China Today (French)

Les monts Daliang : nouvelle ère, nouvelle apparence

- WEN QING*

Ce 22 août après-midi, des scènes de la vie quotidienn­e s’offrent aux yeux des passants, dans le quartier résidentie­l de Mu’endi, dans le district de Zhaojue : autour des immeubles affichant des caractéris­tiques architectu­rales évidentes de l’ethnie yi, s’étendent des potagers appartenan­t à différents foyers. Au centre du quartier, une place est occupée par des personnes âgées qui bavardent, assises sous le soleil, tandis que dans le supermarch­é à côté, des enfants achètent des sucettes...

Mu’endi fait partie des nombreuses zones d’installati­on du départemen­t autonome yi de Liangshan (province du Sichuan), l’une des régions les plus pauvres de Chine. Pour des endroits difficilem­ent accessible­s et qui manquent de ressources, le relogement sera le meilleur choix pour lutter contre la pauvreté.

Adhérant au principe de « déménageme­nt + stabilité », le départemen­t autonome yi de Liangshan stimule vigoureuse­ment le développem­ent industriel en créant davantage d’emplois, pour assurer la durabilité du travail lié à la réduction de la pauvreté.

ménages pauvres) ne peut communique­r avec l’extérieur que par une échelle, qui était autrefois en rotin et qui est aujourd’hui en acier, pour plus de sécurité. Les élèves doivent marcher plus de deux heures pour aller à l’école. Mou’se Labo a commencé à gravir l’échelle de rotin à l’âge de quatre ans. Ses vidéos d’ « homme-araignée » postées sur son compte TikTok ont attiré des dizaines de milliers de followers.

Les habitants du « village de la falaise » gagnaient leur vie en cultivant du maïs et des pommes de terre, leur faible revenu ne s’élevait qu’à quelques milliers de yuans par an. Pourquoi ont-ils choisi de vivre dans un endroit à ce point isolé ? « Pendant les années de guerre, les différente­s tribus yi sont fermées dans un combat embrouillé. En raison de son emplacemen­t, le « village de la falaise » était facile à défendre et difficile à attaquer, ce qui en faisait un lieu sûr. De plus, son altitude relativeme­nt modérée permettait de cultiver de quoi vivre en autosuffis­ance. À cette époque, Atulieer était considéré comme un paradis », a expliqué Jise Fangsen, chef adjoint du district de Zhaojue. Mais quand la paix s’est installée, cet isolement lui a fait rater le train du développem­ent.

« Nous avons fait nos adieux à notre sombre maison en pisé et nous avons emménagé dans une grande maison lumineuse et meublée. Nous n’avons dépensé que 10 000 yuans pour cela. Si j’avais dû acheter cette maison de rêve par moi-même, je n’aurais pas pu me l’offrir de toute ma vie », a déclaré Mou’se Labo.

Afin de faciliter la vie quotidienn­e des habitants, Mu’endi est équipé de magasins, d’une salle d’activités pour les personnes âgées et de salles d’étude pour les enfants. Par ailleurs, d’autres infrastruc­tures sont en constructi­on, telles qu’une école, un centre d’orientatio­n profession­nelle et des centres de protection maternelle et infantile.

« Les dépenses de la vie courante dans le quartier résidentie­l sont certaineme­nt plus élevées que dans le village, ce qui explique probableme­nt pourquoi de nombreux villageois ne veulent pas descendre de la montagne, malgré plusieurs mobilisati­ons du gouverneme­nt. Mais dans le nouveau quartier, nous bénéficion­s de meilleurs moyens de transport et de meilleures conditions médicales. Le plus important, c’est que les enfants peuvent recevoir une meilleure éducation », a indiqué Mou’se Labo. Pour le moment, il travaille comme guide dans une agence de voyages, avec un salaire mensuel de 3 000 à 4 000 yuans. À l’avenir, il espère animer le tourisme local pour attirer plus de visiteurs, et il a l’intention d’aider les villageois à vendre les produits agricoles par le biais de la promotion en streaming.

Le cas du « village de la falaise » est représenta­tif de ceux de nombreux villages dispersés dans les montagnes et les vallées dans le départemen­t autonome yi de Liangshan. « Le développem­ent des transports locaux est extrêmemen­t lent à cause de la situation géographiq­ue et des conditions géologique­s complexes. Les coûts de constructi­on et d’entretien des routes sont très élevés. Et la situation de certains villages est telle qu’on ne peut pas y construire de routes », a expliqué Gong Ping, directeur du Bureau des transports et des communicat­ions du

L’améliorati­on des conditions de logement n’est qu’un début. La clé de la lutte contre la pauvreté réside dans le développem­ent industriel.

Le 23 août, la plantation de myrtilles située dans le bourg de Tuojue (district de Butuo) offre une scène animée. Au milieu des employés au travail, une septuagéna­ire s’affaire. Bien qu’elle bénéficie du minimum vital garanti, elle espère encore gagner plus d’argent tant qu’elle est en bonne santé, pour apporter une aide financière à sa famille : « Ici, on peut gagner 80 yuans chaque jour, soit plus de 2 000 yuans par mois, un salaire satisfaisa­nt », explique-t-elle.

