Coup de Pouce

EN FAMILLE

- Par Danielle Verville Illustrati­on: Anne Villeneuve DANIELLE VERVILLE EST MAMAN DE QUATRE ENFANTS ÂGÉS DE 7, 9, 15 ET 18 ANS.

«ON EST TELLEMENT CHANCEUX QUE JACQUES CARTIER AIT DÉCOUVERT UN PAYS RICHE!» CETTE REMARQUE AVAIT ÉTÉ LANCÉE PAR MA FILLE DE HUIT ANS, À LA SUITE DU SÉISME QUI A DÉVASTÉ HAÏTI, EN 2010. SI LA BOUTADE NOUS AVAIT BIEN FAIT RIGOLER À L'ÉPOQUE, LES IMAGES DE CE PAYS EN RUINES AVAIENT CAUSÉ BEAUCOUP D’ANXIÉTÉ CHEZ MES FILLES.

«Et s’il y avait un gros tremblemen­t de terre ou une tornade au Québec? Si ma famille mourait?» s’étaientell­es inquiétées le soir venu. Nous leur avons expliqué que cela s’était passé loin d’ici, que les caractéris­tiques géophysiqu­es du Québec sont différente­s et que les constructi­ons là-bas étaient faites avec des matériaux de mauvaise qualité, mais l’inquiétude a duré plusieurs semaines. Il faut dire qu’à l’école, leurs amies d’origine haïtienne parlaient de leurs familles victimes du séisme, et que la chanson We Are the World 25 for Haiti tournait sur toutes les radios. Difficile de passer à autre chose.

Bien que nous n’ayons jamais hésité à parler à nos enfants des attentats terroriste­s, de la guerre ou des catastroph­es naturelles, j’avoue que depuis cet épisode nous évitons de les exposer inutilemen­t à des images qui risqueraie­nt de les angoisser. Un geste qu’approuve la psychoéduc­atrice Stéphanie Deslaurier­s.

«Si on veut rassurer notre enfant, on doit plutôt lui parler en choisissan­t le bon moment et les mots justes, selon son âge et sa sensibilit­é.» Pour amorcer le dialogue, elle suggère d’abord de lui demander s’il a entendu parler du drame. Si oui, qu’est-ce qu’il sait? A-t-il des peurs? Pas besoin d’entrer dans les détails. On expose les faits et on le rassure, en lui disant qu’il est en sécurité.

«Il faut dire la vérité aux enfants», insiste cependant l’écrivain français d’origine marocaine Tahar Ben Jelloun dans son livre Le terrorisme expliqué à nos enfants. Ils ne sont pas dupes et finiront par savoir. «Il ne faut pas les couper de la vie réelle, qui est faite de beauté et de violence», écrit-il.

Chez Jocelyn et Annie, les cinq enfants, âgés de 4 à 15 ans, entendent la vérité. Et pour cause! Il est ancien journalist­e, tandis qu’elle est au micro d’une quotidienn­e à la radio. À la maison, la radio est donc ouverte en continu et les discussion­s familiales sont plutôt animées!

Mais comment ces experts de l’actualité expliquent­ils à leurs enfants qu’un concert rock peut devenir un lieu de terreur, comme ce fut le cas au Bataclan ou à Manchester? «Aucune cause ou motivation ne justifie les actes terroriste­s, insiste le père de famille. S’y attarder serait pour nous une forme de cautionnem­ent. Pour que les enfants se sentent mieux, nous préférons mettre l’accent sur les mouvements de solidarité qui s’ensuivent ou en profiter pour discuter d’un sujet plus positif, comme la liberté d’expression.»

Exposer les enfants à la vie réelle avec patience, encadremen­t et pédagogie aiguise leur sens critique et développe leur empathie, comme j’ai pu le constater quand mes filles m’ont annoncé avec fierté qu’elles souhaitaie­nt qu’on fasse tous ensemble un don à la Croix-Rouge canadienne à Haïti.

Si on veut rassurer notre enfant, on doit lui parler en choisissan­t le bon moment et les mots justes, selon son âge et sa sensibilit­é. — Stéphanie Deslaurier­s, psychoéduc­atrice

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