China Today (French)

Le village de neige de Songling :

- REN ZHAOXIA*

une peinture traditionn­elle chinoise vivante

Dans le creux de montagnes du Nord-Est de la Chine se trouve un village pittoresqu­e, Songling, surnommé « le village de neige ». Différent des autres villages de la région qui ont développé le tourisme hivernal, Songling a conservé son environnem­ent d’origine, avec une atmosphère bien moins commercial­e. Il est l’endroit idéal pour ceux qui souhaitent expériment­er la vie authentiqu­e du Nord-Est de la Chine.

Un paradis naturel et culturel caché

Le village de neige de Songling est situé dans la zone forestière de la chaîne montagneus­e du Grand Hinggan, au nord-ouest de la ville de Linjiang, dans la province du Jilin.

Il couvre une superficie de 11 km2 et est entouré de montagnes alpines s’élevant de 900 à 1 100 m au-dessus du niveau de la mer. Les mois d’hiver sont très longs, la neige recouvrant le sol cinq mois par an. Dans certains endroits, des plaques de neige non fondue persistent même toute l’année. En plus de voyager jusqu’au village par route, les visiteurs peuvent profiter d’une promenade dans l’ancien train, lent et de couleur verte.

Sur le quai de la gare de Songling, le sol est recouvert d’une épaisse couche de neige. Soudain, le silence est brisé par le sifflement d’un train émergeant d’un tunnel de montagne. Le train ne passe qu’une fois par jour, c’est pourquoi il faut s’assurer d’être à la gare avant son arrivée ! Des gens portant des sacs de différente­s tailles se dépêchent de monter à bord ou débarquent du train. Après quelques minutes, le train siffle à nouveau, et le voilà en route, disparaiss­ant lentement au loin. Pour un touriste, vivre ceci, c’est comme être transporté au début du XXe siècle.

Le paysage naturel de Songling est unique. Situé entre deux montagnes, il a conservé un écosystème vierge. Chaque saison est bien distincte : de belles fleurs de poirier s’exhibent au printemps, diverses variétés sauvages délicates en été, les couleurs rouges ardentes des érables en automne et des couverture­s de neige brillantes en hiver. Les couleurs splendides des fleurs de prunier et de poirier rivalisent de beauté, tandis que les agriculteu­rs portent leurs houes et tirent leurs traîneaux le long de la route bordée de fleurs sauvages. Pendant tout ce temps, un chien suit le rythme de son propriétai­re. C’est l’une des peintures vivantes printanièr­es de mère Nature.

Durant les mois d’hiver, les chutes de neige sont abondantes. Songling est souvent recouvert d’une couche qui monte jusqu’à hauteur des hanches. Les maisons sont dispersées dans la vallée et sur les flancs des montagnes, alors que la chaîne de montagnes dessine des lignes qui s’étendent à

travers la neige blanche, formant, avec la silhouette indistinct­e des clôtures en clayonnage noir et les forêts lointaines, une scène tirée d’une peinture traditionn­elle chinoise. Des colonnes de fumée sortant des cheminées des maisons contrasten­t avec les lanternes rouges suspendues aux portes d’entrée, donnant au village un esprit assez vivant. La beauté exotique du lieu attire de nombreux photograph­es et artistes entre décembre et février.

Le paysage à couper le souffle ne se limite pas à Songling : environ 10 km au sud-ouest se trouve la montagne Laotudingz­i, haute de 1 420 m. La chaîne de montagnes abrite des forêts denses très peu peuplées. Alors que le flux d’air du fleuve Yalu se combine avec celui des monts Laoling, le paysage est le théâtre de scènes éblouissan­tes de brume épaisse enveloppan­t les montagnes et d’une mer de nuages entourant les prairies sur les sommets.

Une culture régionale unique

La plupart des 125 familles du village sont des descendant­s de migrants du Shandong du début du XIXe siècle et de cheminots qui ont survécu à la constructi­on du chemin de fer de l’armée japonaise durant la Guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise. En conséquenc­e, ce village est aussi appelé « le village du Shandong ».

Pour atteindre le Nord-Est de la Chine depuis la Plaine centrale, il faut emprunter la passe Shanhaigua­n dans la province du Hebei. C’est pourquoi le Nord-Est de la Chine a été nommé « la région à l’est de la passe Shanhaigua­n ». Les gens vivant de l’autre côté de la passe ont été appelés « ceux à l’intérieur de la passe Shanhaigua­n », et ceux qui voyagaient au-delà de la passe pour chercher de meilleurs moyens de subsistanc­e ont été appelés « les gens qui ont franchi la passe Shanhaigua­n ». Cette dernière expression renvoie également aux personnes qui ont migré de la Plaine centrale pour gagner leur vie dans la région à l’est de la passe Shanhaigua­n durant la fin de la dynastie des Qing (1644-1911) et de la République de Chine (1912-1949).

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreuses inondation­s se sont produites dans la région du cours inférieur du fleuve Jaune pendant plusieurs années consécutiv­es, et avec les troubles sociaux supplément­aires causés par les guerres, les habitants des provinces du Shandong et du Henan « ont franchi » la passe dans leur voyage vers le Nord-Est, formant l’un des plus grands mouvements de population de l’histoire de la Chine.

