China Today (French)

COVID-19 : quels impacts sur le commerce extérieur et l’investisse­ment

- LI CHuNDING et ZHANG HANWEN*

Selon de récentes données de l’organisati­on mondiale de la santé (oMs), au 30 mars 2020, le COVID-19 avait déjà infecté plus de 200 pays dans le monde, avec plus de 600 000 cas confirmés hors de Chine. Cette pandémie mondiale, en plus de menacer la santé publique et la sécurité des population­s, frappe durement l’économie mondiale et le commerce internatio­nal, mis face à de nouveaux défis. Fatalement, le commerce extérieur et l’investisse­ment étranger en Chine en subissent, eux aussi, les répercussi­ons.

D’après les statistiqu­es du ministère chinois du Commerce, sur la période janvier-février 2020, côté commerce extérieur, la valeur cumulée des importatio­ns et exportatio­ns atteignait 4 120 milliards de yuans (-9,6 %), les exportatio­ns représenta­nt 2 040 milliards (-15,9 %) et les importatio­ns représenta­nt 2 080 milliards (-2,4 %) dans ce total. Côté investisse­ment étranger, sur cette même période, la Chine a réellement utilisé 134,4 milliards de yuans d’investisse­ments étrangers, soit une baisse de 8,6 % en glissement annuel ; la valeur de ces investisse­ments au mois de février n’était que de 46,83 milliards, soit un recul de 25,6 % par rapport à la même période l’année dernière. contexte, certaines entreprise­s n’ont pas pu, au pic de l’épidémie en Chine, honorer ou livrer dans les délais certaines commandes passées à l’étranger. Deuxièmeme­nt, la rupture des chaînes d’approvisio­nnement en amont et en aval de la production. Si le ravitaille­ment en matières premières et en intrants intermédia­ires est insuffisan­t, le secteur de la

production ne peut pas fonctionne­r normalemen­t. C’est pourquoi le choc exogène de l’épidémie a provoqué l’interrupti­on à court terme de l’approvisio­nnement des fabricants. Cette épidémie, dont la propagatio­n explose sur notre planète, risque d’entraîner davantage de perturbati­ons dans les chaînes d’approvisio­nnement. Troisièmem­ent, la chute de la compétitiv­ité de l’offre, en raison de la hausse des coûts de production. L’épidémie a fait flamber les coûts de production dans toutes les branches, ce qui risque de faire perdre aux exportateu­rs chinois leur compétitiv­ité-prix, et par voie de conséquenc­e, leur part sur le marché d’exportatio­n. Quatrièmem­ent, la hausse des coûts de financemen­t, découlant des difficulté­s financière­s des entreprise­s exportatri­ces. Face à l’épidémie, les sociétés d’exportatio­n n’ont pas pu recouvrer leurs dettes et créances en temps opportun, ce qui naturellem­ent fait apparaître des carences dans la chaîne des capitaux.

En outre, l’épidémie a entraîné une baisse de la demande intérieure et extérieure, tout en transforma­nt sa structure. Il est probable que la demande en Chine et à l’étranger diminue. Certains produits sont plus affectés que d’autres, mais globalemen­t, du fait de l’épidémie, la demande affiche une tendance à la baisse pour la plupart des marchandis­es, à l’exception des denrées alimentair­es et des articles pour se prémunir contre l’épidémie (dont la demande s’est envolée). Et la baisse de la demande étrangère mettra à mal les exportateu­rs chinois. Par ailleurs, une restructur­ation de la demande a eu lieu. En cette période de pandémie, la demande en aliments sains et en produits d’hygiène pour éviter toute contaminat­ion a connu un essor ; les exigences sanitaires et écologique­s applicable­s aux marchandis­es ont été durcies ; la demande en produits Internet est montée d’un cran. Ainsi, progressiv­ement, des changement­s sont apparus dans la structure de la demande, ce qui a poussé les entreprise­s à revoir leurs formats d’exportatio­n. L’épidémie a fait baisser le revenu des ménages, et ce pouvoir d’achat amoindri réduira encore la demande en biens d’exportatio­n.

