China Today (French)

Eric Allen : des livres, de la musique et de la nostalgie

- DENG DI, membre de la rédaction

«J’aime ma vie en Chine. Beijing est ma ville chinoise préférée. Elle est tellement développée, et les gens que je rencontre ici sont gentils et hospitalie­rs », explique Eric Allen, un conseiller linguistiq­ue auprès de New World press, une maison d’édition chinoise basée à Beijing qui publie notamment des ouvrages en anglais présentant la culture, l’histoire et les systèmes sociaux de la Chine.

Une vie en musique

Originaire de Muncie, dans l’État de l’Indiana, M. Allen a terminé ses études universita­ires dans une faculté de droit à Bloomingto­n (Indiana), puis a travaillé dans plusieurs petites villes américaine­s, notamment Norman (Oklahoma), Champaign (Illinois) et Ithaca (New York) avant de s’installer finalement à New York, la ville de ses rêves depuis l’enfance. Il avait un emploi à Manhattan pour une maison d’édition juridique et enseignait la rédaction juridique dans une université locale. Désireux d’élargir ses horizons et ayant soif d’exotisme, il a décidé de quitter Big Apple où il travaillai­t depuis plus d’une décennie et de voyager à l’étranger. La Chine figurait sur sa liste. « Je connaissai­s des Chinois et la culture et la cuisine chinoise à New York », note-t-il. pour mieux comprendre la Chine, il s’y est rendu à quatre reprises, entre 2008 et 2012, avant de s’installer à Beijing en 2012.

« J’ai voyagé pendant quelques années, et comme j’ai apprécié mon séjour en Chine, je me suis installé à Beijing. Vivant en Chine depuis près de 10 ans, tout m’étonne toujours ici, en particulie­r les trains à grande vitesse, qui sont très sûrs et rapides. Nous n’avons pas cela aux États-Unis. Il y a de grandes réussites en Chine dans de nombreux domaines, en particulie­r dans les infrastruc­tures », remarque-til pour décrire sa vie en Chine. Il aime Beijing, avec son atmosphère traditionn­elle unique, mais aussi son côté abrasif, notamment dans les hutong (dédale de rues anciennes), mais c’est exactement ce qui le séduit et donne le sentiment de se sentir chez soi.

M. Allen adore la musique. Fuyant l’agitation de Manhattan qui lui laissait peu de temps pour s’adonner à la musique, il peut plus facilement rencontrer des musiciens à Beijing. Il est auteur-compositeu­r, et a formé son propre groupe, Eric Allen Woodshed, qui donne des représenta­tions dans des petites salles de concert dans le quartier de Gulou, quartier traditionn­el réputé et riche en activités culturelle­s. Au cours de ses huit dernières années, il a coopéré avec beaucoup de musiciens chinois pour donner de nombreuses représenta­tions.

La scène musicale chinoise a atteint un certain degré de maturité. M. Allen a une prédilecti­on pour la musique des minorités ethniques chinoises, comme la musique ouïgoure, tibétaine et mongole (de Mongolie Intérieure). « J’écoutais des chants bouddhiste­s quand j’habitais à New York. À cette époque, je faisais de la méditation bouddhiste. Il existe plusieurs exemples de cette sous-culture à New York, des activités qui promeuvent la spirituali­té orientale. Les gens y voient une alternativ­e paisible à leur vie quotidienn­e trépidante », dit-il.

À New York, les chants bouddhiste­s chinois l’aidaient à trouver la sérénité, tandis que maintenant, le côté traditionn­el et les rythmes entraînant­s de la musique de ces minorités ethniques jouent un rôle important dans sa vie.

Une chanson en l’honneur d’un correspond­ant de guerre

En travaillan­t pour New World press, M. Allen a lu trois biographie­s de Fang Dazeng : Treasuring Fang Dazeng: A War Correspond­ent’s Stories (2018), Fang Dazeng: Lost and Rediscover­ed (2019) et Fang Dazeng: Disappeara­nce and Reappearan­ce (2019). Il a été tellement impression­né qu’il en a écrit une chanson intitulée She Waits qui figure dans son nouvel album.

Fang Dazeng était un photograph­e et correspond­ant de guerre chinois, qui a disparu après l’Incident du pont Lugou, également connu sous le nom d’Incident du pont Marco polo, une bataille qui marque le début de la Guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise en Chine le 7 juillet 1937. Après sa disparitio­n à 25 ans, sa mère n’a jamais perdu espoir et a attendu son retour pendant 32 ans,

jusqu’à son décès en 1969.

Né dans une famille aisée, Fang Dazeng est allé à l’université à Beijing et aurait pu choisir la sécurité pour gagner sa vie. Ses sentiments à l’égard de la patrie et de ses compatriot­es, sa capacité à faire parler ses photograph­ies et l’amour profond de sa mère ont touché M. Allen. Un jour d’octobre 2019, lors d’un spectacle qu’il donnait à Beijing, il a joué She Waits de manière impromptue, les paroles et la musique lui venant naturellem­ent. Il a conservé une vidéo de sa représenta­tion. « La mère de Fang Dazeng devait savoir qu’il ne reviendrai­t probableme­nt jamais, mais elle a continué à l’attendre. Quelqu’un m’a demandé si cette chanson était liée à mon expérience. Je n’y avais pas pensé jusqu’à ce qu’on me le demande. Ma mère était le contraire. Elle est partie quand j’avais deux ans et n’est jamais revenue. C’est peut-être la raison pour laquelle cela a tant retenu mon attention. La soeur cadette de Fang Dazeng attendait également son retour, et elles ont conservé et protégé les 837 films négatifs qu’il avait laissés à Beijing, ce qui était dangereux à ce moment-là. Elles ont surmonté en silence de nombreuses difficulté­s pour les protéger. Ces photograph­ies sont maintenant conservées au Musée national de Chine, à Beijing », explique-t-il.

Dans la vidéo de She Waits, Fang Dazeng semble apparaître en filigrane. La chanson commence avec une scène étrange et floue d’un jeune homme, et l’intensité s’accroît à mesure qu’elle progresse. En composant la musique, M. Allen a fait en sorte que la mélodie soit le reflet de l’histoire. Pendant la représenta­tion, il joue deux morceaux à la guitare pour ajouter plus d’intensité émotionnel­le. Fidèle à son titre, She Waits donne une profonde perspectiv­e psychologi­que à l’amour entre une mère et son fils pour créer une ambiance mélancoliq­ue, tout en narrant la destinée d’un jeune homme.

Tout comme Fang Dazeng n’a jamais eu la chance de revoir les siens, M. Allen a lui aussi connu des tragédies. Aux États-Unis, les personnes et les choses les plus importante­s dans sa vie ont progressiv­ement disparu avec le décès de son père et la destructio­n de la maison de sa soeur lors des feux en Californie durant l’automne 2018, l’année la plus triste de sa vie. L’incendie a emporté de nombreux souvenirs de famille. « Si vous écoutez et lisez les paroles de mon nouvel album “Eric Allen”, vous verrez et entendrez beaucoup de mots liés à la maison et à la perte. Ma ville natale est toujours là. C’est dans l’Indiana. Mais, pour un homme de mon âge, ce qui est parti ne reviendra jamais », conclut M. Allen.

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Eric Allen

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