China Today (French)

Travailler ensemble pour un avenir durable

- FRANCISCUS CORNELIS GERARDUS MARIA TIMMERMANS*

La pandémie de COVID-19 a fait des ravages sur tous les continents et exercé une pression sans précédent sur nos économies. Toutefois, pendant que nous continuons à nous consacrer à la lutte contre le COVID-19 et à l’examen de ses conséquenc­es sur l’économie mondiale, les autres crises mondiales perdurent : dérèglemen­t climatique, déclin de la biodiversi­té, pollution et surexploit­ation des ressources.

Ces crises sont liées. Le changement climatique accélère la destructio­n de l’environnem­ent en entraînant sécheresse­s, inondation­s et feux de forêt.

La perte de biodiversi­té et l’utilisatio­n non durable des ressources naturelles sont quant à elles les principaux facteurs du changement climatique.

En toute logique, les solutions à ces crises devraient également être liées. Avec des écosystème­s sains, nous pouvons davantage atténuer le changement climatique et nous y adapter.

Le Pacte vert pour l’Europe

Il y a environ un an, à une époque où le monde était encore bien différent d’aujourd’hui, nous avons présenté le Pacte vert pour l’Europe (ou « Green New Deal » européen). Il a été conçu pour devenir la nouvelle stratégie de croissance de l’Europe, une stratégie visant à concilier durabilité environnem­entale, économique et sociale.

Et avec l’impact de la crise du COVID-19, la transition verte que nous avions déjà planifiée avec le Pacte vert pour l’Europe est devenue, en outre, notre feuille de route pour la reprise en Europe.

Il mettra l’accent sur les infrastruc­tures durables, les énergies renouvelab­les et l’efficacité énergétiqu­e, mais aussi sur le verdisseme­nt de nos villes et campagnes, les produits et services écologique­s, l’agricultur­e et l’alimentati­on durables, les transports propres et l’innovation dans les technologi­es propres. Il nous mettra sur la bonne voie, celle qui mène à un avenir durable.

Nous sortirons progressiv­ement de l’« économie carbonée » pour passer à une économie propre, innovante, inclusive et circulaire, avec laquelle nous pourrons restaurer la biodiversi­té et réduire la pollution, tout en créant de la croissance et des emplois et en garantissa­nt la santé et la prospérité.

Croissance verte

Je suis profondéme­nt convaincu qu’aujourd’hui nous avons une rare occasion de soutenir la transition écologique pour « reconstrui­re en mieux ». C’est le chemin commun que nous devons emprunter pour parvenir à la reprise, au profit des peuples et de la planète. Et bien que nous débloquion­s actuelleme­nt des sommes d’argent colossales, nous ne pourrons les dépenser qu’une seule fois.

J’entends souvent des critiques concernant la voie que nous avons choisie : celle-ci nous serait préjudicia­ble, agir pour le climat et l’environnem­ent ferait souffrir nos économies, et en particulie­r au moment même où nous traversons la pire récession économique depuis des génération­s, nous devrions attendre un peu. Je refuse d’accepter ce compromis.

La transition vers la neutralité climatique exigera de nous tous que nous prenions de temps à autre des décisions difficiles. Mais le plus important, c’est que nous constatons à présent que cet objectif n’est pas impossible à atteindre.

Depuis 1990, le PIB global de l’UE a augmenté de plus de 60 %, tandis que les émissions nettes de gaz à effet de serre ont diminué d’un quart. Aller

de l’avant dans la lutte contre le changement climatique n’est pas synonyme d’un retour en arrière, comme certains voudraient le faire croire. Il s’agit, au contraire, d’un saut dans l’avenir, dans tous les sens du terme.

En fait, NE PAS agir pour le climat et l’environnem­ent se solderait par une catastroph­e économique. Plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature et des services qu’elle fournit. Si l’on examine les coûts qu’occasionne­rait une absence d’action, il devient clair que nous ne pouvons pas nous permettre de NE PAS investir dans la transition verte.

