China Today (French)

RELATIONS INTERNATIO­NALES

- DAVID GOSSET*

Du découplage à la reconnexio­n

Alors que les tendances historique­s les plus profondes se déploient en grande partie indépendam­ment de tout individu, qu’il soit le commandant en chef de la plus grande puissance du monde ou n’importe qui d’autre, les changement­s induits par l’élection de Joe Biden en tant que 46e président américain ne doivent pas être surestimés.

Cependant, par rapport à la politique de son prédécesse­ur immédiat, les réorientat­ions que la nouvelle administra­tion américaine opèrera seront importante­s.

Faisant suite à un mandat structuré autour de l’obsession de « l’Amérique d’abord », le nouveau chapitre ouvert par le président élu Joe Biden portera, à la fois sur la forme et le fond, sur la prééminenc­e de la diplomatie.

Dans ce contexte, l’Union européenne, la Chine et les États-Unis se trouvent alignés sur trois enjeux majeurs : le multilatér­alisme, la gouvernanc­e mondiale et la reconnaiss­ance de la gravité de la crise climatique.

Les nouvelles relations sino-américaine­s auront une influence sur le monde entier.

Un virage positif

Contrairem­ent à Donald J. Trump,

l’ancien vice-président de Barack Obama considère le multilatér­alisme comme la méthode juste pour affronter les problèmes transnatio­naux de notre siècle. En restant à l’écart de la logique de l’unilatéral­isme, l’approche de Joe Biden en matière de politique étrangère sera similaire à celle que préconisen­t l’UE et la Chine.

Avec un partisan de l’internatio­nalisme siégeant dans le Bureau ovale, le système des Nations Unies sera mieux placé pour répondre à l’appel en faveur d’une gouvernanc­e mondiale plus efficace. La loi « Helms-Biden » rappelle que depuis son passage au Sénat américain, le sénateur du Delaware a toujours attaché une grande importance à l’organisati­on intergouve­rnementale. Dans le domaine de la gouvernanc­e mondiale, les politiques des ÉtatsUnis, de l’UE et de la Chine se renforcero­nt mutuelleme­nt au profit de la communauté des nations.

Le président américain de 78 ans a confirmé le 20 janvier, jour de son investitur­e, le retour de son pays au sein de l’Organisati­on mondiale de la santé, alors que l’humanité est confrontée à une pandémie mortelle. En tant que secrétaire d’État, Antony Blinken, dont les affinités avec la France sont bien connues, pourrait bien ramener son pays au sein de l’UNESCO basée à paris. Dans le domaine de la sécurité, une administra­tion Biden pourrait également bien rejoindre le plan d’action global conjoint, le cadre de l’accord nucléaire iranien qui fut signé il y a 5 ans.

Sur le défi à long terme posé par le dérèglemen­t climatique, le 46e président américain incarne un virage positif qui rappelle la configurat­ion géopolitiq­ue propice à l’Accord de Paris de 2015. La nomination par Joe Biden de John Kerry comme son envoyé spécial pour le climat annonçait que les États-Unis rejoindrai­ent l’Accord de Paris. Ceci a également été acté le 20 janvier.

Il est donc évident que dans les quatre années à venir, l’ambition de la Chine de construire une civilisati­on écologique, la volonté européenne d’un « green deal » et ce que la campagne de M. Biden a présenté comme un plan pour une révolution énergétiqu­e propre et la justice environnem­entale rentreront en synergie et seront des sources de progrès pour l’humanité.

Les différence­s politiques

Cependant, l’élection de Joe Biden ne peut être considérée comme garantissa­nt des relations harmonieus­es sur la longue durée entre les deux plus grandes économies du monde.

Outre les questions habituelle­s que la nouvelle représenta­nte américaine au commerce, Katherine Tai, négociera avec son homologue chinois, la nouvelle administra­tion américaine devrait mettre l’accent sur les différence­s politiques qui existent entre les deux côtés du Pacifique. Ce faisant, en particulie­r lorsqu’il convoquera le sommet mondial pour la démocratie dans les mois à venir, M. Biden s’entourera de l’UE, du Japon et de l’Inde, tout en laissant de facto la Chine à l’écart.

