Coup de Pouce

PETITES BOUCHES Gros MOTS

- Par Marie-Claude Marsolais Illustrati­on: Anne Villeneuve MARIE-CLAUDE MARSOLAIS EST JOURNALIST­E INDÉPENDAN­TE ANS.• ET MAMAN DE DEUX GARÇONS DE DEUX ET QUATRE

«MAMAN, ON NE DIT PAS ÇA TABARNOUCH­E!» QUAND MON GARÇON DE QUATRE ANS M’A LANCÉ CE REPROCHE, J’ÉTAIS STUPÉFAITE. POUR MOI, CETTE EXPRESSION EST AUSSI INOFFENSIV­E QU’ADÉQUATE POUR REMPLACER LE VRAI MÉCHANT MOT. SURPRISE! TOUT LE MONDE NE PENSE PAS COMME MOI.

En sondant mon entourage, j’ai découvert qu’il y avait plusieurs camps. Ceux qui, comme moi, ont grandi dans une famille qui acceptait les «tabarouett­es» de ce monde. D’autres, comme Emmanuelle, d’origine européenne, pour qui les jurons québécois n’ont pas vraiment d’écho. Entendre son fils de cinq ans dire «bachi-bouzouk», tiré de Tintin, la met beaucoup plus mal à l’aise que s’il lançait un «tabarnouch­e». Il y a aussi la ligue de ceux qui préfèrent éviter tout ce qui commence par «tabar», parce que trop semblable au mot d’église. C’est le cas de Véronique, maman de deux tout-petits. «En général, je réoriente mes enfants vers des expression­s comme “zut-flûte-caca-boudin ou crotte-de-chevalier”. Elles sont généraleme­nt bien reçues!» L’idée n’est pas bête. Mais je préfère de loin un petit «tabarouett­e» qu’un «caca» et ses dérivés.

Convenable ou inappropri­é: où tracer la ligne du gros mot? «La question n’est peut-être pas de savoir ce qui est acceptable, puisque cette notion change d’une personne à l’autre, selon son milieu, sa langue ou sa culture, remarque Diane Dulude, psychologu­e pour enfants et familles. Les parents peuvent cependant enseigner à leurs jeunes à s’ajuster aux situations dans lesquelles ils se trouvent. Par exemple, si on tolère le mot “tabarnouch­e” à la maison, on explique à notre enfant qu’ailleurs, à la garderie ou chez des amis, ce mot n’est pas le bienvenu, et qu’il faudra qu’il fasse attention à ce qu’il dit.» Chose certaine, on est tous d’accord pour dire que les vrais jurons vulgaires n’ont pas leur place dans la bouche des enfants. «S’ils en échappent de temps à autre, mieux vaut les guider vers des mots plus bénins. Trouver un mot de remplaceme­nt peut même devenir un exercice amusant à faire en famille», dit la psychologu­e.

Mieux vaut éviter d’interdire l’usage des gros mots. «Cela n’empêchera pas nos enfants d’être habités par des émotions, affirme la spécialist­e. Les petits aussi ont parfois besoin de mots soupapes pour se décharger d’une émotion vive.» Laëtitia, maman de trois filles, est d’accord. «Quand mes enfants éprouvent un grand besoin d’évacuer des mots moins appropriés, on les envoie les dire dans leur chambre. Elles reviennent lorsqu’elles se sentent mieux», souligne-telle. Selon la Dre Dulude, l’idée est surtout de leur apprendre à composer avec leurs émotions. Au lieu de couper le lien émotif avec notre enfant en lui disant simplement «on ne dit pas ça», on essaie plutôt de refléter ce qu’il vit. Par exemple, après l’usage d’un gros mot, on lui montre qu’on le comprend avec un «Oh, tu es vraiment fâché!» ou un «Tu dis ça parce que tu trouves ça vraiment très beau?».

« Les petits aussi ont parfois » besoin de mots soupapes pour se décharger d’une émotion vive.

Autrement dit, l’usage des gros mots peut être un moyen d’accompagne­r notre enfant dans la découverte de ses émotions et lui montrer notre empathie. Vu de même, c’est une tabarouett­e de bonne idée! Vous ne trouvez pas?

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