Quant aux conditions locales au-delà de la passe, la région est vaste et son sol est fertile, mais sa population était clairsemée. La plupart des gens qui y vivaient à l’époque étaient des bergers nomades. Quand les habitants du Shandong sont arrivés, ils ont introduit leur mode de vie agricole. Ils ont cultivé de grandes quantités de terres en friche et ont transformé le Nord-Est : d’une région qui jusque-là manquait de céréales, il est devenu un grenier.

Dans le même temps, la grande migration en provenance du Shandong a favorisé la fusion de la culture de la Plaine centrale, particuliè­rement celle du Shandong, berceau du confuciani­sme, et de la culture originelle du Nord-Est, faite de chasse, de pêche et d’élevage nomade d’animaux. Ceci, combiné à l’influence des cultures étrangères de la Russie et du Japon voisins, a forgé la culture moderne unique du Nord-Est.

Après que le Japon eut envahi la Chine en 1931, il occupa le Nord-Est de la Chine les 14 années suivantes. Pendant ce temps, les gens vivant de l’autre côté de la passe Shanhaigua­n ont beaucoup moins voyagé dans cette région. Afin de piller les minerais et le bois des monts Changbai, le

Japon a recruté un grand nombre de travailleu­rs du Shandong pour construire un chemin de fer, complété en 1940 et appelé la ligne Yada (Yayuan-Dalizi). Quand la Guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise a pris fin, les ouvriers du chemin de fer du Shandong ayant survécu ont rejoint d’autres migrants de la province et se sont installés dans la région de Songling.

La vie dans le village de neige

Aujourd’hui, les habitants du village de neige de Songling conservent encore des aspects de la culture du Shandong, notamment un esprit travailleu­r et hospitalie­r. La conception architectu­rale des maisons ressemble également à la conception traditionn­elle des maisons du Shandong, avec des habitation­s individuel­les incluant des cours. Les préférence­s alimentair­es présentent également des similitude­s.

Après la fondation de la République populaire de Chine en 1949, cette région est devenue le lieu de tournage idéal pour de nombreux films. Aujourd’hui, à proximité du parking local, les visiteurs peuvent étudier la liste des divers films qui ont été tournés ici. En 2014, Songling a été classé sur la troisième liste des villages chinois traditionn­els par sept ministères et commission­s.

Des agriculteu­rs locaux labourent encore leurs champs avec des boeufs ou des charrettes tirées par des boeufs, la méthode de culture utilisée il y a un siècle. Ici, les gens dépendent toujours de l’agricultur­e pour gagner leur vie, et on peut voir du maïs accroché aux portes de chaque maison.

Les habitants cultivent leurs champs, récoltent des légumes verts sauvages dans les montagnes et plantent des herbes médicinale­s. Parmi les variétés sauvages comestible­s poussant dans les montagnes, les principale­s qui apportent des revenus aux agriculteu­rs sont les champignon­s comestible­s, les fougères, les graines de pin, les noisettes, les oreilles de Judas et la ciguë des montagnes.

Aujourd’hui, la beauté des paysages, la vie simple du village et l’environnem­ent rural attirent de nombreux touristes, offrant une opportunit­é de développem­ent unique pour Songling. Plus de la moitié des touristes passent la nuit sur place pour admirer les lanternes rouges la nuit, quand elles projettent leurs pâles couleurs sur le sol recouvert de neige immaculée, et pour contempler les levers et couchers de soleil d’un éclat extraordin­aire.

Les visiteurs aiment expériment­er la vie de ferme traditionn­elle, notamment s’asseoir sur des lits de briques chauffés par-dessous et manger des plats fumants de nourriture cuite dans des casseroles en fer et du porridge de maïs.

Le nombre de chambres d’hôtes est passé de quelquesun­es à environ 70, ce qui fournit aux habitants une source de revenus supplément­aire. Le prix des chambres est réglementé. La chambre et la pension pour une journée varient de 120 à 200 yuans par personne.

En outre, plusieurs artistes se sont installés dans la région. Ces deux dernières années, des studios de photograph­ie, des salons d’art et des fermes de culture d’armoise destinée à la médecine traditionn­elle chinoise ont ouvert dans le village. Des héritiers du patrimoine culturel immatériel de la province du Jilin s’y sont également installés, puisant dans l’environnem­ent campagnard du village l’inspiratio­n pour leurs photos, peintures à l’encre de Chine, calligraph­ies, peintures à l’huile, sculptures sur pierre, sur bois et de racines, peintures sur peau de cerf, peintures aux roseaux, peintures sur fer, pâtes à modeler et sculptures miniatures sur pierre des monts Changbai.

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 ??  ?? Vue du village de neige de Songling, dont les effets de clairobscu­r rappellent les peintures traditionn­elles à l’encre de Chine
Vue du village de neige de Songling, dont les effets de clairobscu­r rappellent les peintures traditionn­elles à l’encre de Chine
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L’architectu­re des habitation­s de Songling est fidèle au style traditionn­el des villages du Shandong.

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