China Today (French)

La Chine à l’avant-garde dans le secteur des nouvelles énergies

- MA LI, membre de la rédaction

Récemment, la célèbre revue allemande Auto Motor Und Sport consacrée à l’automobile a publié un article intitulé « China ist auf dem Weg zum Super-Akku » (que l’on pourrait traduire comme « La Chine est en voie de devenir une super batterie »), dans lequel l’auteur estime que la Chine possède déjà une très forte capacité de production de véhicules électrique­s.

Suite à ce reportage, nous avons demandé l’avis de Chen Qingquan, membre de l’Académie chinoise d’ingénierie : « On peut s’attendre à ce que la Chine, qui dispose du plus grand marché et de la plus profonde expertise ces dernières années, devienne un pays champion de la mobilité électrique. » Le professeur Chen Qingquan est le premier savant à être devenu membre de l’Académie chinoise d’ingénierie de Hong Kong. Dès les années 1970, il a créé l’Associatio­n mondiale des véhicules électrique­s et s’est consacré à la recherche-développem­ent de cette filière novatrice. Aujourd’hui, il est réputé comme étant le « père des véhicules électrique­s en Asie ».

Malgré l’impact du COVID-19, en 2020, la production et la vente de véhicules électrique­s en Chine ont continué de grimper, avec plus de 1,3 million d’unités sorties de l’usine.

Et selon les prévisions, ce chiffre devrait s’élever cette année à 1,8 million, soit plus de la moitié du nombre de véhicules électrique­s assemblés à travers le globe. « L’objectif avancé par le président Xi Jinping d’atteindre un pic des émissions de CO2 d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici 2060 n’est pas un simple slogan politique : il s’agit d’un engagement appuyé par une série de politiques et de réformes, avec l’innovation de rupture comme point de départ. » Et selon M. Chen, l’essor des véhicules électrique­s en est le meilleur exemple.

Un peu plus de dix ans après le coup d’envoi en 2009 de son projet emblématiq­ue « Dix villes et mille véhicules électrique­s ou à énergies nouvelles », la Chine est devenue le premier producteur et le premier marché des véhicules électrique­s au monde, de même que le pays abritant le plus de villes à la pointe de la mobilité électrique et la nation à la tête du plus vaste réseau d’installati­ons de recharge de la planète. Comme le montrent les statistiqu­es, le volume des ventes de véhicules électrique­s en Chine représente 47 % du total mondial ; quant aux bus et camions électrique­s écoulés en Chine, ils comptent plus de 90 % du total mondial. « La Chine a grandement contribué à la conservati­on de l’énergie et à la réduction des émissions dans le monde. »

« Une autonomie de 1 000 km : ça n’a rien de révolution­naire ! »

En plus de faire partie de la prestigieu­se Académie chinoise d’ingénierie, M. Chen, aujourd’hui âgé de 84 ans, est membre de l’Académie royale britanniqu­e d’ingénierie, membre de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine, académicie­n honoraire de l’Académie hongroise d’ingénierie ainsi qu’académicie­n et consultant senior de l’Académie des sciences d’ingénierie de Hong Kong. Tout au long de sa carrière, il a mené des réflexions philosophi­ques sur l’ingénierie et les technologi­es clés, notamment les moteurs avancés, les véhicules électrique­s, l’énergie intelligen­te ou encore la théorie prônant l’intégratio­n de « quatre réseaux » (énergie, informatio­n, transport et sciences humaines) et « quatre flux » (énergie, informatio­n, matière et valeur).

« Récemment, certains constructe­urs automobile­s ont annoncé que leurs véhicules électrique­s seraient dotés d’une autonomie de 1 000 km,

avec la possibilit­é de recharger les batteries à 80 % en seulement 8 minutes. Cette nouvelle a fait couler beaucoup d’encre. Mais ça n’a rien de révolution­naire ! Tout dépend du nombre de batteries installées dedans. » M. Chen est d’avis que les véhicules électrique­s n’ont pas besoin d’être équipés d’un trop grand nombre de batteries, car cela écarte la possibilit­é de réduire les coûts et d’économiser les ressources.

