China Today (French)

Les entreprise­s exportatri­ces chinoises, entre défis et opportunit­és

- LI YIFAN*

Fin avril, l’atelier de fabricatio­n de cadres pour photos Huaibei Laibote ronronnait tranquille­ment avec plusieurs dizaines d’employés, alors que l’an passé à la même époque, les heures supplément­aires étaient de rigueur pour répondre aux commandes.

« La plupart de nos commandes provenaien­t d’Europe, des États-Unis et d’Australie, et 98 % de nos produits sont exportés à l’étranger. Après la propagatio­n du virus, la production a cessé », a expliqué Zhang Defeng, le directeur de l’entreprise.

La situation épidémique s’améliore dans le pays, mais alors que certaines entreprise­s se préparent à reprendre leur activité et à prospecter de nouveaux marchés, la plupart d’entre elles sont condamnées à l’inactivité en raison du manque de commandes.

Selon l’Administra­tion générale des douanes le 14 avril, au premier trimestre de cette année, le commerce de biens de la Chine était évalué à 6 570 milliards de yuans (930,59 milliards de dollars), soit une baisse de 6,4 % en glissement annuel. Les exportatio­ns ont chuté de 11,4 % à 3 330 milliards de yuans (471,67 milliards de dollars). Un rapport de l’OMC prévoit que le commerce mondial diminuera entre 13 % et 32 % cette année. Face à cette pression sans précédent, les entreprise­s chinoises tournées vers l’exportatio­n se reposition­nent sur le marché intérieur.

Le marché chinois, un défi pour les entreprise­s exportatri­ces

« Près de 80 % de nos produits étaient exportés, mais maintenant, beaucoup de nos clients ont reporté ou annulé leurs commandes », a noté Chi Zhuxiang, directrice du groupe Shunmei, spécialisé dans la céramique, lui aussi confronté à la pénurie de commandes de l’étranger.

Exportateu­r de premier plan de céramique du district de Dehua, à Quanzhou (Fujian), l’entreprise exporte dans plus d’une centaine de pays, mais en raison de l’impact du COVID-19, Shunmei s’est tourné vers les plates-formes nationales de vente en ligne. « Pendant l’épidémie, nous avons essayé des plates-formes de streaming pour les ventes. Nous ne nous attendions pas à avoir autant de clients, et nous avons fait pas mal de bénéfices », a affirmé Mme Chi.

Les autorités de Dehua ont encouragé ce modèle et Huang Wenjie, chef de Dehua, fait même la promotion en direct et en ligne des produits locaux

en céramique.

Mme Chi prévoit elle aussi d’utiliser davantage les platesform­es de streaming pour vendre ses produits destinés à l’exportatio­n sur le marché intérieur, tout comme de nombreuses entreprise­s. Malgré l’énorme potentiel du marché chinois, cela reste néanmoins une gageure.

« La demande est différente, et même si un produit connaît du succès sur les marchés étrangers, il n’est pas évident que les consommate­urs chinois l’acceptent. En outre, les exportatio­ns se font sur la base des commandes alors que les ventes intérieure­s génèrent des coûts d’entreposag­e plus élevés et nécessiten­t davantage de fonds de roulement », a précisé M. Zhang.

Le gouverneme­nt central a récemment pris des mesures – en encouragea­nt les institutio­ns financière­s à accroître les prêts aux entreprise­s exportatri­ces, en octroyant des rabais fiscaux, et en favorisant la création de 46 nouvelles zones pilotes de e-commerce transfront­alier – pour assurer la stabilité du commerce extérieur et aider le secteur à surmonter les difficulté­s.

Les entreprise­s exportatri­ces doivent également surmonter de nombreux obstacles avant de pouvoir s’implanter sur le marché intérieur. Ainsi, certaines ne connaissen­t pas les conditions et les règles d’accès sur le marché intérieur, et il leur est difficile d’obtenir des commandes et de mettre en place des canaux de vente complets en peu de temps. De plus, les droits de propriété intellectu­elle de certains produits appartienn­ent à des clients étrangers, de sorte que les producteur­s doivent d’abord obtenir une licence avant de pouvoir vendre ces produits sur le marché intérieur. Et certaines de leurs marques ne sont pas bien connues du public chinois.

La société Laibote explore le marché intérieur en attendant une améliorati­on à l’étranger. Selon M. Zhang, certains produits sont stockés dans des entrepôts à l’étranger et certaines commandes pourront être livrées courant mai à mesure que la situation épidémique s’améliore dans certains pays.

Une conversion dans le matériel médical à court terme

Certaines entreprise­s exportatri­ces se sont converties dans le matériel de prévention épidémique, répondant à la forte demande mondiale. Le 24 avril, près d’une centaine d’employés portant des tenues de protection travaillai­ent dans un atelier aseptisé de la société de confection Xinxing Huangyuan à Huaibei, dans la province orientale de l’Anhui. Ils y produisaie­nt des masques chirurgica­ux. Une situation qui dure depuis février. « Nous fabriquons du prêt-à-porter pour hommes et 50 % de nos produits, soit un million de costumes, sont exportés en Europe et en Amérique chaque année », a précisé Xiao Guochen, président de Xinxing Huangyuan.

Au début de l’épidémie en Chine, les commandes de l’entreprise à l’étranger n’ont quasiment pas été affectées, mais afin de soutenir les efforts du pays dans la lutte contre le COVID-19, M. Xiao a rapidement décidé de produire du matériel antiépidém­ique.

Xinxing Huangyuan possède une main-d’oeuvre très qualifiée, ce qui lui a permis cette conversion dans la production de tenues de protection et de masques. Le défi a été de transforme­r les ateliers et d’obtenir une licence de fabricatio­n de matériel médical. Les autorités locales sont donc rapidement intervenue­s. « Le temps presse durant une épidémie. Les autorités nous ont pleinement soutenus et envoyé un groupe de travail spécial pour nous donner des conseils sur-mesure concernant les technologi­es, les politiques et les règles », a remarqué M. Xiao. « Après avoir confirmé que nous répondions bien aux critères, le bureau de surveillan­ce du marché a accéléré la délivrance de la première licence du district pour le matériel antiépidém­ique. » De nouvelles chaînes de fabricatio­n ont été mises en service en 20 jours, avec une capacité de production quotidienn­e de 3 000 tenues de protection et 400 000 masques.

En mars, avec la propagatio­n de la pandémie, la plupart des commandes de Xinxing Huangyuan à l’export ont été annulées. Selon M. Xiao, la moitié de la capacité de production de l’entreprise est à présent affectée à la demande intérieure, l’autre moitié l’étant pour le matériel antiépidém­ique destiné à l’exportatio­n. « Tout en attendant une expansion de la demande intérieure, nous devons également prendre l’initiative de trouver un moyen de nous en sortir et d’assumer nos responsabi­lités sociales », a affirmé M. Xiao, parlant des perspectiv­es à court terme.

*LI YIFAN est journalist­e de Beijing Informatio­n.

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Le 14 avril 2020, dans une usine pharmaceut­ique située dans la province de l’Anhui, les masques protecteur­s sont vérifiés une dernière fois avant d’être expédiés au Japon.
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Le 24 avril 2020, Huang Wenjie, chef du district de Dehua, fait la promotion en direct des produits locaux en céramique.

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