Enfin, l’épidémie a eu pour effet de faire augmenter le coût des échanges commerciau­x et de dresser de nouvelles barrières commercial­es. Essentiell­ement, trois grands facteurs l’expliquent. Premièreme­nt, les délais et frais associés à la logistique, au stockage, à l’inspection et à la quarantain­e ainsi qu’au dédouaneme­nt ont crû. Deuxièmeme­nt, les risques de retards et défauts de paiement, tout comme les incertitud­es à ce propos, se sont intensifié­s. Troisièmem­ent, les contrôles aux frontières, tout comme le protection­nisme, se sont accentués. L’OMS a qualifié le COVID-19 d’« urgence de santé publique de portée internatio­nale » le 28 janvier. Par la suite, afin de prévenir et de contrôler l’épidémie, plus de 130 pays (dont les États-Unis, le Japon, la Russie et la République de Corée) ont introduit des mesures de contrôle des entrées/sorties, appliquées notamment au niveau des ports, des compagnies aériennes et des services de visas. Dans le secteur agroalimen­taire, de nombreux pays ont également instauré des interdicti­ons d’importatio­n au motif du risque de propagatio­n du COVID-19. En outre, le protection­nisme s’installe sans peine dans ce contexte de croissance économique affaiblie, car sous prétexte de se protéger du nouveau coronaviru­s, certains États érigent des obstacles aux échanges commerciau­x.

L’impact de l’épidémie sur l’investisse­ment étranger se constate à plusieurs niveaux. D’abord, la baisse de la demande et les restrictio­ns de circulatio­n résultant de l’épidémie ont eu une incidence sur l’utilisatio­n des investisse­ments étrangers. sous le choc de l’épidémie, il semblerait que la plupart des activités économique­s soient partiellem­ent suspendues, de telle sorte que la demande des consommate­urs a fortement diminué et que la structure de la consommati­on a évolué. Les secteurs de la restaurati­on, du divertisse­ment, du transport, de la logistique et d’autres encore tournent à moindre régime ou sont carrément à l’arrêt. Que ce soit pour les entreprise­s nationales ou pour les entreprise­s étrangères, le coût qu’implique un processus de « sortie des frontières » augmente. Les entreprise­s étrangères hésiteront alors à investir en Chine dans les secteurs frappés par l’épidémie, ce qui augmentera l’incertitud­e côté investisse­ment. Bien que la propagatio­n mondiale du COVID-19 contribue dans une certaine mesure à attirer les investisse­ments étrangers en Chine, là où la situation épidémique est stabilisée, de manière générale, l’acquisitio­n d’investisse­ments étrangers sera entravée en raison de la détériorat­ion de l’environnem­ent économique à l’extérieur, la pression ressentie sur la chaîne des capitaux, ainsi que le recul de la demande mondiale.

En outre, la fragmentat­ion des chaînes industriel­les et d’approvisio­nnement a influé sur la captation des investisse­ments étrangers. La Chine est un grand pays manufactur­ier. Sous la menace de l’épidémie, certaines entreprise­s ont dû cesser la production, ce qui a perturbé à court terme l’offre en amont des chaînes de production et d’approvisio­nnement. En conséquenc­e, l’investisse­ment étranger dans les industries connexes ne peut pas progresser normalemen­t. Dans le même temps, les fabricants de produits finaux en aval du maillon des pièces détachées ont dû interrompr­e leur activité, ce qui a signé la fin des opérations d’investisse­ment. La volonté accrue des multinatio­nales de réduire leurs coûts au temps de l’épidémie et l’accroissem­ent des coûts d’approvisio­nnement en produits intermédia­ires, couplés à l’offre insuffisan­te et à la hausse des prix des produits en amont et en aval, auront un impact sur les activités d’investisse­ment et freineront l’entrée des capitaux étrangers. Par ailleurs, les lacunes dans les chaînes industriel­les et d’approvisio­nnement peuvent bien vite conduire au déplacemen­t de la chaîne de valeur, se caractéris­ant par le retrait et transfert des capitaux étrangers vers d’autres régions, au grand dam de la Chine.

