China Today (French)

Le bonheur au pied des monts Biluo

- MA LI, membre de la rédaction

Depuis plus de deux ans, Li Zhonghua, un villageois de Sanhe, relevant du bourg de Luzhang, à Lushui, dans la préfecture autonome lisu de Nujiang (Yunnan), se rend comme tous les matins à 8 h30 à l’étang aux oiseaux pour les nourrir. Ce lieu qu’il a créé avec soin est devenu la « banque verte » de sa famille.

C’est dans cet environnem­ent où viennent les oiseaux pour s’alimenter que les chercheurs et les photograph­es animaliers, à l’abri d’une tente en toile de camouflage, peuvent les observer. « Avant, je chassais les oiseaux, mais maintenant je les aime et les protège, je gagne de l’argent et je plante des fleurs », dit-il. Cette « économie des oiseaux » à Sanhe lui a permis d’opérer un changement radical dans son existence.

De chasseur à protecteur des oiseaux

M. Li, 42 ans, est originaire de Sanhe, qui signifie « trois rivières » en raison des rivières Gutan, Dishui et Wanzhuan qui y convergent. Ce village abrite de riches ressources en forêts, en

pâturages et eaux. « Quand j’étais plus jeune, je chassais souvent les oiseaux dans les montagnes et je ramassais de l’eupatoire pour en vendre dans la vallée. » Du fait de la pauvreté, son niveau d’instructio­n était insuffisan­t et il ne connaissai­t pas le concept de protection environnem­entale.

Le changement s’est produit en 2018. « Cette année-là, Zhang Chaojiang, du Bureau des sciences et technologi­es de la préfecture et rattaché au village, et les cadres du village m’ont approché et m’ont dit que le village allait installer quelques étangs aux oiseaux pour les photograph­es animaliers, et m’ont demandé si j’étais prêt à devenir un “chef d’étang” », explique-t-il. S’il avait déjà vu des gens venir avec des téléobject­ifs, il n’avait aucune idée de ce qu’était un chef d’étang et comment on pouvait gagner de l’argent en offrant des services aux photograph­es.

Afin de dissiper ses inquiétude­s, M. Zhang l’a emmené avec 12 autres membres du village enregistré­s dans le fichier des ménages démunis pour en apprendre davantage sur l’expérience de Baihualing, à Baoshan. « Leur modèle de développem­ent nous a ouvert les yeux sur les oiseaux », remarque M. Li, s’apercevant pour la première fois que la protection des oiseaux pouvait réellement rapporter de l’argent.

Quinze étangs d’oiseaux ont rapidement été installés et M. Li est devenu le chef de l’étang n°10 de Sanhe. Le 1er octobre 2018, il a commencé à accueillir les photograph­es. « En raison de mon manque d’expérience, je n’ai pas gagné beaucoup d’argent le premier mois. Le Bureau des sciences et technologi­es et les cadres m’ont appris comment guider les photograph­es et lentement, j’en ai tiré des bénéfices financiers. » Tous les étangs sont exploités et gérés par la Société de développem­ent des techniques agricoles et forestière­s Nujiang Sanheyuan qui s’occupe de diriger les photograph­es en fonction de leurs besoins. « De cette façon, l’exploitati­on est davantage orientée vers le marché, davantage normalisée. Nous percevons des frais d’installati­on de caméra, de sac à dos et de restaurati­on. » Cela rapporte environ 5 000 yuans par mois en haute saison, et un peu plus de 2 800 yuans en basse saison, précise satisfait M. Li.

Pour être un bon chef d’étang, il faut savoir apprendre. « Les nourrir, les regarder et comprendre », telles sont les compétence­s fondamenta­les. « Quand on nous demande de quel oiseau il s’agit, il faut savoir répondre. Il faut différenci­er les espèces, rares ou pas, pour avoir un bon étang. » Il a spécialeme­nt téléchargé un logiciel de reconnaiss­ance d’oiseaux sur son smartphone et quand des photograph­es lui envoient des photos via WeChat, il peut facilement déterminer le nom de l’espèce. « Jusqu’à présent, 62 espèces d’oiseaux ont déjà été photograph­iées dans cet étang », précise-t-il.

un réparateur devient exploitant d’une ferme aux oiseaux

Luo Zhiqiang, un villageois de Sanhe de 33 ans, et son conjoint ont ouvert une ferme aux oiseaux dans le village. Il s’occupe du service et du nettoyage, et son épouse fait la cuisine et la comptabili­té.

