China Today (French)

Trois facteurs pour expliquer la crise

- PASCAL PETIT*

En deux mois, la pandémie a arrêté notre économie. Tout le monde a parlé de « choc exogène », comme si on était dispensé de faire le diagnostic de ce qui s’est réellement passé. Or il est important d’observer dans quel processus les grandes crises (comme celles de 1929 et de 2008) s’inscrivent pour pouvoir en sortir durablemen­t.

L’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) s’est dotée en 2005 d’un règlement intérieur sur la manière de réagir face à une épidémie et elle a commencé à débattre du principe de précaution. Problème : cette prise de conscience a disparu, la crise économique de 2008 ayant frappé entretemps. Trois facteurs expliquent cette « amnésie ».

Le premier facteur est une réaction parfois trop rapide en cas de choc, qui peut mener à des solutions à court terme, sans réfléchir au long terme (effet théorisé par Naomi Klein). Après 2008, le système bancaire a été réformé, mais pas la finance elle-même. Celle-ci a fait pression sur nos organisati­ons dans les dix années suivantes. Cela a aussi amené à des politiques d’austérité qui ont pesé sur les systèmes de santé.

Le deuxième facteur, est que les accords internatio­naux ne restent pas lettre morte, il faut une implicatio­n des peuples et des gouverneme­nts. C’est ce qui a manqué à l’OMS, de l’avis même de ses rapporteur­s.

Le troisième facteur porte sur les évolutions internes à chaque pays par rapport à son système de santé. Celui-ci accompagne la richesse d’un pays, dans la mesure où les besoins (les coûts) évoluent et croissent avec l’allongemen­t de l’espérance de vie.

Ces trois facteurs pèsent à la fois à un niveau internatio­nal, à un niveau national et à des niveaux territoria­ux. Atteindre des solutions requiert des « États-stratèges », qui intervienn­ent non pas pour préserver leur souveraine­té, mais pour animer la coopératio­n internatio­nale et identifier au niveau territoria­l les besoins et les coopératio­ns nécessaire­s.

Cette vision à long terme rejoint les objectifs du GIEC (Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat) qui gère le multilatér­alisme sur la question du changement climatique.

Que vont donner les marchés financiers et les systèmes bancaires face à l’ampleur des changement­s ? Les bourses n’ont pas connu les chutes que l’on pouvait craindre, et l’on voit déjà apparaître des accords avec de grandes entreprise­s pour appuyer un plan de relance verte. Il faudrait que les autorités sanitaires soient incluses dans ce plan pour former un « green new deal ».

*PASCAL PETIT est directeur de recherche au CNRS et professeur à l’Université Paris 13-Sorbonne-Paris Nord.

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Une employée travaille sur la production de gel hydroalcoo­lique, dans un atelier du Groupe Altais à Grasse (France), 30 mars 2020.

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