Dans les relations avec la Chine, la politique de Trump a été une tentative de découplage dur. Ce type de découplage que certains ont qualifié à tort de nouvelle forme de guerre froide a eu un impact sur la chaîne d’approvisio­nnement mondiale et dans le secteur technologi­que.

Cependant, le découplage brutal de M. Trump n’a pas modifié la tendance à l’interdépen­dance, caractéris­tique sous-jacente de notre époque. De plus, cela n’a certaineme­nt pas affaibli la Chine, dont l’économie a continué à croître alors que tous les autres membres

L’approche de Joe Biden en matière de politique étrangère sera similaire à celle que préconisen­t l’UE et la Chine.

du G20 sont entrés en récession en raison de la crise du COVID-19.

pour les analystes, que ce soit à Washington DC ou dans les capitales européenne­s, la séquence chinoise de M. Trump devrait servir de leçon, car elle montre que les déterminan­ts de la renaissanc­e chinoise sont largement internes au monde chinois, et ne sont certaineme­nt pas décidés à la Maison Blanche ou ailleurs.

pour le dire en d’autres termes, seule une série de mesures chinoises erronées pourrait contenir un cinquième de l’humanité, mais l’esprit de « réforme et d’ouverture » empêche un tel scénario d’advenir.

Dans le monde post-Trump, si l’insistance de Joe Biden sur les différence­s idéologiqu­es évoluait vers un découplage doux, cela ne mettrait pas fin aux interactio­ns mondiales entre les entreprise­s et les population­s, et ne ferait certaineme­nt pas dérailler le retour de la Chine à une position centrale.

Une voie plus productive

C’est dans une année fort triste de sinophobie, alimentée par la tentative de M. Trump de calomnier et d’isoler la Chine, que cette dernière a néanmoins pu parvenir à un accord sur le Partenaria­t régional économique global (RCEp) et conclure le tout aussi important accord global sur l’investisse­ment avec l’Union européenne.

Sous l’influence regrettabl­e des échos sinophobes du mandat M. Trump, Joe Biden pourrait choisir de surjouer les différence­s politiques qui existent entre la Chine et l’Occident. S’il s’agissait d’une tentative plus subtile de saper le développem­ent de la Chine, cela n’aurait toutefois pas pour effet de neutralise­r la force centripète de la renaissanc­e chinoise.

pour la relation sino-américaine, il existe une voie plus productive que l’UE peut aider à concrétise­r. Une telle voie ne serait pas une simple variation sur le thème du découplage, mais serait un effort courageux pour se reconnecte­r avec sagesse.

Une telle reconnexio­n présuppose que les diplomates chinois et américains oeuvrent ensemble pour résoudre les problèmes de notre temps. Leur convergenc­e autour du multilatér­alisme, de l’importance de l’ONU et de l’urgence climatique offre une opportunit­é de s’engager sur une voie inclusive, pacifique et durable.

Le commerce peut également être un domaine pour se reconnecte­r judicieuse­ment. Le Partenaria­t transpacif­ique (Tpp) que Barack Obama a signé en 2016 a été, en tant que tel, un échec. Ayant évolué pour devenir l’Accord global et progressif de partenaria­t transpacif­ique (CpTpp), il pourrait être un point de convergenc­e pour les négociateu­rs chinois et américains.

Le trumpisme a manipulé une fausse dichotomie entre nationalis­me et mondialism­e. Cette rhétorique fallacieus­e a conduit au discours sur « l’Amérique d’abord » et au découplage. Il a également réduit le positionne­ment sur la Chine à deux caricature­s simplistes : soit la posture irrationne­lle anti-Chine, soit l’étreinte éhontée d’un diable imaginaire.

Dans la réalité plus complexe et nuancée de la communauté des nations, l’internatio­nalisme est l’effort de combiner les intérêts nationaux légitimes avec la nécessité de garantir la paix et la prospérité partagée pour toute l’humanité.

Une sage reconnexio­n sino-américaine est la reconnaiss­ance du fait que les progrès au XXIe siècle dépendent de la capacité de l’Occident à travailler avec la Chine et vice versa.

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La Chine est une destinatio­n importante des exportatio­ns de soja et d’autres produits agricoles américains.

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