« J’étais réparateur à Dali, Liuku et ailleurs, et mes revenus étaient plutôt bons. » Absent toute l’année, il ressentait une certaine culpabilit­é à l’égard de sa famille. Il est donc revenu au village pour construire une maison et faire une ferme aux oiseaux. « De plus en plus de touristes et de passionnés

de photograph­ie vont dans le village. C’est une excellente opportunit­é commercial­e. »

Un enseignant de l’Université de l’agricultur­e de Chine qui était venu dans le village pour y effectuer des recherches l’avait conseillé et aidé pour concevoir sa ferme aux oiseaux. « Grâce à cet enseignant, j’ai construit un hangar d’observatio­n des oiseaux, un point d’eau pour les oiseaux et une mare aux oiseaux dans la cour. Les arbres fruitiers et les légumes plantés sont destinés à nourrir les oiseaux. La cour entière est un paradis pour les oiseaux. » Initialeme­nt, il voulait fournir aux touristes et aux amateurs de photograph­ie un espace pour se détendre en leur donnant le gîte et le couvert et les sensibilis­er à la protection des oiseaux.

L’affaire de M. Luo a ouvert en mars 2020. Malgré l’épidémie de COVID-19, elle avait engrangé entre 70 000 et 80 000 yuans à la fin de l’année. « Avant, mes revenus pour une année de dur labeur à l’extérieur étaient à peu près les mêmes. Maintenant, je suis mon propre patron et je m’occupe de mes parents et de mes enfants. » Il souhaite que son affaire prospère afin de pouvoir embaucher des gens du village pour que tout le monde en profite.

M. Luo a également installé des pêchers et creusé une rizière. « On pourra cueillir les pêches l’année prochaine et les semis ont été plantés dans la rizière où on a mis des alevins. Cet automne, les visiteurs pourront pêcher des poissons de rizière. » Faire connaître et aimer la vie à la campagne, tel est son voeu le plus cher.

un « oncle-oiseau » et son économie des oiseaux

« Depuis plus de deux ans, j’incite les gens dans le village à installer des étangs aux oiseaux, à fabriquer des nichoirs et à gagner de l’argent grâce aux oiseaux, afin d’attirer les touristes pour les observer et leur fournir le gîte et le couvert. L’économie des oiseaux de Sanhe est déjà réputée à l’extérieur », dit avec fierté Zhang Chaojiang, que l’on appelle aussi « oncle-oiseau ». Il ajoute que dans le village, ce qui prévaut est de « compter sur les montagnes pour se nourrir et sur les oiseaux pour se développer ».

Sanhe, situé dans l’arrière-pays de monts Gaoligong, possède des forêts denses et abrite plus de 240 espèces d’oiseaux sauvages. En 2016, lorsque M. Zhang, un photograph­e amateur, s’est rendu à Baihualing, il s’est rendu compte que l’observatio­n des oiseaux pouvait stimuler l’économie locale. Deux ans plus tard, son projet devenait réalité. Début 2018, il a été envoyé à Sanhe par la préfecture de Nujiang pour assister le village dans la réduction de la pauvreté. « Dès que je suis arrivé, j’ai parlé à Yuan Kaiyou, un homme plein de ressources, de mon idée d’exploiter l’observatio­n des oiseaux. Il faisait de l’agricultur­e spéciale dans le village. Il a financé l’installati­on de deux sites d’observatio­n des oiseaux. » Quand les ornitholog­ues amateurs ont eu vent de la nouvelle, les réservatio­ns ont afflué.

Les 15 étangs sont maintenant 15 ateliers de réduction de la pauvreté. « Une fois les projets terminés, ils seront tous attribués aux ménages enregistré­s dans le fichier des ménages démunis, qui seront responsabl­es de l’exploitati­on. » L’économie des oiseaux se développe lentement à Sanhe. Les 45 ménages du village enregistré­s dans le fichier sont tous directemen­t ou indirectem­ent impliqués. Fin 2020, le revenu par habitant dans le village est passé de 7 000 yuans il y a trois ans à plus de 8 900 yuans aujourd’hui.

L’économie des oiseaux à Sanhe est désormais parvenue à maturité et selon M. Zhang, l’expérience peut être élargie à l’ensemble de la préfecture. Avec M. Yuan, ils envisagent de l’étendre au Grand Canyon de Nujiang. « Le Grand Canyon possède une vallée avec une multitude d’oiseaux. Nous sommes convaincus que nous pourrons en faire un grand secteur économique et inciter davantage de personnes à augmenter leurs revenus et à prospérer. »

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Un oiseau immortalis­é par un photograph­e amateur, à l’étang d’oiseaux de Li Zhonghua
 ??  ?? Photo de famille de Luo Zhiqiang devant la ferme aux oiseaux qu’il a construite lui-même
Photo de famille de Luo Zhiqiang devant la ferme aux oiseaux qu’il a construite lui-même
 ??  ?? Li Zhonghua donne de la nourriture aux oiseaux de son étang.
Li Zhonghua donne de la nourriture aux oiseaux de son étang.
 ??  ?? La vallée des oiseaux dans le village de Sanhe (préfecture autonome lisu de Nujiang)
La vallée des oiseaux dans le village de Sanhe (préfecture autonome lisu de Nujiang)

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