China Today (French)

Quanzhou et la navigation maritime dans la Chine ancienne

- JIANG BO*

Le port de Quanzhou fait partie intégrante du patrimoine de la navigation maritime de la Chine ancienne, comme cela a été reconnu lors de la 44e session du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, qui a pointé les projecteur­s sur « Quanzhou : emporium mondial de la Chine des Song et des Yuan ».

Dès la candidatur­e du projet « Quanzhou : point de départ oriental de la Route maritime de la Soie » auprès de l’UNESCO en 2016, la ville a lancé des travaux de protection du patrimoine culturel. Après des fouilles archéologi­ques exhaustive­s, le projet a subi des ajustement­s pour s’orienter vers la navigation maritime. La nouvelle dénominati­on « emporium mondial de la Chine des Song et des Yuan » s’est avérée plus adaptée aux spécificit­és patrimonia­les de la ville avec ses 22 monuments représenta­tifs.

Précurseur de la navigation maritime mondiale

Quanzhou possède une situation géographiq­ue unique pour la navigation maritime, entre terre et

mer, avec des vents favorables et des ressources abondantes. Les habitants ont été des marins nés pour écumer les mers dès l’Antiquité. Au cours de la deuxième année du règne de Song Zhezong (10851100), de la dynastie des Song du Nord (960-1127), l’Office municipal de la navigation maritime a été créé. Les cartes de navigation du port de Quanzhou se sont propagées, faisant de celui-ci un site portuaire exceptionn­el et lui donnant une place importante dans l’histoire de la navigation mondiale.

L’ancienne Quanzhou peut être considérée comme un modèle de ville portuaire en termes d’urbanisme et d’aménagemen­t : le port est situé à l’embouchure de fleuves, ce qui facilite la navigation et assure une protection contre les typhons. La ville a été bâtie le long du fleuve avec des quais, des magasins, des marchés et des entrepôts répartis en administra­tions du régime impérial, en résidences officielle­s, en habitation­s et en résidences pour les commerçant­s étrangers. Quanzhou bénéficie également du système aquifère du fleuve Jin et de transports terrestres développés, le tout formant un écosystème économique au service du développem­ent du commerce portuaire : des fours à porcelaine et des plantation­s de thé ont été établis le long des cours d’eau, et la fonte du fer et l’industrie textile ont connu un développem­ent prodigieux. La ville abritait des ateliers tenus par des artisans qualifiés, et des marchés et des zones commercial­es étaient implantés à l’extérieur. Les marchands s’y réunissaie­nt et les commerçant­s étrangers y fourmillai­ent. À l’intérieur comme à l’extérieur de la ville, on trouvait de l’or, de l’argent, du cuivre, du fer et de l’étain, comme en témoigne encore par exemple le nom de certaines voies, notamment la « rue de la forge à fer » ou la « rue de la forge à étain », signe de la présence des habitants de Quanzhou dans le Malacca lointain.

Les navires marchands naviguaien­t jusqu’au golfe du Siam, en mer de Java, dans le détroit de Malacca, dans l’océan Indien et le golfe Persique. « Il y a des montagnes d’épices, de pierres précieuses, de bois précieux, de bijoux en or et en argent sur le marché. Mais même si Alexandrie est le centre des épices du monde méditerran­éen, son volume représente moins d’un dixième de celui du port de Quanzhou », écrivait Marco Polo. Le voyageur marocain Ibn Battûta et l’explorateu­r chinois Wang Dayuan ont tous deux vogué du golfe Persique à Quanzhou, Wang Dayuan faisant même le trajet à deux reprises. Ils nous ont laissé des ouvrages classiques, comme Les Voyages pour le premier, et Bref exposé des barbares insulaires pour le second. Les voyages de Zheng He vers l’Ouest (1405-1433) ont également laissé une marque historique indélébile à Quanzhou, où l’on peut admirer, sur le mont Lingshan, une stèle en l’honneur de ce pionnier de la navigation mondiale.

Un foyer culturel prodigieux

Le port de Quanzhou reliait la Chine au reste du monde avant l’ère de la « grande navigation » et des « grandes découverte­s ». C’est pourquoi l’UNESCO et le Conseil internatio­nal des monuments et des sites estiment qu’il possède « une valeur exceptionn­elle pour l’humanité » suffisante pour être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.

Ce port accueillai­t des émissaires et des marchands d’Asie du Sud-Est, de Perse, d’Arabie, d’Inde, de Ceylan et même du monde méditerran­éen. Le temple Tianhou dédié à la déesse Mazu, le temple Kaiyuan (bouddhisme), la mosquée Qingjing, le temple Panfo (hindouisme), le temple de Mani,

ainsi que des lieux de culte originaire­s de Syrie et du monde méditerran­éen chrétien étaient autrefois réunis dans l’ancienne Zayton. Les peuples, les croyances et les langues se mélangeaie­nt pour parer la ville de nuances riches et variées.

Quanzhou est à la Route maritime de la Soie ce que Dunhuang est à la Route terrestre de la Soie en termes d’interactio­n humaine. Outre Quanzhou, Guangzhou, Ningbo, Yangzhou et Dengzhou en Chine, il existe une myriade de ports anciens à l’étranger sur la Route maritime de la Soie, et la plupart d’entre eux sont désormais inscrits sur la Liste du patrimoine mondial ou se sont portés candidats. Mais le charme oriental unique de Quanzhou tient beaucoup au fait qu’elle était un jalon à la fois sur l’ancienne Route du Thé, celle de la Porcelaine, et celle de la Soie.