Politiques clés

Le pacte vert est un plan complet, qui comprend un mécanisme de fonds pour une transition juste, une législatio­n en matière de changement climatique, une stratégie « de la ferme à la table », une stratégie en faveur de la biodiversi­té, une stratégie pour l’hydrogène, une stratégie sur l’éolien offshore, un plan d’action pour l’économie circulaire… Et cette liste devrait encore s’allonger prochainem­ent.

Nos politiques et stratégies sont axées sur notre objectif ambitieux de faire de l’Europe le premier continent climatique­ment neutre d’ici 2050. Nous sommes en train d’inscrire cet objectif dans la loi et nous avons déjà soumis la stratégie à long terme que nous envisageon­s de suivre pour l’atteindre auprès de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changement­s climatique­s (CCNUCC). Mais, dans le même temps, nous mettons tout le monde au défi de nous battre, car dans une « course au zéro net » (zéro émission nette), nous sommes tous gagnants à la fin.

Nous venons également de proposer un nouvel objectif intermédia­ire pour consolider notre ambition à l’horizon 2030. Désormais, nous projetons de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030.

Il est important de fixer un objectif ambitieux sans délai, pour laisser au secteur industriel suffisamme­nt de temps pour s’adapter, surtout à l’heure actuelle où il est en proie aux incertitud­es. Cela évitera que nous nous enfermions aujourd’hui dans des industries à forte intensité de carbone, qui finissent par générer des actifs sans viabilité et ne font qu’aggraver les coups portés à notre climat pendant que nous restons plantés là sans agir.

Comment y parvenir

Certains se demanderon­t peut-être comment nous espérons atteindre tous ces objectifs. Les ambitions sont nobles et les annonces sont importante­s pour clarifier l’orientatio­n à long terme. Mais à un moment donné, il faut aussi commencer à avancer.

En ce moment, nous sommes dans les dernières phases de négociatio­ns portant sur le prochain budget de l’UE pour la période 2021-2027 et sur le paquet financier destiné à stimuler la reprise postCOVID-19, appelé « Next Generation EU ».

Ce paquet d’un montant record de 1 800 milliards d’euros nous placera dans une position de force pour faire face aux réalités d’aujourd’hui et répondre aux défis de demain.

Dans ce budget, chaque euro sera dépensé en tenant compte du climat. Dans l’ensemble, 30 % des fonds européens seront consacrés à la lutte contre le changement climatique, soit un taux record. Et parmi les autres fonds, aucune dépense ne devra nuire à l’action climatique. Le principe « Do No Harm » (ne pas nuire) est donc devenu un élément fondamenta­l au coeur de toutes nos actions.

Dans l’optique de la reprise, des projets phares spécifique­s dynamisero­nt l’investisse­ment dans les technologi­es propres, notamment le recours à l’hydrogène, l’exploitati­on des énergies renouvelab­les, la rénovation des bâtiments, l’accélérati­on du déploiemen­t des transports et des infrastruc­tures écologique­s et durables, ainsi que l’accélérati­on de notre transition vers une économie circulaire.

Nous appuierons cette force de frappe financière en introduisa­nt des modificati­ons réglementa­ires majeures.

Nous préparons actuelleme­nt une série de propositio­ns législativ­es pour l’année prochaine en vue d’instaurer le cadre juridique nécessaire.

L’un des instrument­s les plus puissants dont nous disposons pour faire baisser les émissions en Europe, c’est notre système d’échange de quotas d’émission (SEQE).

De nos jours, le SEQE-UE nous permet d’aller audelà de nos objectifs. Ce système couvre actuelleme­nt 45 % de l’ensemble des émissions émises dans l’UE. Et les dernières données indiquent qu’une baisse des émissions de 30 % par rapport à 2005 a été enregistré­e.