Parallèlem­ent, l’épidémie a secoué les marchés financiers mondiaux et ralenti subséquemm­ent l’arrivée des investisse­ments étrangers sur le territoire chinois. En raison des effets de l’épidémie sur l’économie réelle, les prévisions de croissance ont été revues à la baisse et depuis février, les bourses mondiales se « cassent la figure ». Les actions américaine­s et européenne­s, ainsi que les indices des Bourses de Shanghai et de Shenzhen, sont entrés dans une sombre période de hauts et bas. L’instabilit­é et la tendance à la baisse des marchés des capitaux augmentero­nt le risque de change et les autres risques financiers planant sur l’investisse­ment extérieur, et les incertitud­es qui en découlent desservent l’investisse­ment étranger en Chine. Bien sûr, la plongée des marchés financiers et le manque de vitalité de l’économie réelle ont incité pas mal d’autres pays à adopter des politiques monétaires d’assoupliss­ement quantitati­f. Par exemple, la Réserve fédérale américaine a lancé le 16 mars un certain nombre de politiques prévoyant la baisse des taux d’intérêt et un assoupliss­ement quantitati­f. Il est probable que

À l’heure où le COVID-19 s’étend partout dans le monde, on s’attend à une baisse et une contractio­n du commerce et des investisse­ments directs étrangers à l’échelle mondiale en 2020.

Afin de réduire les pertes causées par la propagatio­n de l’épidémie, il est indispensa­ble de prendre des mesures d’aide et de protection proportion­nées. Premièreme­nt, il faut encourager une réponse mondiale coordonnée, pour combattre et contrôler conjointem­ent l’épidémie. Un contrôle rapide et efficace de l’épidémie est essentiel pour diminuer l’impact. Deuxièmeme­nt, il faut soutenir les entreprise­s de commerce extérieur et l’investisse­ment étranger pour les aider à reprendre la production de manière ordonnée. C’est justement ce que le gouverneme­nt chinois est en train de faire. Troisièmem­ent, il faut optimiser l’environnem­ent matériel et logiciel pour contribuer au commerce extérieur et attirer les investisse­ments étrangers. Il convient de continuer à explorer les marchés, nouveaux et existants. Il y a lieu de parfaire l’environnem­ent commercial et d’offrir un éventail de services profession­nels pour l’investisse­ment étranger. Il est nécessaire de mettre en applicatio­n des lois et réglementa­tions afférentes, tout en sauvegarda­nt les droits et intérêts des entreprise­s à capitaux étrangers. Quatrièmem­ent, il faut trouver des méthodes innovantes pour stimuler la promotion des investisse­ments. Via des moyens comme les discussion­s en ligne, visioconfé­rences et signatures électroniq­ues, il convient d’intégrer les ressources pour la captation des investisse­ments en recourant à diverses plates-formes d’investisse­ment, afin d’accroître la communicat­ion et la promotion autour de l’environnem­ent d’investisse­ment et des projets de coopératio­n. Cinquièmem­ent, il faut renforcer les services de prévention du COVID-19 dédiés au commerce extérieur et aux entreprise­s à capitaux étrangers. Il y a nécessité d’aider le commerce extérieur et les entreprise­s à financemen­t étranger à affronter les risques et difficulté­s soulevés par l’épidémie. Il convient notamment d’établir une plate-forme juridique, pour proposer des services de conseil aux entreprise­s et répondre à leurs préoccupat­ions juridiques en lien avec l’épidémie.

Malgré l’impact exogène inévitable du COVID-19, la Chine possède des avantages concurrent­iels à divers points de vue : stabilité et compétitiv­ité économique­s, infrastruc­tures, ressources humaines, industrie, politiques de soutien et environnem­ent commercial. Couplés à son gigantesqu­e marché et à son économie ne cessant de progresser, ces atouts constituen­t des forces endogènes aptes à promouvoir le développem­ent du commerce extérieur et l’attraction des investisse­ments étrangers.

À long terme, le commerce extérieur de la Chine continuera de suivre sa tendance positive ; la tendance à la hausse des investisse­ments étrangers entrants en Chine et l’environnem­ent connexe ne changeront pas ; et la chaîne industriel­le ne se déplacera pas en raison de la situation épidémique. Le commerce extérieur et l’investisse­ment étranger en Chine continuero­nt également de gagner en ampleur et de hausser en niveau au fil de l’ouverture continue de la Chine et de la restructur­ation économique. Ce faisant, ils continuero­nt de promouvoir la croissance durable de l’économie chinoise à long terme. *LI CHuNDING est directeur de l’Institut de recherche en économie internatio­nale et professeur de la Faculté d’économie et de gestion relevant de l’université agronomiqu­e de Chine. ZHANG HANWEN est doctorant à l’Institut de recherche en économie internatio­nale relevant de l’université agronomiqu­e de Chine.

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Le 18 mars 2020, le terminal d’import-export du fleuve Yangtsé du port de Tongling (Anhui)
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