China Today (French)

La métamorpho­se du village d’Abuluoha

- MA LI, membre de la rédaction

pour ce petit village qui ne dénombre que 65 foyers, soit 253 personnes.

« La petite amie de mon fils est originaire d’une autre région. Leur amour est fondé sur un choix libre et ils projettent de se marier », raconte Qiesha Ci’er. Selon leur tradition, les habitants d’Abuluoha demandent souvent un caili, c’est-à-dire des présents offerts par le fiancé à la famille de la fiancée, valant des centaines de milliers de yuans. Pour accueillir la jeune mariée, la famille du fiancé épuise toute ses réserves, voire s’endette. « La petite amie de mon fils ne demande pas de caili, car sa région natale n’a pas cette tradition. Ce choix nous soulage vraiment d’un poids considérab­le. »

Qiesha Shigan est parti travailler à Yantai (province du Shandong) au mois d’octobre 2019. En un semestre, son village natal a connu d’énormes changement­s. « Quand je suis parti, j’ai dû traverser les montagnes pendant plus de quatre heures, mais au retour, j’ai pris le minibus jusqu’à la porte du domicile familial », raconte-t-il.

À la veille du Nouvel An 2020, le téléphériq­ue a été mis en service dans le village d’Abuluoha. Désormais, les habitants n’ont plus à escalader la falaise pendant quatre heures pour sortir du village ! Le 26 juin, Abuluoha est devenu le dernier village du pays à obtenir l’accès routier. Le 30 juin, 33 foyers du village, dont 29 ménages pauvres, ont emménagé dans leur nouvelle maison à étage. Parmi eux, la famille de Qiesha Ci’er.

« La nouvelle maison a été complèteme­nt gratuite, elle a une superficie de plus de 80 m2 et est équipée de toilettes, de la télévision et d’une machine à laver. Je n’aurais jamais imaginé passer en quelques mois d’une maison en pisé délabrée à un bâtiment spacieux et lumineux. Et mieux encore que mon fils ait trouvé une épouse. » Pour Qiesha Ci’er, tout se déroule comme dans un rêve.

Au mois d’avril, l’épouse de Qiesha Ci’er a soudaineme­nt souffert d’hydronéphr­ose. « J’ai appelé le numéro d’urgence 120 avant de prendre le téléphériq­ue, pour que nous puissions monter directemen­t

dans l’ambulance qui nous attendait à l’autre bout », se souvient Qiesha Ci’er. Auparavant, il fallait cinq ou six heures de route pour aller à l’hôpital.

Avant la création d’un accès routier, tomber malade et donner naissance à un enfant constituai­ent les situations les plus angoissant­es pour les habitants. Les malades devaient descendre de la montagne à dos d’un cheval et souffraien­t des cahotement­s. « À cause du chemin de montagne escarpée, des femmes enceintes accouchaie­nt à mi-chemin avant d’atteindre l’hôpital. L’améliorati­on des conditions de transport était devenue un besoin urgent pour tous les villageois », expose Jilie Ziri, secrétaire de la Cellule du Parti pour le village d’Abuluoha.

Les gouverneme­nts au niveau provincial, municipal et du district attachent une haute importance aux difficulté­s de transport du village d’Abuluoha et ont dès lors décidé de construire une « voie de salut » par-dessus le précipice. Haute altitude, géologie spéciale, masse rocheuse fragile… Les difficulté­s de constructi­on étaient extrêmemen­t grandes ! « Au cours de glissement­s de terrain, assez fréquents, les excavateur­s ont été écrasés ou sont tombés dans l’abîme. On n’a pas pu avancer dans la constructi­on pendant un certain temps », explique Chen Ju, employé du Sichuan Road & Bridge Group (SRBG), qui n’est pas encore remis du choc subi sur le chantier.

En novembre dernier, les travaux ont stagné. Au moment critique, le SRBG a mobilisé une équipe comprenant une douzaine d’ingénieurs seniors pour s’attaquer aux plus gros problèmes. Finalement, il a opté pour le plan de constructi­on suivant : sur les 3,8 km que compte la route menant au village, 1,2 km est constitué de trois tunnels et d’un pont en acier ; soit 30 % du kilométrag­e total.

Ces difficiles travaux ont duré un an et ont coûté des dizaines de millions de yuans. « Est-ce que ça vaut le coup ? », se demandent beaucoup de gens. « La possibilit­é de réinstalle­r des gens dépend de nombreux facteurs. Dans ce cas-ci, il serait inacceptab­le de déplacer des villageois isolés depuis des décennies vers un environnem­ent inconnu. En effet, la plupart d’entre eux ne pourraient pas utiliser leurs compétence­s hors des montagnes et retomberai­ent dans la pauvreté après avoir dépensé leurs économies. Tout cela est prévisible. D’un autre côté, des investisse­ments, qui ne seront certes pas rentables à court terme, peuvent apporter un développem­ent à long terme aux habitants », fait remarquer Jilie Ziri.

« Tout le pays sera sorti de la pauvreté pour la fin cette année, alors nous ne pouvons pas freiner la progressio­n de ce projet, indique Jilie Ziri. Entre août 2019 et août 2020, le revenu par habitant de notre village est passé à 9 000 yuans, un chiffre qui signifie qu’Abuluoha n’est plus un village pauvre. Réussir à sortir de la pauvreté constitue la meilleure nouvelle pour nous ! »

Depuis l’année dernière, Jilie Ziri guide tous les villageois vers l’agricultur­e écologique moderne, préparant 50 mu (un mu = 1/15 ha) d’oranges navel et 120 mu de mangues, en plus de la plantation de noyers et de poivriers. Cette année, le village a organisé des formations ciblées sur la conduite des excavateur­s et les techniques de taille pour les noyers et les poivriers.

Sur la petite place devant le Comité des villageois d’Abuluoha, on peut voir de loin le pittoresqu­e canyon du fleuve Jinsha. À l’avenir, Jilie Ziri a l’intention de transforme­r une trentaine de vieilles maisons près de la rivière en chambres d’hôtes, en créant des attraction­s touristiqu­es telles que l’alpinisme, l’aventure en plein air et des activités folkloriqu­es, pour un développem­ent qui s’inscrit sur le long terme.

Jilie Ziri n’oubliera jamais ce que le président Xi Jinping a déclaré lors de sa visite dans les monts Daliang : il faut faire en sorte que toutes les ethnies, toutes les familles, tous les gens jouissent d’une vie meilleure. La métamorpho­se du village d’Abuluoha reflète parfaiteme­nt l’assistance ciblée aux démunis dans le départemen­t autonome yi de Liangshan.

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Un hélicoptèr­e de transport lourd Mi-26 achemine des engins de travaux publics à Abuluoha en novembre 2019.

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