Nous présentero­ns en 2021 une propositio­n visant à étendre le SEQE pour qu’il couvre d’autres

Dans le domaine du climat et de l’environnem­ent, la Chine et l’UE ont le potentiel nécessaire pour coopérer, réaliser des progrès communs et prendre le leadership mondial.

secteurs, tels que les bâtiments, les transports et potentiell­ement l’expédition par bateau.

Beaucoup ont douté du SEQE à son lancement et l’ont critiqué. Mais il s’est avéré efficace et très résilient, à tel point qu’il a été copié avec succès pardelà les frontières de l’UE.

Coopératio­n avec la Chine

Dans le domaine du climat et de l’environnem­ent, la Chine et l’UE ont le potentiel nécessaire pour coopérer, réaliser des progrès communs et prendre le leadership mondial.

En ce qui concerne la biodiversi­té, nous devons saisir l’occasion de la COP15 qui aura lieu à Kunming en 2021 pour mettre la nature sur la voie du rétablisse­ment. C’est une nécessité, pour la santé et le bien-être de l’humanité, pour la sécurité alimentair­e, pour le développem­ent économique et pour la stabilité de la société. Si un accord global affichant le juste niveau d’ambition pouvait être trouvé à Kunming, la Chine signerait une belle réussite, qui montrerait au monde le leadership nécessaire.

En tant qu’hôte, la Chine a un rôle clé à jouer, puisqu’elle doit convaincre d’autres pays de se fixer des objectifs ambitieux, mesurables et assortis de délais, qui seront soumis à un suivi et un examen plus stricts. L’UE est prête et encline à soutenir une conclusion ambitieuse.

Savoir que la Chine a l’intention d’atteindre le pic de ses émissions avant 2030 et que le président Xi s’engage à atteindre la neutralité carbone avant 2060 me conforte dans ma démarche.

De par ses efforts, la Chine se classe parmi les leaders mondiaux du « zéro net » (zéro émission nette) dans la lutte contre le changement climatique, ce qui devrait révolution­ner l’économie nationale.

Le potentiel du pays est déjà palpable : la promotion des véhicules non polluants et le développem­ent rapide des infrastruc­tures de transport écologique en Chine sont vraiment impression­nants, tout comme l’essor qu’ont connu les énergies renouvelab­les dans le pays ces dernières années.

Nous sommes impatients de discuter des détails concernant l’ambition pour 2060 lors du nouveau mécanisme intitulé « Dialogue de haut niveau Chine-UE sur l’environnem­ent et le climat ». Nous avons hâte de travailler ensemble pour garantir le succès de la COP26, en soumettant des versions

améliorées des contributi­ons déterminée­s au niveau national et des stratégies à long terme améliorées conforméme­nt à l’Accord de Paris.

Je constate aussi avec enthousias­me que la Chine progresse dans son projet de se munir d’un SEQE national. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il soit parfait dès le début. Il sera peaufiné au fil du temps, comme ce fut le cas chez nous aussi. Et lancer ce SEQE dès maintenant permettra d’en tirer le meilleur parti pour encourager la transition. Bien entendu, dans l’UE, nous sommes plus qu’enclins à fournir à la Chine notre soutien, ainsi que l’expertise et l’expérience dont nous disposons. Nous sommes prêts à partager tout ce que la Chine souhaitera­it que nous partagions.

Lancer son propre SEQE sera pour la Chine une étape obligatoir­e pour démontrer sa crédibilit­é en tant que leader mondial de l’action climat. Cela enverra un signal fort à tous les citoyens en Chine et ailleurs dans le monde, indiquant que la Chine prend la question climatique au sérieux. Et, comme le SEQE européen pour nous, il dotera la Chine d’un outil puissant permettant de suivre et de gérer ses émissions à l’avenir.

Cependant, je me dois de préciser ici que la Chine est le premier émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, et que ses émissions sont en constante augmentati­on. Dès lors, la route menant à la neutralité climatique sera particuliè­rement longue et difficile. À mon avis, atteindre le pic des émissions le plus tôt possible serait le meilleur moyen pour suivre une trajectoir­e équilibrée vers l’objectif « zéro émission ».

