VOYAGER POUR TRANSFORMER SA VIE
DANS UNE QUÊTE CONSTANTE DE MIEUX-ÊTRE, LES VOYAGEURS SOUHAITENT ALLER PLUS LOIN QUE L’EXPÉRIENCE; ILS VEULENT DÉSORMAIS ÊTRE TRANSFORMÉS ET DONNER UN SENS À LEUR PÉRIPLE. BIENVENUE DANS L’UNIVERS DU VOYAGE TRANSFORMATIONNEL.
En 2016, le conjoint de Julie Morin a mis fin à leur relation, qui durait depuis cinq ans. Elle n’avait noté aucun signe avant-coureur. À 40 ans, elle se sentait complètement démolie. «J’étais morte en dedans pour la première fois de ma vie, raconte-t-elle. Je me souviens que les minutes étaient interminables.»
Alors qu’elle ne savait plus quelle direction donner à sa vie, une publicité l’a interpelée. «J’ai vu passer une annonce pour un trek jusqu’au camp de base de l’Everest. J’adore la randonnée, mais je n’avais jamais fait de trek ou de rando de plusieurs jours. J’avais déjà voyagé, mais toujours en Occident, en hôtel ou en condo. Rien, dans cette aventure au Népal, ne pouvait être plus loin de chez moi et de mon quotidien.»
Le départ était prévu sept mois plus tard. «Je me suis inscrite sur le pilote automatique, en me demandant ce que je venais de faire là...» La préparation lui a permis de se concentrer sur autre chose que sa peine. Puis le voyage est arrivé. «J’ai ressuscité
au Népal, et j’ai rencontré neuf autres personnes qui sont devenues des amis très chers. Ce voyage m’a ramenée à moi-même et m’a montré que je peux faire n’importe quoi si je le décide. J’ai retrouvé le goût de croire en mes rêves.»
UNE MEILLEURE VERSION DE SOI
Depuis toujours, les voyageurs qui reviennent d’un séjour particulièrement marquant remettent en question leur mode de vie. Ce qui change vraiment? »»
La façon d'aborder l'après. «Au retour, l’effet du voyage dure généralement de deux à quatre semaines», rappelle Nicolas Chevrier, psychologue du travail.
C’est pourquoi le Transformational Travel Council, qui regroupe autant des gens de l’industrie touristique que des voyageurs des quatre coins de la planète, prône un suivi une fois rentré au bercail. «Un voyage transformationnel, c’est n’importe quelle expérience qui permet à des gens de faire des changements significatifs et durables dans leur vie», résume le site web.
Créée en 2016 lors de l’Adventure Travel World Summit, à Anchorage, en Alaska, l’association s’est donné comme mission «d’utiliser le voyage comme catharsis pour créer une connexion plus profonde avec soi et avec la nature, comme outil pour accueillir une forme plus globale de communication, de compréhension et d’engagement citoyen, ainsi qu’une réelle connexion humaine.»
Selon Nicolas Chevrier, il ne faut toutefois pas espérer de miracles. «Il ne faut pas penser qu’un changement se produira d’un coup, comme une espèce d’eurêka! pendant le voyage, dit-il. Par contre, l’aventure peut amener le début d’une réflexion sur des éléments de notre vie qui fonctionnent moins bien et qu’on voudrait changer.»
De plus en plus d’agences de voyages font la promotion de séjours axés sur la transformation de soi et le bien-être, qu’il s’agisse de yoga, de méditation ou d’expériences humanitaires. «Le danger, avec un voyage de ce genre, est de revenir déçu ou désillusionné, croit Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. Ces périples sont coûteux, alors il faut avoir des attentes réalistes. Il faut savoir ce qu’on recherche au juste. Pour certains, c’est le défi. S’ouvrir à de nouveaux horizons, découvrir de nouvelles choses...»
Les deux psychologues reconnaissent toutefois les bienfaits d’une telle expédition. «En voyage, nous sortons de la routine et de notre zone de confort, nous avons recours à des compétences que nous n’avons pas l’habitude d’utiliser», souligne Nicolas Chevrier. Le voyage permet aussi de relativiser des événements et «d’augmenter sa confiance en soi», croit Mme Grou.
UNE TRANSFORMATION À LA CARTE?
Par contre, la transformation ne vient pas sur commande. «C’est comme une thérapie, illustre Mme Grou. Il ne faut pas penser que le voyage fera le travail tout seul. Il faut se questionner. C’est une façon de prendre du recul.»
«Le danger, ajoute-t-elle, c’est que le voyage peut aussi être une puissante diversion et nous éloigner de la réflexion sur soi. D’où l’importance d’avoir des objectifs réalistes et de s’ouvrir le plus possible à une expérience qui, peut-être, nous transformera si elle dure assez longtemps.»
Julie Morin, elle, a poursuivi la réflexion au retour. Au-delà du voyage, sa perception a évolué. «Avant, je pensais souvent que certaines choses, certains projets étaient trop big, trop difficiles, trop compliqués pour moi. Que je ne serais pas capable... Maintenant, je sais que si j'ai envie de faire quelque chose, je peux le faire. Je n'ai qu'à l'organiser! J’ai plein de projets de voyage de ce genre... et plein de projets tout court!»
Quelques mois après son périple au Népal, elle est repartie sur le sentier du G20, en Corse, avec quatre personnes rencontrées lors du voyage déclencheur. Elle prévoit également faire la traversée de la Gaspésie l’an prochain. «Je songe aussi à un changement de carrière. Ça me fait moins peur maintenant.»
Et si le voyage était simplement l’élan qui nous aide à aller encore plus haut?
«C’est comme une thérapie. Il ne faut pas penser que le voyage fera le travail tout seul. Il faut se questionner. C’est une façon de prendre du recul.» — CHRISTINE GROU, PSYCHOLOGUE