China Today (French)

Réflexions sur un changement séculaire

- KONG QUAN*

L’épidémie du nouveau coronaviru­s (COVID-19) est apparue soudaineme­nt, d’une dangerosit­é et d’une gravité comme jamais en un siècle. Elle apporte de nouvelles perspectiv­es sur le changement séculaire et ses répercussi­ons à venir.

La situation épidémique mondiale, le glissement sur la pente économique, le gel des échanges de personnes et les turbulence­s dans les relations internatio­nales en sont les caractéris­tiques les plus importante­s. La crise a suscité de nombreux doutes et des débats acharnés, et nombre d’entre eux touchent ceux qui sont aux commandes dans le monde d’aujourd’hui.

Certains ont proposé de repenser le système de gouvernanc­e multilatér­ale mondiale. Le système de gouvernanc­e de la santé publique mondiale, avec l’Organisati­on mondiale de la Santé (OMS) en son centre, a joué un rôle de leadership irremplaça­ble dans la coordinati­on de la coopératio­n mondiale contre l’épidémie, et a été reconnu et soutenu par la plupart des pays membres. Cependant, certains pays le mettent toujours en doute, comme le montre la volte-face passée dans la lutte contre les changement­s climatique­s, dans le domaine de la maîtrise des armements et dans les accords sur les points chauds régionaux, pour former une vague froide de déni systématiq­ue du système de gouvernanc­e mondial existant et des accords internatio­naux.

D’autres prédisent que le processus de mondialisa­tion économique subira un retourneme­nt majeur. Certains pays doivent importer de grandes quantités de matériel médical et antiépidém­ique en raison du manque de capacité de production. On trouve des masques et des tenues de protection à faible valeur ajoutée, mais aussi des appareils d’oxygénatio­n par membrane extracorpo­relle (ECMO) de haute technologi­e. Dans le même temps, l’économie chinoise s’est arrêtée pendant un certain temps et l’Europe et les États-Unis sont retombés en récession, affectant gravement la croissance mondiale. Les pays développés

Ce sont ces divergence­s et ces différence­s qui nous ont permis de créer un espace d’échanges et d’apprentiss­age mutuel .

nourrissen­t les plus grands doutes vis-à-vis de la mondialisa­tion. Ils croient que c’est la Chine qui a le plus profité des décennies de mondialisa­tion et qu’il est nécessaire de réorganise­r et de réarranger les chaînes mondiales d’approvisio­nnement, de production, de valeur, de capitaux et de travail afin de protéger leurs propres intérêts.

D’autres encore plus nombreux affirment même que le monde reproduira la confrontat­ion entre différents camps et les conflits idéologiqu­es. La scène internatio­nale continue de se transforme­r en complexité. Des superpuiss­ances spécifique­s sont obsédées par les mesures unilatéral­es et remplacent la consultati­on multilatér­ale par la politique du

plus fort. Un groupe de pays émergents appellent au maintien ferme du multilatér­alisme, à l’améliorati­on du système de gouvernanc­e mondiale et à un sentiment d’empathie et d’entraide dans la lutte contre l’épidémie. Cependant, ce genre de partenaria­t et de solidarité pour faire face à la crise, certains médias les recouvrent d’une teinture géopolitiq­ue épaisse, délibéréme­nt décrite comme des « conflits de civilisati­on » et des « différends institutio­nnels » entre l’Est et l’Ouest, spéculant même sur l’imminence d’une nouvelle guerre froide.

Ne pas céder à la panique et explorer de nouvelles idées de coopératio­n Chine-UE et Chine-France

Des faits innombrabl­es prouvent que quand des changement­s rapides se produisent, les jugements et les conclusion­s s’égarent souvent dans les apparences et la précipitat­ion. Un homme politique français bien connu m’a dit il y a quelques jours que l’anxiété ne pouvait que provoquer des erreurs de jugement. La philosophi­e de cette phrase est conforme au célèbre poème de Wang Anshi, un homme d’État réputé et un réformateu­r de la dynastie des Song du Nord en Chine, il y a un millier d’années. « Je n’ai pas peur de l’amoncellem­ent de nuages qui cachent l’horizon car je me tiens sur les cimes les plus élevées. » Actuelleme­nt, face à un environnem­ent externe complexe dans lequel sont entrelacés de multiples facteurs, je pense que nos deux groupes de réflexion et de personnes éclairées devraient également être en mesure de faire preuve de sagesse, de volonté et de vision pour disperser l’amoncellem­ent de nuages sombres et de brouillard, pour éliminer le vacarme et la clameur et pour renforcer en permanence les fondements des relations de coopératio­n sino-européenne­s et sino-françaises.

Sur la base de mes années de dévouement au développem­ent des relations Chine-EU et ChineFranc­e, le consensus et les intérêts fondamenta­ux les plus importants entre nous se reflètent principale­ment dans les points suivants.