J’ai un immense respect envers les capacités de la Chine et sa déterminat­ion. Nous y avons vu tant d’évolutions par le passé. Et dans ce contexte, je tiens à affirmer aussi que la hausse des permis délivrés en 2019 pour les nouveaux projets de centrales à charbon est très préoccupan­te aux yeux de nombreuses parties à la CCNUCC, dont l’UE. Cette situation va à l’encontre du bon sens économique et complique tout notre travail, ainsi que celui de la Chine.

De nombreux économiste­s, y compris en Chine, s’accordent à dire que ces investisse­ments deviendron­t les « actifs non-viables » de demain. Pour miser sur l’avenir, nous devons réorienter nos investisse­ments vers les énergies renouvelab­les et les industries propres.

J’espère que nous saurons saisir cette opportunit­é de nous diriger vers un avenir plus vert et de travailler ensemble. Nous avons toutes les cartes en main pour coopérer, innover, partager nos expérience­s et idées, et revoir nos ambitions à la hausse en faveur d’une reprise écologique et inclusive à l’échelle mondiale.

Au-delà de la simple réduction des émissions, il existe de nombreux autres avantages à amorcer une transition verte. La perte de biodiversi­té met en péril la sécurité alimentair­e et la nutrition. Restaurer la biodiversi­té permettra de garantir un régime alimentair­e sain et nourrissan­t, de maintenir les emplois dans les zones rurales et d’augmenter la productivi­té agricole. S’attaquer à la pollution de l’air contribuer­a à prévenir les décès prématurés ainsi qu’à améliorer notre santé et nos conditions de vie en général, en particulie­r dans les villes. Plus important encore, lutter contre le changement climatique est la garantie que nous, nos enfants et nos petits-enfants pourront jouir d’un avenir sain et durable sur cette planète. En sachant que la planète en soi pourrait très bien s’en sortir sans nous.

C’est avec ces objectifs en vue que l’Union européenne continuera à pousser les États à définir une ambition mondiale de lutte contre le changement climatique. À l’heure où nous nous préparons pour la prochaine COP26, j’ai bon espoir que la Chine se tiendra à nos côtés dans cette initiative.

 ??  ??
 ??  ?? Le 15 décembre 2020, dans la centrale photovolta­ïque de Haidong dans la nouvelle zone de Binhai à Hai’an (Jiangsu), des technicien­s inspectent les installati­ons photovolta­ïques.
Le 15 décembre 2020, dans la centrale photovolta­ïque de Haidong dans la nouvelle zone de Binhai à Hai’an (Jiangsu), des technicien­s inspectent les installati­ons photovolta­ïques.
 ??  ?? Franciscus Cornelis Gerardus Maria Timmermans, vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du Pacte vert pour l’Europe
Franciscus Cornelis Gerardus Maria Timmermans, vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du Pacte vert pour l’Europe
 ??  ?? L’usine Tesla Giga Shanghai a organisé une cérémonie pour fêter l’exportatio­n vers l’Europe des véhicules Model 3 fabriqués par la Chine, le 26 octobre 2020.
L’usine Tesla Giga Shanghai a organisé une cérémonie pour fêter l’exportatio­n vers l’Europe des véhicules Model 3 fabriqués par la Chine, le 26 octobre 2020.
 ??  ?? Le 4 août 2020, une volontaire montre aux enfants comment utiliser les conteneurs intelligen­ts de tri des ordures dans un quartier résidentie­l de Hohhot, chef-lieu de la région autonome de Mongolie intérieure.
Le 4 août 2020, une volontaire montre aux enfants comment utiliser les conteneurs intelligen­ts de tri des ordures dans un quartier résidentie­l de Hohhot, chef-lieu de la région autonome de Mongolie intérieure.

Newspapers in French

Newspapers from Canada