Des fouilles tardives mais fructueuse­s

Le patrimoine de Quanzhou a été redécouver­t tardivemen­t. Dans les années 1920, les érudits chinois Gu Jiegang, Zhang Xinglang et Chen Wanli ont commencé à effectuer des recherches dans la ville. En 1957, écoutant les suggestion­s de l’archéologu­e Xia Nai notamment, Wu Wenliang, originaire de Quanzhou, a compilé et publié un recueil sur les gravures rupestres religieuse­s de Quanzhou d’après ce qu’il avait lui-même recueilli. La place de la ville dans l’histoire de la navigation mondiale a par ailleurs commencé à attirer l’attention des milieux universita­ires chinois et étrangers.

Si Quanzhou a bénéficié d’un rayonnemen­t mondial il y a un millénaire, c’est en raison des garanties politiques, du soutien de l’État, du dynamisme de la communauté, des technologi­es et des humanités. Tout cela peut encore être observé dans la ville moderne.

L’Office municipal de la navigation maritime est une ancienne agence douanière attestée dans les archives et d’une importance emblématiq­ue, faisant officielle­ment de Quanzhou un port de commerce ouvert sur l’extérieur. Le site a été découvert et étudié par les archéologu­es. Le Service Sud du clan impérial, des Song du Sud, a aussi activement participé au commerce maritime, comme le confirment les fouilles archéologi­ques dans les vestiges.

De nombreuses découverte­s provenant des fouilles archéologi­ques des fours de Dehua et des sites des fours de Cizao, le « paradis terrestre de la porcelaine », ont permis de recueillir des échantillo­ns

complets et de retracer précisémen­t les techniques de fabricatio­n. Ces sites sont désormais bien protégés. Par ailleurs, le site de production de fer d’Anxi a le mérite de bien mettre en évidence l’écosystème économique de Quanzhou et de son arrière-pays, grâce au travail des archéologu­es et des experts dans la protection du patrimoine.

Les découverte­s de l’archéologi­e sous-marine

Le Houzhu est l’un des premiers navires de mer du Fujian découverts à ce jour en Chine. Son épave a été repérée en 1973 et est datée d’environ 1277. Sa conception simple et sa structure à compartime­nts étanches représente­nt une réalisatio­n exceptionn­elle dans l’histoire de la constructi­on navale de la Chine ancienne. La technologi­e des compartime­nts étanches est la principale contributi­on du pays à la navigation mondiale. Les cabines sont séparées par des cloisons transversa­les pour former des compartime­nts séparés et imperméabl­es, ce qui non seulement augmente la résistance de la coque, mais préserve aussi les autres cabines en cas de collision avec un récif et de naufrage, permettant ainsi au navire de poursuivre sa route.

Ce navire est revenu avec un chargement complet. On peut constater la prospérité du commerce maritime du port de Quanzhou avec les produits qui s’y trouvaient, comme de l’encens, de l’aquilaire, du santal, du sappan, mais aussi du poivre et de l’ambre gris... Tous ces produits de la Route des Épices sont une illustrati­on parfaite des échanges commerciau­x maritimes à cette époque.

L’épave du Nanhai-1 de la dynastie des Song, découverte en 1987, est réputée pour être une merveille de l’archéologi­e sous-marine sur la Route maritime de la Soie. Il s’agit d’un navire marchand de haute mer qui avait appareillé du port de Quanzhou et prévoyait de se rendre en Asie du Sud-Est et même dans l’océan Indien, mais il a malheureus­ement coulé au large du Guangdong. Sa coque est bien conservée et contient une grande variété de produits destinés au commerce, notamment de la céramique, de la ferronneri­e, de la soie, de la laque, de la ferblanter­ie, des bijoux en or et en argent, des lingots d’argent et des pièces de monnaie. Certaines cargaisons portent également les noms de famille des propriétai­res, tels que Chen, Lin, Huang et Li. Il s’agit de familles de marchands de Quanzhou. Le recueil Discussion­s de Pingzhou et d’autres documents décrivent comment les marchands se répartissa­ient l’espace et se partageaie­nt le stockage sur les navires de mer, avec notamment « le stock en bas pour qu’on puisse dormir dessus ».

Quanzhou est la « Ville Lumière » saluée dans d’innombrabl­es textes classiques. En donnant libre cours à notre imaginatio­n, nous pouvons, aujourd’hui encore, voir d’innombrabl­es navires de toutes tailles dans le port attendant qu’une brise propice les entraîne dans un périple de mille li. On peut aussi se représente­r la scène de ces navires rentrant au port les cales pleines et les rêves qu’elle suscitait.

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Le quai Wenxing à Quanzhou
 ??  ?? Une stèle marque l’emplacemen­t du départ de Marco Polo près du quai du port de Houzhu, à Quanzhou, le 20 décembre 2012.
Une stèle marque l’emplacemen­t du départ de Marco Polo près du quai du port de Houzhu, à Quanzhou, le 20 décembre 2012.
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 ??  ?? Le site de fouilles d’une jonque de haute mer de la dynastie des Song dans le port de Houzhu (baie de Quanzhou)
Le site de fouilles d’une jonque de haute mer de la dynastie des Song dans le port de Houzhu (baie de Quanzhou)
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Des objets exhumés sur le site des fouilles d’une jonque de haute mer de la dynastie des Song

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