Coup de Pouce

MOT DE GENEVIÈVE

En déboulant vers Noël

- P.-S.: Si j’avais lu le calendrier beauté de la page 35 plus tôt, j’aurais certaineme­nt écouté nos conseils et ralenti un peu le rythme!

Tout a commencé fin septembre, au sommet d’une pente d’herbe encore verte. «Si on se couchait par terre et on se laissait rouler jusqu’en bas, comme quand on était petits?»

Au début, la descente était douce. Un peu d’herbe mouillée par-ci, un petit vent d’automne par-là, l’odeur de sauce aux pommes et le cri des outardes. Puis, une feuille morte s’est accrochée à mon pull, et une autre et finalement, plein de feuilles mortes sont collées à mes cheveux, mes bras, mes jambes...

Oups! je vais de plus en plus vite! Je vois défiler un anniversai­re, puis un autre, et celui de mon fils qui a 20 ans. Le temps de le voir partir heureux dans la vie et de me dire: «C’est déjà fini?», et la course folle reprend de plus belle, dans une pente maintenant drôlement à pic. Au loin, ma petite fille devenue grande m’envoie la main; mais de l’autre, elle texte comme si sa vie en dépendait! À gauche, je vois mon conjoint se débattre avec un contrat difficile, il parle d’optimisati­on et de moteurs. «Attention, Geneviève! Une citrouille te fonce dessus par la droite! » Suis- je dans un jeu vidéo du type Les Citrouille­s en colère? Évitée de justesse, la grosse courge!

Et puis, coup de froid: la première neige fait scouich sous le poids de mon corps, qui roule de plus en plus vite. Déjà de la neige? Mais elle ne reste pas. Retour à la terre mouillée et la bouette, accumulati­on de brun sale. Vivement l’arrivée de la vraie neige qui reste, celle qu’on ne pourra plus supporter en avril. La voilà! Mais je vais tellement vite que je me rends à peine compte qu’elle colle à ma peau. Me voici au milieu d’une grosse boule de neige, comme celle qu’on faisait pour la tête du bonhomme à nez de carotte. Je n’entends plus rien, je ne vois plus rien, mais je roule à une allure d’enfer, et franchemen­t, je ne contrôle plus grand-chose. Au loin, j’entends mon amoureux: «Ralentis, profite de l’hiver, fais du ski de fond, respire!» Impossible, la vitesse m’entraîne malgré moi. J’attrape au passage un cadeau que je fais emballer parce que sinon, il sera tout nu sous l’arbre.

Et soudain, là devant moi au pied de la pente, un magnifique chalet de pierre dans un paysage féerique. J’anticipe le choc, mais la grosse boule de neige que je suis s’arrête doucement contre le mur. Je reste là pendant que le mélange de glace et de slush qui m’entoure fond contre la pierre. Puis j’entre dans le chalet comme Alice au pays des merveilles, et je tombe dans le grand sofa mou devant le feu de bois. Les voix sont familières: je suis dans ma tribu, ma famille, mes amis, ceux avec qui je peux être moi, juste moi. Mon fils aîné me tend un chocolat chaud, le cadet me fait un de ses câlins magiques, mon amoureux arrive avec une couverture de mohair, et ma fille me demande: «Ça va, maman? T’es sûre que t’es correcte?» Bon, eh bien, j’ai encore une fois déboulé vers Noël! Je n’étais pas dans un jeu vidéo mais dans la vraie vie et je ne suis pas morte. Ouf! C’est Noël, j’arrête, je débranche et je prends tout le temps qu’il faut pour contempler le bonheur autour de moi.

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 ??  ?? Geneviève Rossier, rédactrice en chef et directrice éditoriale
Geneviève Rossier, rédactrice en chef et directrice éditoriale

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