Coup de Pouce

«JE ME DIRIGE VERS CE QUE JE SUIS. CETTE PERSONNE-LÀ, JE LA VEUX TRIPANTE.»

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Et puis, elle ne joue pas à l’autruche: vivre en Suisse, ça n’a rien de banal. «Ç’a été comme une bulle de rêve. Mes parents et mes deux soeurs aînées, adolescent­es, se sont ouverts à l’Europe. Pour moi et mon petit frère, c’était peut-être moins marquant, mais (en le disant, elle change d’avis) non! Sur 25 jeunes, il y avait 23 nationalit­és différente­s. Un enfant ne peut pas rester insensible à ça. Très tôt, l’ouverture à l’autre, ça voulait dire quelque chose pour moi. J’ai appris qu’au fond, on était tous pareils. Ou plutôt qu’on ne l’était pas, justement, mais qu’il ne fallait pas avoir peur de nos différence­s.»

C’est là aussi, chez les Helvètes, que Tristan, son professeur de quatrième année, lui a donné le goût de lire. «Tous les matins, il nous lisait un passage des Misérables. Il m’a récité de la poésie. Il m’a fait écrire de la poésie. Il m’a fait monter sur scène. Je viens d’une famille où c’est loud. Tout le monde parle fort, sauf mon père, et c’est le festival de la grosse personnali­té. Monter sur scène m’a permis d’avoir l’attention. Quand j’ai découvert ce pouvoir-là, ça a été une révélation. J’avais l’impression non seulement d’être entendue, mais d’être écoutée.»

Après la Suisse, c’est le choc! Dans la blanche banlieue de Cleveland, homogène et conformist­e, tout le monde porte les mêmes vêtements et encourage la même équipe sportive. Le patriotism­e, preuve de force et d’union pour les Américains, s’impose en même temps que l’entrée au secondaire. «J’ai vite compris que, si tu remets en question quoi que ce soit dans un tel milieu, tu es un traître. À 12 ans, je vivais ma première leçon d’intégratio­n.»

Elle y passe quatre ans avant de rentrer au Québec. «C’est ici que j’ai eu un véritable choc, en fait! Les ados québécois avaient une telle autonomie! J’ai trouvé ici une immense liberté, au grand désarroi de ma mère. J’ai commencé à mentir, à faire les 400 coups, à dire ce que je pensais, parfois juste pour le plaisir de provoquer, à porter des pantalons d’armée et à sortir avec un punk. Wô! Fin de la petite fille rangée, de la cute petite tomboy. Dieu merci, mes piercings dans le nez ont guéri. Mais pas mon côté rebelle. Il est là, bien nourri, bien vivant.»

EN ROUTE VERS SOI

Elle parle de rébellion, mais elle n’a pourtant rien de la femme en pleine crise tardive d’affirmatio­n. Elle remarque simplement que sans enfant, alors qu’elle

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