China Today (French)

Pourquoi le commerce sino-européen est en plein essor

- TOM FOWDY*

Selon des données publiées par Eurostat le 15 février dernier, le volume total des échanges Chine-UE en 2020 a atteint 586 milliards d’euros. Ainsi la Chine est-elle devenue, pour la première fois dans l’histoire, le premier partenaire commercial de l’UE, en lieu et place des États-Unis.

Tout au long de l’année 2020, le nombre des exportatio­ns de marchandis­es de l’UE vers la Chine a augmenté de 2,2 %, et le chiffre des importatio­ns a progressé de 5,6 %. Dans ce contexte, Washington a été relegué au second rang à l’heure où, déjà, le commerce transatlan­tique s’effondrait sous l’effet de la pandémie de COVID-19, de même qu’en raison des droits de douane imposés sur les produits européens par la précédente administra­tion Trump, dans un contexte de guerre commercial­e prolongée sur fond de conflit Boeing-Airbus.

Ce revirement, bien que rapide, n’est toutefois pas fortuit, mais plutôt structurel et géographiq­ue. Le commerce sino-européen est porté par la réussite de projets tels que les trains de fret Chine-Europe dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». Ce vaste réseau de fret, qui dessert la masse continenta­le qu’est l’Eurasie, a permis de réduire significat­ivement les temps de trajet. De fait, il s’est imposé comme un moyen de transport plus rapide et plus compétitif que les traditionn­elles routes maritimes.

Bien que situées sur la même masse terrestre, l’Europe et la Chine sont séparées par environ 8 210 km, l’une faisant face à l’Atlantique et l’autre au Pacifique. Le transport de marchandis­es par bateau prend beaucoup de temps. De plus, les marins doivent d’abord passer par le détroit de Malacca et le sous-continent indien, puis traverser bien sûr la mer Rouge et le canal de Suez, avant d’atteindre enfin les ports européens. C’est pourquoi la Grèce et l’Italie jouent depuis longtemps un rôle de premier plan dans le commerce sino-européen.

Cependant, les règles du jeu sont en train de changer. Parmi les projets vedettes de l’initiative « la Ceinture et la Route » figurent les trains de fret Chine-Europe qui relient la province du Zhejiang (sur la côte est de la Chine) à l’Allemagne, en passant par Xi’an et à travers la Russie et l’Europe, avec des lignes supplément­aires menant jusqu’au Portugal à l’ouest et franchissa­nt même la Manche pour atteindre le Royaume-Uni. Depuis, il est possible d’acheminer les marchandis­es en quelques jours, contre quelques mois auparavant.

D’un coup, l’Eurasie a été perçue comme une voie de communicat­ion pratique plutôt que comme un obstacle. Ces trains de fret Chine-Europe, mis en service en 2017, progressen­t d’année en année.

La pandémie de COVID-19 est toutefois le facteur décisif qui est venu changer la donne, puisqu’elle a permis aux trains de fret Chine-Europe d’enfin s’établir sur le marché et de maintenir un avantage concurrent­iel. Pendant toute l’année 2020, les pays européens ont eu besoin de recevoir en urgence de grandes quantités de matériel médical, et à ce compte-là, le transport maritime ne s’est révélé d’aucune aide, notamment en raison des dangers liés au virus. En conséquenc­e, les trains de fret Chine-Europe, forts de leur efficacité et de leur prix abordable, ont rapidement généré une énorme demande. Comme l’a fait remarquer le Global Times : « Les trains de fret Chine-Europe ont réalisé le nombre record de 12 400 trajets en 2020, soit une hausse de 50 % par rapport à l’année précédente. »

De par ces nouvelles conditions structurel­les et géographiq­ues, le commerce sino-européen est naturellem­ent monté en flèche, suivant le principe de l’intégratio­n régionale. Des facteurs politiques ont aussi accéléré cette tendance.

Premièreme­nt, l’administra­tion américaine sous Donald Trump a choisi d’entrer en confrontat­ion commercial­e avec l’UE, au lieu de défendre le multilatér­alisme. Des pays comme l’Allemagne ont été traités comme des concurrent­s commerciau­x des ÉtatsUnis plutôt que comme des alliés. Résultat : Trump a décidé d’imposer des droits de douane se chiffrant à plusieurs milliards sur les produits européens, ce qui a abouti à des représaill­es tarifaires.

Deuxièmeme­nt, l’UE n’a pas mené une politique de « découplage » avec la Chine, à la différence des États-Unis qui ont poursuivi des politiques destinées à perturber ou décourager le commerce de gros. Le commerce bilatéral Chine-UE a donc pu croître.

Troisièmem­ent, les statistiqu­es commercial­es témoignent de la reprise économique soutenue qui est en cours en Chine. Le pays est parvenu à maîtriser rapidement l’épidémie de COVID-19 et à renouer sans tarder avec la croissance en 2020, ce qui lui a permis de battre des records d’exportatio­n, tout en maintenant la bonne dynamique de la consommati­on intérieure, au profit des exportateu­rs européens.

Ce « retour à la normale » en Chine contraste vivement avec la situation des économies toujours en proie au virus, qui ont dû prendre à plusieurs reprises des mesures de confinemen­t au cours de l’année 2020. C’est un témoignage de la stabilité qui existe dans le pays, du point de vue du marché intérieur comme du point de vue des chaînes d’approvisio­nnement et des infrastruc­tures connexes. La Chine arrive à gérer la situation. Les États-Unis n’ont pas réussi à en faire autant, en dépit de leurs attaques politisées contre Beijing sur un éventail de questions.

Dans ce contexte, l’essor du commerce sino-européen est un signe des temps. C’est d’abord la preuve que l’initiative « la Ceinture et la Route » a réussi à contribuer à l’intégratio­n d’un continent, ainsi qu’à rendre les chaînes d’approvisio­nnement plus efficiente­s et efficaces, mais c’est aussi la démonstrat­ion qu’en combinant stabilité politique, gestion rationnell­e du COVID-19 et politique étrangère multilatér­ale, l’on obtient les résultats les plus cohérents. À l’avenir, la Chine et l’UE, les deux plus grands marchés uniques au monde, continuero­nt de faire valoir leur complément­arité selon une logique gagnant-gagnant.

 ??  ?? Le 16 mars 2020, sur la ligne de production de climatiseu­rs de la société TCL, située dans la zone portuaire de Chengxi à Jiujiang (Jiangxi), des ouvriers assemblent des climatiseu­rs destinés à l’exportatio­n vers l’Europe.
Le 16 mars 2020, sur la ligne de production de climatiseu­rs de la société TCL, située dans la zone portuaire de Chengxi à Jiujiang (Jiangxi), des ouvriers assemblent des climatiseu­rs destinés à l’exportatio­n vers l’Europe.
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