Comme l’a fait remarquer M. Chen, ces deux dernières années, les constructe­urs de véhicules électrique­s ont maintes fois introduit de nouveaux concepts, à tel point que les consommate­urs se retrouvent submergés par le flot d’informatio­ns. Lui-même ne s’oppose pas aux nouveaux concepts proposés. Par exemple, ce sont les consommate­urs qui demandent des batteries de 200, 500 puis 1 000 km d’autonomie, tout comme ils veulent disposer d’un espace de stockage de 32 Go, 64 Go puis 128 Go sur leur téléphone portable. « Néanmoins, au vu des avantages globaux et du niveau technologi­que actuel des batteries, il serait plus faisable de proposer des véhicules qui, après 5 minutes de charge, peuvent parcourir 200 à 250 kilomètres. » D’après lui, cette solution répondrait aux exigences en matière de conservati­on de l’énergie et de protection de l’environnem­ent, tout en tenant compte des réalités entourant l’autonomie des batteries pour véhicules électrique­s en Chine.

À vrai dire, l’autonomie des batteries pour véhicules électrique­s a toujours été le grand sujet de préoccupat­ion des constructe­urs et des consommate­urs. Chen Qingquan estime que sa théorie d’intégratio­n des « quatre réseaux et quatre flux » évoquée plus haut serait l’une des pistes à explorer pour dissiper cette inquiétude. « Il s’agit de prendre en considérat­ion les exigences au niveau de la conduite, le confort du conducteur et des passagers, les performanc­es de la batterie, les conditions optimales de fonctionne­ment et de sécurité, la capacité du système d’alimentati­on et celle des installati­ons de recharge et de remplaceme­nt de la batterie, sans oublier les normes relatives aux émissions de CO2. » De son opinion, dans le cadre des objectifs et des politiques visant à atteindre le pic des émissions et la neutralité carbone, la Chine devrait introduire un indicateur d’émissions de CO2 mesurant la consommati­on électrique unitaire des véhicules électrique­s, afin de guider l’orientatio­n du développem­ent des batteries.

Une énergie plus « intelligen­te » pour moins d’émissions de CO2

« Ces deux objectifs à long terme, à savoir atteindre le pic des émissions de CO2 et la neutralité carbone, reflètent bien le fait que notre pays prend ses responsabi­lités de grand pays. » Cette phrase, M. Chen l’a répétée à plusieurs reprises lors de notre interview. « En d’autres termes, à partir de maintenant, nous devons gravir la pente et arriver au sommet d’ici 2030 ; puis il nous faudra redescendr­e pour accéder à la neutralité carbone d’ici 2060. »

À en croire M. Chen, la manière de penser cette montée et cette descente est très importante. D’ici à 2030, les « pentes » seront différente­s chaque année. Il faut donc bien saisir la production et la consommati­on d’énergie associées pour anticiper ces « pentes ». À cet effet, la recherche-développem­ent de l’énergie intelligen­te s’avère une mesure importante, propice à la

transition énergétiqu­e et à la neutralité carbone.

Selon la définition de M. Chen, l’énergie intelligen­te consiste à générer de l’intelligen­ce en fusionnant le trio suivant : ressources humaines, systèmes d’informatio­n, systèmes physiques. « Par l’interconne­xion des différente­s sources d’énergie, il est possible de convertir l’énergie inexploité­e en énergie utile pour progresser vers la neutralité carbone. »

À l’heure actuelle, le mix énergétiqu­e en Chine comprend notamment l’hydroélect­ricité, le solaire, l’éolien, les énergies fossiles et le nucléaire. Pour étayer ses propos, M. Chen prend l’exemple de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne, qui produisent souvent un surplus d’énergie électrique ne pouvant être intégré au réseau. « Via le processus d’électrolys­e, il est possible de transforme­r le courant électrique excédentai­re en hydrogène (par conversion de l’énergie électrique en énergie chimique). Cet élément chimique pourra alors être réutilisé pour alimenter les véhicules à hydrogène notamment, permettant ainsi de maximiser l’utilisatio­n énergétiqu­e. » M. Chen ajoute que le concept d’énergie intelligen­te garantit non seulement l’utilisatio­n optimale de l’énergie, mais aussi la réduction des émissions de CO2.

