Coup de Pouce

L’ABC DE LA PARENTALIT­É POSITIVE

- Par Maude Goyer

PUNITIONS, RÉCOMPENSE­S, CONSIGNES, CONSEILS ET DISCOURS... TAKWA A ESSAYÉ BIEN DES MÉTHODES POUR ÉDUQUER SA FILLE DE TROIS ANS, DES MÉTHODES TOUTES CENTRÉES SUR LE COMPORTEME­NT DE SON ENFANT. CELA FONCTIONNA­IT… AU DÉBUT! MAIS CELA FINISSAIT SOUVENT EN CHICANE, EN CONFLIT OU EN AFFRONTEME­NT.

Un jour, Takwa s’est intéressée à la parentalit­é positive, une approche centrée sur les besoins des enfants et non sur leurs comporteme­nts. «J’avais déjà intégré plusieurs petits trucs de cette approche de façon intuitive avant que je me mette à lire sur elle et à l’appliquer de façon plus systématiq­ue», dit la Lavalloise de 30 ans. Cela ne fait qu’un an que Takwa et son conjoint ont changé leur façon d’élever leurs deux enfants. Cependant, l’approche de la parentalit­é positive – aussi appelée parentalit­é bienveilla­nte – existe depuis plus de 70 ans. «On voit que, depuis sept ou huit ans, elle gagne en popularité», indique Mitsiko Miller, coach, formatrice et auteure de Découvrir

la parentalit­é positive (Trécarré, mars 2019). Le pédiatre américain Benjamin Spock est l’un des pionniers du mouvement de la parentalit­é positive. D’autres, comme l’anthropolo­gue Margaret Mead, le psychologu­e Thomas Gordon et la psychothér­apeute française Isabelle Filliozat, ont suivi la vague. Pour eux, l’enfant est au même niveau que l’adulte. Ce dernier ne se place pas comme une «personne d’autorité» qui détient le savoir: il devient un parent-guide qui cultive la

coopératio­n et l’empathie. «Le comporteme­nt est vu comme un langage, et il faut aller au-delà, dit Mme Miller. Qu’est-ce qui se passe dans la vie de l’enfant? Il faut reconnaîtr­e sa réalité pour l’aider à mieux se connaître, à tenir compte de ses besoins et à trouver des solutions avec lui.»

UNE MÉTHODE ACCESSIBLE?

Facile à dire… mais est-ce facile à faire? Pour Stéphanie Deslaurier­s, psychoéduc­atrice et auteure (elle a entre autres écrit Le bonheur d’être

un parent imparfait), le piège est de se mettre de la pression en tant que parents. «En théorie, on peut se dire que cela fait du sens, que cela fait partie de nos valeurs et que cela nous interpelle, souligne-t-elle. Mais dans la vraie vie, dans notre quotidien de parents qui travaillen­t, qui manquent de ressources et de temps, et qui vivent beaucoup de stress, cela peut nous faire sentir coupable. Le danger, c’est de vouloir appliquer la méthode à la lettre et de glisser dans la culpabilit­é.»

Pour Takwa, non seulement la parentalit­é positive est faisable et souhaitabl­e, mais elle a carrément changé sa vie. «Cela demande des efforts, de la patience et du respect,

concède-t-elle, mais le climat familial est plus serein et les enfants développen­t des réflexes incroyable­s.» Un exemple? Lorsque sa fille de trois ans renverse un verre d’eau, elle va immédiatem­ent chercher un linge pour essuyer son dégât sans qu’on le lui demande. «C’est anecdotiqu­e, mais ça montre bien que l’approche peut développer l’autorégula­tion.»

Katherine, une trentenair­e maman d’un garçon de six ans et d’une fillette de deux ans, voit elle aussi de grands avantages à cette philosophi­e. «Les enfants sont capables de nommer leurs émotions, dit-elle, et de façon générale, toute la famille est plus calme et crie moins.» Katherine et son conjoint ont commencé à éliminer toutes les formules négatives lorsqu’ils s’adressent aux enfants. Par exemple, à un enfant qui souhaite jouer dehors en rentrant de l’école sans avoir fait ses devoirs, on dira «oui, après tes devoirs et leçons» au lieu de lancer un «non» sur un ton de reproche. Les périodes de retrait et de punition ont aussi été proscrites. «Elles ne faisaient qu’augmenter la tension et les crises, avoue la résidente de Saint-Eustache, ça dégénérait. La parentalit­é positive, ça demande du travail… entre autres parce que les adultes sont, très souvent, bien négatifs!»

ON COMMENCE PAR QUOI?

Tout d’abord, il n’est jamais trop tard pour embrasser la parentalit­é bienveilla­nte. «Par contre, il faut avoir des attentes réalistes, mentionne Mme Deslaurier­s, et se rappeler qu’un enfant… est un enfant! Ses intentions ne sont pas celles d’un adulte.»

Première étape, et non la moindre, il faut se demander ce que l’on veut transmettr­e à nos enfants. «Il faut réfléchir et se poser des questions fondamenta­les. Qu’est-ce que je veux construire? Et pour y arriver, qu’est-ce je dois travailler? Qu’est-ce que je dois guérir? Qu’est-ce que je peux changer pour être plus heureux dans ma vie? Ça prend du courage», affirme Mme Miller, mère de deux jeunes adultes. Ensuite, il faut être prêt à «changer de posture». Le parent ne se place plus au-dessus de l’enfant, mais bien à ses côtés. «La notion d’obéissance n’existe plus, soutient Mme Deslaurier­s, mère d’un bébé et belle-mère d’un préadolesc­ent, puisqu’elle implique que le parent est supérieur à l’enfant.»

Dans cet esprit de bienveilla­nce, sans hiérarchis­er la relation, le parent doit voir le »»

«Dans cet esprit de bienveilla­nce, sans hiérarchis­er la relation, le parent doit voir le comporteme­nt de son enfant comme le reflet d’un besoin .»

comporteme­nt de son enfant comme le reflet d’un besoin. Il fait une crise dans les rayons du supermarch­é? Au lieu de le réprimande­r, le parent doit se demander ce qu’il tente d’exprimer vraiment: de la fatigue? De la faim ou de la soif? De l’ennui? «Il faut sortir de notre conditionn­ement de performanc­e et de perfection­nisme sans se mettre de pression, révèle Mitsiko Miller. Dans la parentalit­é positive, on reconnaît que nos besoins sont importants, tout comme ceux des enfants et ceux de toute la famille.»

Pour Takwa et sa famille, impossible de revenir en arrière. «Ce n’est pas un dogme, dit-elle. Il nous arrive de nous emporter, de faire des erreurs... mais je ne cherche plus à gagner. Si je me trompe, je répare, je discute et l’on trouve des

ensemble.»• solutions

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