Premièreme­nt, la recherche d’un terrain d’entente tout en mettant de côté les divergence­s et le respect mutuel sont nos concepts de base. L’UE est le plus grand groupement de pays développés. Bien que l’intégratio­n depuis plus d’un demi-siècle ait connu des hauts et des bas, les progrès continus globaux ont été une tentative et une activité pionnières qui ont attiré l’attention ainsi que l’admiration du monde entier. Il y a beaucoup de différence­s à tous les niveaux entre la Chine, l’Europe et la France. Cependant, depuis 56 ans que la Chine et la France ont établi des relations diplomatiq­ues et 45 ans que la Chine et l’UE ont établi des relations diplomatiq­ues, nous n’avons jamais demandé que l’autre soit comme nous, et avons toujours respecté la diversité dans le monde ; nous n’avons jamais formé une coterie sur le plan idéologiqu­e qui détruit ceux qui s’y opposent et récompense ceux qui lui obéissent. En fait, ce sont ces divergence­s et ces différence­s qui nous ont permis de créer un espace d’échanges et d’apprentiss­age mutuel avec des résultats de coopératio­n gagnant-gagnant. Si vous croyez que celui qui tient fermement à ses

différence­s est un adversaire, voire un adversaire systémique, c’est contraire à l’intention première des relations Chine-UE et Chine-France pour le développem­ent et la coopératio­n, et cela ébranlera également les bases de la confiance et du partenaria­t.

Deuxièmeme­nt, l’adhésion au multilatér­alisme est notre poursuite inlassable. La Chine et l’UE estiment qu’un système de gouvernanc­e multilatér­al avec les Nations Unies en son centre reflète l’égalité et la consultati­on, garantit la paix et le développem­ent, et ne peut être renversé par l’égoïsme d’un pays, ni par des difficulté­s ponctuelle­s, ni par des différends dans une région. La Chine ne cache pas sa position, et préconise que le système et l’ordre internatio­nal doivent évoluer avec l’époque et donner plus de poids aux pays en développem­ent et aux pays émergents. Cependant, accuser la Chine de mettre en oeuvre un multilatér­alisme sélectif, c’est évidemment rejeter le changement. En tant que fervents partisans et protagonis­tes actifs du multilatér­alisme, la Chine et l’Europe doivent prendre l’initiative de la sensibilis­ation à la communauté de destin pour l’humanité, promouvoir le changement en suivant la tendance, donner au multilatér­alisme une plus grande vitalité, et continuer à proposer des concepts Chine-Europe et à trouver des solutions Chine-Europe pour résoudre les problèmes mondiaux.

Troisièmem­ent, guider et coordonner le processus de mondialisa­tion dans la coopératio­n ouverte. Le rôle moteur des capitaux transnatio­naux et le soutien politique des pays développés ont favorisé le développem­ent vigoureux de la mondialisa­tion économique. La réforme et l’ouverture de la Chine et son adhésion à l’OMC sont comme de piètres nageurs qui se sont jetés dans les eaux turbulente­s de la mondialisa­tion. Grâce à des réformes difficiles, la Chine a payé un prix énorme, mais y a gagné son propre développem­ent en contribuan­t à la croissance mondiale. Que faire ensuite ? La direction de la Chine est très claire et elle continuera à rechercher le développem­ent en approfondi­ssant la réforme et en élargissan­t l’ouverture. Cependant, l’environnem­ent extérieur est devenu le plus grand point d’interrogat­ion : certains ont proposé le nationalis­me économique et le populisme, d’autres ont prédit que le néolibéral­isme qui sous-tend la mondialisa­tion céderait la place au conservati­sme, et d’autres encore vont délocalise­r les entreprise­s, promettant que le taux de rendement des entités dépassera celui du capital. Le protection­nisme et l’égoïsme sacré sont non seulement les plus grands obstacles à la reprise économique dans la période de l’après-épidémie, mais ils font également planer d’épais nuages sur l’économie mondiale déjà profondéme­nt intégrée.

À ce stade critique, je pense que la Chine et l’Europe doivent refléter la sagesse des civilisati­ons anciennes et glorieuses, abandonner les soupçons et les accusation­s, renforcer les échanges et le dialogue, promouvoir la confiance et la coopératio­n, relever ensemble les défis et créer ensemble l’avenir. *KONG QUAN est vice-président de la Commission des affaires étrangères de la Conférence consultati­ve politique du peuple chinois et ancien ambassadeu­r de Chine en France.

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 ??  ?? Chargé de 3 500 m3 (294,42 tonnes) de matériel antiépidém­ique, le train de fret Chine-Europe n° 75041 est parti, le 9 mai 2020, de Wuhan (chef-lieu du Hubei) vers Belgrade (capitale de la Serbie).
Chargé de 3 500 m3 (294,42 tonnes) de matériel antiépidém­ique, le train de fret Chine-Europe n° 75041 est parti, le 9 mai 2020, de Wuhan (chef-lieu du Hubei) vers Belgrade (capitale de la Serbie).
 ??  ?? Le stand d’Atos Origin lors de la 2e CIIE organisée à Shanghai, 9 novembre 2019
Le stand d’Atos Origin lors de la 2e CIIE organisée à Shanghai, 9 novembre 2019
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