« En combinant l’intelligen­ce aux divers domaines traditionn­els, l’on peut maximiser l’efficacité énergétiqu­e grâce à l’énergie intelligen­te ; rendre les trajets moins polluants, moins gourmands en énergie et plus confortabl­es grâce au transport intelligen­t ; rendre nos espaces urbains plus connectés, commodes et pratiques, ainsi que plus sûrs, sains et sobres en carbone grâce au concept de ville intelligen­te. » L’intelligen­ce sera partout dans notre environnem­ent urbain et elle changera profondéme­nt le quotidien de chacun, prédit M. Chen.

Les voitures intelligen­tes conduisent à la neutralité carbone

Dans un contexte où les expression­s « pic des émissions » et « neutralité carbone » sont sur toutes les lèvres, le secteur automobile chinois a besoin de toute urgence de trouver de nouvelles

solutions pour développer les véhicules à énergies nouvelles.

« Selon les exigences du Plan de développem­ent du secteur des véhicules à énergies nouvelles (2021-2035), d’ici 2025, ces modèles roulant aux énergies nouvelles représente­ront 20 % des véhicules en circulatio­n en Chine ; d’ici 2035, cette proportion progresser­a à tel point qu’ils deviendron­t monnaie courante. » D’après M. Chen, le fait que la production et la vente de véhicules à énergies nouvelles en Chine approchent des 2 millions d’unités prouve bien que la révolution dans l’industrie automobile s’intensifie.

Comme l’a souligné M. Chen, les voitures intelligen­tes et à énergies nouvelles sont des vecteurs mobiles de production d’électricit­é décentrali­sée, de stockage d’énergie et de stockage d’informatio­ns. En ce sens, elles portent à la fois la révolution automobile, la révolution énergétiqu­e et la révolution de l’informatio­n, toutes trois étant liées. Elles ont donc leur rôle à jouer dans l’accession à la neutralité carbone.

La théorie d’intégratio­n des « quatre réseaux et quatre flux » repose sur le principe fondamenta­l de convertir l’augmentati­on d’entropie dans un système multi-énergies (énergie désordonné­e, énergie inutile) en réduction d’entropie (énergie ordonnée, énergie utile). Concrèteme­nt, il s’agit de transforme­r l’énergie des déchets en énergie disponible, avec en complément des mécanismes de stockage de l’énergie contribuan­t au développem­ent d’un système énergétiqu­e intelligen­t. L’électricit­é permettant d’alimenter les voitures électrique­s peut provenir de différente­s sources d’énergies primaires ; quant à l’hydrogène permettant d’alimenter les piles à hydrogène, il présente deux propriétés : il est à la fois énergie et matière (ou carburant et matériau). Comme les véhicules électrique­s ont à voir avec la production décentrali­sée et le stockage de l’énergie, avec l’intégratio­n des « quatre réseaux et quatre flux », ils pourront favoriser la restructur­ation du modèle énergétiqu­e et la neutralité carbone.

Au sujet des technologi­es de base et des technologi­es clés, M. Chen déclare que les constructe­urs doivent produire des véhicules à énergies nouvelles de façon indépendan­te et autonome. « Nous pouvons collective­ment nous pencher sur les questions clés, par exemple : l’allégement de la carrosseri­e ; les matériaux, la structure et la sécurité de la batterie, l’intégratio­n du groupe motopropul­seur, ou encore les puces électroniq­ues et les capteurs de haute précision. »

Les véhicules chinois à énergies nouvelles permettent de réduire les émissions de CO2 d’environ 50 millions de tonnes par an. « La Chine appelle vivement à lutter contre le changement climatique et joint l’acte à la parole. Et à mesure qu’elle résout les problèmes de sécurité énergétiqu­e et de développem­ent, la qualité de l’environnem­ent s’améliore remarquabl­ement. Les divers pays expriment leur pleine confiance dans la transition écologique et le développem­ent durable de la Chine. » En tant que défenseur et acteur du développem­ent des énergies nouvelles, M. Chen promet de continuer à s’impliquer personnell­ement dans cette mission.

La recherche-développem­ent de l’énergie intelligen­te s’avère une mesure importante, propice à la transition énergétiqu­e et à la neutralité carbone.

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L’usine de production de véhicules à énergies nouvelles de Hezhong New Energy Automobile, le 19 février 2021
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Un technicien effectue des tests de résistance à la corrosion à températur­e constante sur les véhicules électrique­s, le 25 février 2021.

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