INSPIRATION
QUI A DIT QUE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE ÉTAIT PLATE? DANS LE MONDE DE SONIA LUPIEN, LES LABORATOIRES TOUT BLANCS ONT FAIT PLACE AUX ÉTUDES SUR LE TERRAIN, BIEN COLLÉES À LA RÉALITÉ DES GENS.
Dompteuse de mammouths
Rencontrer une femme qui se passionne depuis plus de deux décennies pour un sujet aussi rébarbatif que le stress, ce n’est pas banal. On s’attend d’ailleurs à ce qu’elle incarne elle-même ce mal du XXe siècle, qu’elle ait les cheveux en bataille, les yeux cernés et l’air abattu. Eh non, la neuroscientifique est plutôt une boule d’énergie positive, une enthousiaste intarissable sur l’objet de ses recherches.
C’est au cégep que tout a commencé. «Un professeur de psychologie a pris le temps de jaser avec moi pour savoir ce qui m’intéressait. Il m’a ensuite remis un article sur Roger Sperry, ce chercheur en neurosciences qui a reçu un prix Nobel, en 1981, pour ses travaux sur le cerveau gauche et droit. Une petite flamme venait de s’allumer», explique-t-elle.
«Le mammouth symbolise notre façon de réagir au stress, un peu comme si l’on devait, encore aujourd’hui, combattre cet animal.»
Elle enfile ensuite les études universitaires jusqu’au postdoc, à San Diego et à New York, puis revient à Montréal en qualité de professeur et publie de nombreux articles scientifiques. Malgré tout, elle sent qu’elle a soif d’autre chose. Mais de quoi? «C’est en promenant mon chien que j’ai compris ce qui me manquait. J’avais envie de connaître concrètement les difficultés causées par le stress et je voulais aussi que mes recherches soient accessibles au public, je voulais pouvoir répondre à ses questions», raconte-t-elle.
C’est ainsi qu’elle devient, selon son appellation, une «traductrice scientifique». Elle écrit un livre, Par amour du stress, entame une série de conférences et élabore même un programme éducatif (Dé-stresse et progresse) pour aider les ados à réduire leur stress en arrivant au secondaire. Elle crée ensuite une application mobile qui offre du soutien aux jeunes victimes d’intimidation.
Une des images qui la suit depuis le début, c’est celle du mammouth, devenu le logo officiel du Centre d’études sur le stress humain, dont elle est la directrice fondatrice. «Il symbolise notre façon de réagir au stress, un peu comme si l’on devait, encore aujourd’hui, combattre cet animal.»
On ne chasse plus ce pachyderme depuis des lustres, mais Sonia Lupien continue, elle, à traquer les mythes entourant le stress. Un de ceux-là veut qu’on l’évite à tout prix. «Un peu de stress, c’est bon; il ne faut pas l’oublier!» affirme-t-elle, en précisant toutefois qu’il existe, pour chaque personne, un seuil — très variable — à ne pas dépasser. Souhaitons-nous surtout de parvenir à aimer le stress autant qu’elle!