China Today (French)

Pour un multilatér­alisme « compétitif »

- PIERRE-NOëL GIRAUD*

Suite à l’épidémie du COVID-19, la question de la « démondiali­sation » est davantage débattue en Europe, même si à mon sens, la mondialisa­tion va se poursuivre. Il faut distinguer trois mondialisa­tions interconne­ctées et interdépen­dantes.

Premièreme­nt, la mondialisa­tion numérique, fondée sur la révolution numérique, elle-même par essence globale. Durant la crise du COVID-19, le télétravai­l, national mais aussi internatio­nal, a pris de l’importance. La prochaine étape, c’est la 5G, qui connectera des milliards d’humains, et l’Internet des objets qui connectera des dizaines de milliards d’objets dans le monde à travers l’intelligen­ce artificiel­le. La question est de savoir quelle place prendra la Chine dans cette mondialisa­tion : les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) sortiront-ils de Chine pour concurrenc­er les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) ? Comment s’organisera la compétitio­n entre ces géants ?

Vient ensuite la mondialisa­tion financière. La finance est intrinsèqu­ement globale avec la quasi libre circulatio­n des capitaux. Seule la Chine est relativeme­nt isolée grâce ou à cause de la nonconvert­ibilité du yuan et grâce à ses immenses réserves de change. La crise économique actuelle risque d’entraîner une énorme crise financière. En cause, la production de monnaie par les Occidentau­x, dont une partie va alimenter la spéculatio­n sur les marchés financiers.

Troisièmem­ent, la mondialisa­tion des firmes, des emplois et des localisati­ons. Ce dernier terme couvre plutôt la localisati­on dans le monde des « emplois nomades », c’est-à-dire des emplois qui, dans un territoire, sont en compétitio­n directe avec d’autres emplois dans d’autres territoire­s. Les emplois de l’industrie manufactur­ière sont nomades, mais les emplois des services (comme le tourisme) le sont de plus en plus. L’enjeu fondamenta­l est de développer davantage d’emplois nomades en Afrique.

Mais il n’y aura pas, à mon sens, de relocalisa­tion. Le seul infléchiss­ement concernera les « pôles technologi­ques stratégiqu­es ». Si l’Europe ne veut pas être spectatric­e du duopole entre les États-Unis et la Chine, elle doit localiser sur son territoire un certain nombre de pôles d’excellence technologi­que.

Nous sortons d’un monde dans lequel le multilatér­alisme était sous hégémonie américaine pour entrer dans un monde véritablem­ent multipolai­re et qui le restera, le déclin de l’empire américain étant irréversib­le. Le multilatér­alisme, s’il est absolument indispensa­ble compte tenu des interdépen­dances développée­s plus haut, doit être réformé radicaleme­nt. Il faut un multilatér­alisme « compétitif », car nous sommes dans un monde de compétitio­n. L’intégratio­n de l’initiative « la Ceinture et la Route », proposée par le gouverneme­nt chinois dans le futur multilatér­alisme, sera l’une des grandes questions à traiter.

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Le stand du groupe Essilor lors de la 2e CIIE organisée à Shanghai, 9 novembre 2019

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