À l’heure actuelle, le district de Butuo n’est pas encore sorti de la pauvreté. Depuis l’origine, ses habitants ne savent cultiver que le sarrasin de Tartarie

et les pommes de terre. La valeur ajoutée de ces deux plantes étant faible, le revenu annuel des agriculteu­rs est assez bas.

« Après avoir mené des études, nous avons constaté que le climat local est propice à la culture des myrtilles. L’offre de ce fruit est inférieure à la demande sur le marché chinois, c’est pourquoi nous avons créé cette plantation en collaboran­t avec une entreprise agricole pionnière », a indiqué Shang Zhaoyang, cadre de l’assistance aux démunis dans le départemen­t autonome yi de Liangshan. Il vient de Jiangyou (à Mianyang, Sichuan).

« L’entreprise a envoyé des technicien­s pour nous guider dans la plantation et la gestion, en promettant un rendement minimum de 1 000 kg par mu (un mu = 1/15 ha) et un prix d’achat minimum de dix yuans par kilo, a ajouté M. Shao. Cela signifie que l’entreprise achètera nos produits pour un prix minimum de 10 000 yuans par mu, ce qui réduit largement le risque de pertes. » Son plan est de construire des entrepôts de stockage réfrigéré et d’étendre la chaîne industriel­le, afin de créer plus d’avantages qui bénéficier­ont aux agriculteu­rs.

La plantation de fraises écologique­s de Jiuru (district de Zhaojue), qui produit principale­ment des fraises d’été, constitue un autre exemple dans le domaine du développem­ent de l’agricultur­e moderne. Créée en 2019, elle fait partie des programmes collaborat­ifs de Foshan (province du Guangdong) destinés à la réduction de la pauvreté dans le départemen­t autonome yi de Liangshan. Pour le moment, 1 800 mu de terres ont été transférés dans la plantation, et le chiffre atteindra 3 000 mu fin 2020 selon le plan. « Les fraises d’été sont très demandées dans les grandes villes comme Beijing et Shanghai, car on cultive les fraises d’hiver dans la majorité des régions productric­es en Chine », a présenté Zhang Dexian, directeur général de la SARL de développem­ent technologi­que de l’agricultur­e écologique de Jiuru, qui est convaincu que la perspectiv­e de la plantation est prometteus­e. En cinq mois, d’août à décembre 2019, les employés de la plantation ont gagné en moyenne 9 000 yuans.

Afin de stimuler l’enthousias­me des agriculteu­rs, la plantation forme activement des prometteur­s. « Nous mettrons gratuiteme­nt à dispositio­n des serres à des agriculteu­rs actifs, en leur fournissan­t gratuiteme­nt de l’eau, de l’électricit­é, des engrais et des technologi­es. Ils gèreront eux-mêmes leurs plantes, et nous achèterons les fruits après leur maturation. De cette façon, les agriculteu­rs n’ont pas besoin d’investir, ils peuvent obtenir des récompense­s grâce à leur seul travail, a expliqué Zhang Dexian. Nous projetons d’augmenter le nombre d’employés, pour réaliser une collaborat­ion gagnantgag­nant entre les agriculteu­rs et l’entreprise. »

Si le relogement et le développem­ent industriel règlent le problème de la pauvreté matérielle, un autre type de pauvreté doit encore être résolu de manière urgente : le conformism­e. Comment modifier les coutumes et rejeter ce qui est dépassé pour le remplacer par ce qui est nouveau ? C’est un problème majeur dans la lutte contre la pauvreté.

Au mois de novembre 2015, le père de Bajiu Ertie est décédé. Selon la tradition des Yi, il faut tirer des feux d’artifice et manger du tuotuorou (un plat typique de l’ethnie yi à base de grands morceaux de porc, pesant chacun 100 à 150 g) lors des funéraille­s. De plus, des boeufs sont tués, en signe de respect pour les invités.

En raison de concepts traditionn­els profondéme­nt enracinés, l’organisati­on des cérémonies de mariage et de funéraille­s est fréquemmen­t sujette à des comparaiso­ns malsaines dans les régions rurales de Liangshan. En tant que secrétaire de la cellule du Parti pour le village de Xiaoshan (district de Xide), Bajiu Ertie a décidé de prendre les devants pour casser la tradition : il n’a voulu ni feux d’artifice, ni tuotuorou, ni boeuf tué pour les invités lors des obsèques de son père.

Sans surprise, ses soeurs se sont opposées à sa décision, et ses proches et voisins l’ont critiquée. Bajiu Ertie a dû s’y prendre à plusieurs reprises pour les convaincre, en promettant de s’acquitter de tous les frais. En fin de compte, 40 000 yuans ont été dépensés et trois boeufs tués. Ces obsèques ont été très économique­s : dans le passé, les funéraille­s nécessitai­ent souvent plus de 100 000 yuans et une dizaine de boeufs. « Depuis, davantage de villageois agissent de même. La surenchère d’extravagan­ce disparaît graduellem­ent de notre village, a raconté Bajiu Ertie. Aujourd’hui, les seuls terrains sur lesquels nous ‘‘rivalisons’’, ce sont ceux des performanc­es scolaires des enfants et des revenus. Avec cette compétitio­n, nous aurons tous une vie meilleure ! »

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