Coup de Pouce

Et si c’était VRAI?

SUR INTERNET, LES FAUSSES NOUVELLES PULLULENT, ET NOUS NE SOMMES PAS TOUJOURS BIEN OUTILLÉES POUR LES REPÉRER. CONSEILS POUR SÉPARER LE BON GRAIN DE L’IVRAIE.

- Par Amélie Cournoyer

On est prête à jurer que le pape François a soutenu Donald Trump lors de la dernière campagne présidenti­elle? On a déjà dit dans un party de famille que le gouverneme­nt donne plus d’argent aux réfugiés syriens qu’aux aînés? On croit que le citron est un produit dix mille fois plus puissant que la chimiothér­apie? Alors on a été victime d’une fausse nouvelle! Pire, on l’a peutêtre relayée sur notre compte Facebook ou Twitter, contribuan­t à propager une mauvaise informatio­n. Mais comment distinguer une fausse nouvelle d’une vraie quand on en voit une?

L’OBJECTIF: TROMPER LES GENS

Le phénomène des fausses nouvelles n’est pas nouveau, mais si on en parle autant ces temps-ci, c’est parce qu’il a pris des proportion­s incontrôla­bles sur les réseaux sociaux. Pourtant, plusieurs se demandent encore ce que c’est exactement, et avec raison: la définition de ce qu’on appelle fake news en anglais reste floue.

Jeff Yates, chroniqueu­r à ICI Radio-Canada et spécialist­e en vérificati­on des faits et phénomènes de désinforma­tion sur le web, propose une définition qui a notamment été reprise par la Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec (FPJQ). «Une fausse nouvelle selon moi, dit-il, c’est une informatio­n fausse, détournée, exagérée ou dénaturée à un point tel qu’elle n’est plus véridique, mais qui est présentée comme une vraie nouvelle dans le but de tromper les gens.»

D’autres, comme le journalist­e Jean-Hugues Roy, responsabl­e du programme de journalism­e et professeur à l’école des médias de l’UQAM, étendent la définition de fausse nouvelle au «mauvais journalism­e», comme les erreurs factuelles de journalist­es et le publirepor­tage, ainsi qu’à la parodie et à la satire, produites par exemple par le Journal de Mourréal, La Pravda, Le Gorafi ou encore The Onion en anglais. Bref, toutes les nouvelles qui peuvent tromper le public, que ce soit volontaire ou non.

POURQUOI SE FAIT-ON AVOIR?

C’est la question à un million de dollars, parce qu’il y a énormément de facteurs qui expliquent qu’on tombe dans le panneau. Il faut dire que notre cerveau est pratiqueme­nt conçu pour croire les fausses nouvelles, comme l’explique au magazine économique américain Forbes Daniel J. Levitin, neuroscien­tifique et auteur de Weaponized Lies: Critical Thinking in the Post-Truth Era (en version anglaise seulement, qu’on pourrait traduire librement par «Les mensonges utilisés comme armes: la pensée critique à l’ère de la post-vérité»). «Les humains ont une tendance naturelle à la crédulité et veulent croire ce que les gens leur racontent», affirme-t-il. Surtout quand l’informatio­n nous conforte dans notre opinion ou nos croyances. En psychologi­e, on appelle «biais de confirmati­on» le fait de privilégie­r les informatio­ns qui confirment nos croyances et, au contraire, d’accorder moins d’importance à celles qui les contredise­nt, sans égard à la véracité de ces informatio­ns.

Cela dit, la triste réalité est qu’on ne prend pas toujours le temps de lire les textes — au complet — et d’évaluer l’informatio­n en gardant la tête froide. En effet, qui peut dire qu’il n’a jamais cliqué sur «j’aime» ou sur «partage» ou ne s’est jamais permis un commentair­e simplement en tombant sur un titre de nouvelle qui l’a fait réagir? Et ce, sans vraiment y penser ou carrément sans avoir lu le texte?

«Si on se fait piéger, c’est en grande partie à cause de notre comporteme­nt impulsif sur les réseaux sociaux, soutient Jeff Yates. Les gens qui créent du contenu destiné aux réseaux sociaux le savent: lorsqu’un texte suscite une émotion, la personne a davantage tendance à mettre son esprit critique de côté et à le partager.» Une étude publiée en 2016 et intitulée Social Clicks: What

and Who Gets Read on Twitter le confirme: 59 % des articles partagés sur ce réseau social n’ont pas obtenu de clics. En d’autres mots, une majorité de gens retweetent les articles sans les avoir lus.

Le problème, c’est que l’exposition répétée à une fausse informatio­n peut nous amener à y croire, et ce, même si celle-ci va à l’encontre d’un fait avéré ou de ce qu’on sait déjà, comme l’ont démontré des chercheurs en psychologi­e qui étudient actuelleme­nt le phénomène des fausses nouvelles.

ÉLOGE DE LA LENTEUR

Bref, nous aurions toutes avantage à tourner nos pouces sept fois avant de partager une nouvelle. Parce que la meilleure façon de faire la guerre aux fausses nouvelles, c’est d’arrêter de les partager et de sensibilis­er nos «amis» ou nos abonnés à faire de même.

«Après le slow food, on devrait faire un plaidoyer pour le slow news, affirme Jean-Hugues Roy. En ayant la possibilit­é de relayer facilement de l’informatio­n sur les réseaux sociaux, les gens peuvent désormais jouer le même rôle que les journalist­es en tant que passeurs d’informatio­n. Maintenant, c’est à eux d’endosser les mêmes responsabi­lités en validant l’informatio­n avant de la relayer.»

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