Grandview Institutio­n a fait paraître, en 2017, l’ouvrage New Force: Chinese Private Enterprise­s in the “Belt and Road”. Au cours de discussion­s qui ont eu lieu à l’occasion de la sortie du livre, des hauts fonctionna­ires de la Commission nationale du développem­ent et de la réforme ainsi que de la Banque de développem­ent de Chine ont convenu que les entreprise­s privées constituen­t la force principale.

Selon les données du Conseil chinois pour la promotion du commerce internatio­nal, en 2018, les entreprise­s privées représenta­ient plus de 50 % du volume des échanges entre la Chine et les pays riverains de « la Ceinture et la Route », avec leur part dans les exportatio­ns s’établissan­t à plus de 60 %. Le gouverneme­nt chinois prend également diverses mesures pour faciliter et encourager l’entrée et l’expansion des entreprise­s privées sur les marchés, étant donné que le concept d’orientatio­n du marché est désormais la base fondamenta­le pour le développem­ent durable de l’initiative.

Troisièmem­ent, l’initiative « la Ceinture et la Route » est de plus en plus tournée vers la finance, accordant une plus grande attention au développem­ent et à la mise en place d’un système financier internatio­nal ouvert.

Depuis 2016, la Grandview Institutio­n a observé que des fonds d’investisse­ment du Royaume-Uni, du Japon, de la Suisse, de Singapour, ainsi que de la partie continenta­le de la Chine, de Hong Kong et de Taiwan contribuai­ent constammen­t au financemen­t dans le cadre de l’initiative ; par ailleurs, ceux-ci ont forgé une solide coopératio­n avec le système financier à caractère politique de la Chine.

Lors du 2e Forum de « la Ceinture et la Route » pour la coopératio­n internatio­nale qui s’est déroulé en avril 2019, le président Xi Jinping a clairement souligné la nécessité de construire un système de financemen­t diversifié et un marché des capitaux multi-niveaux. Liu Kun, ministre chinois des Finances, a indiqué à cette occasion le besoin de soutenir le financemen­t à long terme des infrastruc­tures via des fonds issus de diverses sources, d’adhérer au principe de la coopératio­n ouverte du système financier dans le cadre de l’initiative et de faire jouer pleinement un « rôle de locomotive » aux fonds publics. Il est d’avis qu’il faut mobiliser les capitaux à long terme et les capitaux privés pour améliorer encore le système de financemen­t diversifié, inclusif et durable dans ce cadre. Ces déclaratio­ns officielle­s représente­nt les besoins stratégiqu­es liés au développem­ent de l’initiative en elle-même. Évaluer l’investisse­ment dans les projets avec un système financier davantage axé sur le marché, afin de réduire et résoudre les risques d’endettemen­t, devient un objectif clé pour

l’initiative, qui est entrée dans une phase critique.

Quatrièmem­ent, l’initiative « la Ceinture et la Route » prend de plus en plus une dimension sociale, en insistant davantage sur la coopératio­n avec les organisati­ons internatio­nales et les organisati­ons non gouverneme­ntales, et en les encouragea­nt et en les invitant à participer à la formulatio­n des règles.

L’initiative « la Ceinture et la Route » est un bien public que la Chine met à la dispositio­n du monde. Après avoir fourni un certain lot de produits et services ces cinq premières années, la Chine restructur­e les normes de développem­ent applicable­s à la constructi­on de « la Ceinture et la Route » en coordinati­on avec le monde. À l’heure actuelle, la Chine a signé des documents de coopératio­n dans le cadre de l’initiative avec 30 organisati­ons internatio­nales, et le pays cherche sans cesse à se conformer aux divers règlements et normes de l’UE, de l’ASEAN, de l’OCS et d’autres organisati­ons. L’objectif est de conjuguer les efforts et d’assurer une supervisio­n efficace.

On néglige trop souvent le fait que le gouverneme­nt chinois encourage et invite toujours plus d’organisati­ons non gouverneme­ntales à participer à la constructi­on de la « Ceinture et la Route ». La Chine pousse vivement les départemen­ts gouverneme­ntaux, les entreprise­s et les parties prenantes aux projets à communique­r avec elles, à leur donner accès à davantage d’informatio­ns et à les inciter à surveiller le fonctionne­ment des marchés et à en améliorer les règles. Dans le même temps, le gouverneme­nt chinois appelle les groupes de réflexion indépendan­ts à formuler des suggestion­s sur les risques globaux de l’initiative et sur la coopératio­n internatio­nale s’inscrivant dans ce cadre.

Cinquièmem­ent : l’initiative « la Ceinture et la Route » est de plus en plus écologique, attachant une importance accrue aux avantages sociaux, sans porter atteinte à l’environnem­ent.

Des représenta­nts issus d’entreprise­s administré­es par les autorités centrales chinoises et d’autres catégories d’entreprise­s publiques, lesquelles prennent part à la constructi­on de « la Ceinture et la Route », nous confient souvent craindre surtout deux départemen­ts du gouverneme­nt chinois : le ministère de la Protection de l’environnem­ent et la Commission de contrôle et de gestion des biens publics du Conseil des affaires d’État (SASAC). L’évaluation de l’impact environnem­ental des projets dans le cadre de l’initiative a été placée sous la supervisio­n du gouverneme­nt, et l’entreprise dont les résultats sont jugés insuffisan­ts ne peut pas demander un prêt financier à caractère politique. À l’avenir, les résultats de l’évaluation seront étendus et audités. D’ailleurs, ces entreprise­s publiques doivent remettre chaque année à la SASAC un rapport d’audit, dont les avantages sociaux constituen­t le volet le plus important. Si les normes en matière de responsabi­lité environnem­entale ne sont pas respectées, il suffira d’un vote pour rejeter le projet.

Finalement, ces cinq changement­s peuvent se résumer en quelques mots : synergie des marchés, concertati­on quant aux règles et partage des bénéfices. Ces termes sont au reflet des valeurs, de la justice et des intérêts du multilatér­alisme dans l’esprit des Chinois. Le gouverneme­nt chinois, les entreprise­s et le système financier ont compris que cette initiative a évolué, partant du régionalis­me, vers un multilatér­alisme plus ouvert, plus mature et plus durable. Ces caractéris­tiques sont conformes aux principes du multilatér­alisme préconisés par l’Europe. J’espère que tout le monde saura voir cette Chine en pleine transforma­tion et cette initiative en pleine évolution. *REN LIBO est président-fondateur du groupe de réflexion Grandview Institutio­n. (Extrait de son allocution à la 3e session du Forum de Paris sur l’initiative « la Ceinture et la Route » en 2019)

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Vue d’ensemble du projet de la ville portuaire de Colombo, au Sri Lanka, le 8 décembre 2019
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Le 17 janvier 2020, au terminal à conteneurs de Shanggang dans le district d’Anji, dans la ville de Huzhou (province du Zhejiang), des conteneurs chargeant du mobilier de bureau produit par des entreprise­s exportatri­ces locales sont hissés sur un porte-conteneurs.
 ??  ?? Le Forum du think tank de haut niveau sur « la Ceinture et la Route » organisé par le Départemen­t de Liaison internatio­nale du Comité central du PCC a eu lieu à Beijing le 26 décembre 2019.
Le Forum du think tank de haut niveau sur « la Ceinture et la Route » organisé par le Départemen­t de Liaison internatio­nale du Comité central du PCC a eu lieu à Beijing le 26 décembre 2019.

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