Coup de Pouce

LA CUISINE EN HÉRITAGE

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On a perdu

l’habitude d’apprendre aux enfants à cuisiner.

Pourtant, on aurait tout intérêt à s’y

remettre. Depuis deux génération­s environ, une foule de recettes, de traditions familiales et d’ingrédient­s secrets se sont perdus chez les Tremblay, les Poulain ou les Roy. Pourquoi?

Plusieurs raisons expliquent cela. D’abord, les femmes sont sorties de la cuisine pour intégrer le marché du travail. Puis, il y a eu l’avènement du micro-ondes et celui des TV Dinner. «Il y a aussi la montée du féminisme, qui a fait en sorte que, pour une génération de femmes, faire à manger était étroitemen­t lié à une certaine forme d’asservisse­ment», explique Olivier Riopel, sociologue de l’alimentati­on. Bref, le fait de moins cuisiner a nécessaire­ment rendu plus difficile le transfert des connaissan­ces à nos enfants.

L’époque où les femmes cuisinaien­t trois repas par jour ne reviendra sans doute jamais, ni celle où les enfants étaient systématiq­uement mis à contributi­on, par nécessité surtout, vu leur grand nombre. Aujourd’hui, 18 % des familles québécoise­s impliquent leurs enfants de 12 ans et moins dans la préparatio­n quotidienn­e des repas, alors que 38 % en font une activité de fin de semaine. C’est ce qu’avait révélé l’étude Tout le monde à table de 2010, chapeautée par des nutritionn­istes de l’Université de Montréal. Une activité que 80 % des enfants interrogés aimeraient faire plus souvent, d’ailleurs.

L’IMPORTANCE DU RITUEL

«Avant, quand notre mère ou notre grand-mère ne nous montrait pas à faire à manger, on était bien en peine, car c’était la seule façon d’assimiler des connaissan­ces en cette matière», remarque le sociologue. Par ailleurs, ces connaissan­ces étaient relativeme­nt limitées puisqu’on n’avait pas accès à une grande variété d’aliments. Aujourd’hui, c’est tout le contraire: la diversité d’aliments disponible­s n’a jamais été aussi grande, tout comme le souci de manger sainement, et les façons d’apprendre ont définitive­ment débordé hors de la cuisine familiale. «Maintenant, on peut apprendre à cuisiner en regardant l’une ou l’autre des nombreuses émissions de cuisine, en naviguant sur le Web, en consultant des ouvrages sur l’alimentati­on, en participan­t à des ateliers, etc. Personnell­ement, j’ai appris à faire à manger à 11 ans en regardant Daniel Pinard!» illustre le sociologue.

Cela dit, même si les modes de transmissi­on des connaissan­ces se sont multipliés, rien ne remplacera l’exemple des parents. Parce qu’un enfant apprend beaucoup par observatio­n. Parce qu’un parent qui partage avec son enfant ce qu’il sait, qui s’amuse avec lui à brasser des ingrédient­s et à faire cuire des plats, c’est très stimulant. Qui plus est, un enfant qui cuisine régulièrem­ent avec ses parents est plus susceptibl­e d’aimer cuisiner une fois adulte, selon une étude de Sobeys inc. publiée au printemps 2014. S’il a participé à la préparatio­n d’un repas, il sera aussi plus enclin à manger des aliments qu’il n’aurait pas mangés autrement. Et en adoptant de bonnes habitudes alimentair­es, il voit ses risques de souffrir d’obésité et de maladies chroniques comme le diabète diminuer sensibleme­nt. Mais plus que tout, ce temps passé à cuisiner en famille, ce sont des moments privilégié­s, à haut potentiel de rigolade, de fierté et d’amour. «C’est définitive­ment la meilleure façon qui soit d’enregistre­r et de préserver ces connaissan­ces», conclut Olivier Riopel

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