TEMPÊTE D’ÉMOTIONS
Un diagnostic d’infertilité entraîne une foule de réactions et d’émotions: tristesse, incompréhension, sentiments d’injustice et de perte de contrôle, anxiété, culpabilité, honte, perte d’estime de soi, etc. Virginie Kieffer, par exemple, a été envahie par la colère quand elle a appris qu’une endométriose sévère l’empêchait de concevoir. «J’étais fâchée contre les médecins qui n’ont jamais pris mes maux de ventre au sérieux avant que j’essaie de tomber enceinte. Si l’endométriose avait été détectée plus tôt, elle aurait peut-être été traitée avant de me rendre infertile.»
Elle s’est aussi sentie atteinte dans sa féminité. «Le corps féminin est conçu pour enfanter, mais moi, j’en étais incapable de façon naturelle.» Les hommes qui reçoivent un diagnostic d’infertilité peuvent ressentir un sentiment semblable. Cependant, ils s’en remettent habituellement plus vite, selon Susan Bermingham, psychologue spécialisée en infertilité et auteure de Vivre avec l’infertilité. «Au début, ils peuvent se sentir moins hommes, mais ils regardent rapidement vers l’avant.» Jean peut en témoigner, lui qui s’est tourné vers les solutions plutôt que de s’appesantir sur la blessure à son amour-propre. «La masculinité n’a rien à voir avec le fait d’être fertile», assure l’homme de 52 ans, papa adoptif d’une fillette de 3 ans.
Les hommes vivraient aussi l’infertilité moins durement que les femmes qui, elles, présentent plus de symptômes de détresse et d’anxiété, selon diverses études. «Cela s’explique en partie par le fait que la maternité est davantage liée à l’identité féminine que la paternité à l’identité masculine», estime Katherine Péloquin, une psychologue et chercheuse de l’Université de Montréal qui réalise une étude sur le bien-être conjugal des couples suivis en fertilité. Une autre explication, selon elle, concerne la médication hormonale prescrite aux femmes en traitements de fertilité, qui exacerbe les émotions et affecte les états d’âme.
Chose certaine, les hommes et les femmes réagissent différemment. Le vécu des hommes est plus intérieur. Ils ressentent moins le besoin d’en parler, ils gardent leur souffrance pour eux, ils s’investissent dans le travail, les loisirs. Pour les femmes, c’est le contraire. «Le pattern habituel, c’est madame qui veut toujours en parler et monsieur qui ne veut pas, lance Susan Bermingham. Pourtant, les deux souffrent.» Juste le fait de comprendre cette différence peut faciliter la communication, selon elle.
Pendant le parcours de l’infertilité, le couple est durement mis à l’épreuve. Des tensions et des conflits peuvent survenir. Les traitements, marqués par des vagues successives d’espoir et de désespoir, sont éprouvants pour les conjoints, qui doivent composer avec leurs propres émotions en dents de scie et celles de l’autre. Celui qui porte le facteur d’infertilité se sent parfois coupable. «Je considère ce qui nous arrive