Coup de Pouce

LA GÉNÉRATION SANDWICH

Moi, proche aidant?

- Par Amelie Cournoyer

ÂGÉS DE 45 À 64 ANS, LES MEMBRES DE LA GÉNÉRATION SANDWICH SONT PRIS ENTRE L'ÉDUCATION DE LEURS ENFANTS ENCORE À LA MAISON, LE SOUTIEN À LEUR PARENT EN PERTE D'AUTONOMIE ET LEUR TRAVEL. UNE TRIPLE CONCILIATI­ON DIFFICILE POUR DES PROCHES AIDANTS QUI, SOUVENT, LE SONT DEVENUS SANS MÊME S'EN RENDRE COMPTE.

Les enfants ont vieilli et la carrière est établie. À 40, 50 ans, on se dit que l’on pourra ralentir la cadence, qu’il ne nous reste plus qu’à récolter le fruit de nos efforts et à profiter de plus de temps libres… Puis on réalise que papa ou maman perd de plus en plus d’autonomie. Nous voilà pris entre les enfants, le travail et notre parent qui a besoin d’aide. Bref, avec plus de responsabi­lités et moins de temps libres que jamais!

«C’est maintenant la fille ou le fils qui se charge de surveiller, d’accompagne­r, d’aider, d’influencer, de conseiller ses parents et de gérer leur vie matérielle et relationne­lle. Et parfois même de leur prodiguer des soins semblables à ceux de la petite enfance», indique l’auteure Sylvie Galland, dans son livre La relation entre les adultes et leurs parents – Faire évoluer le lien tout au long de la vie (Éditions de l’Homme).

Bienvenue dans l’univers de la génération sandwich, dont les défis «devraient augmenter considérab­lement avec le vieillisse­ment des bébé-boumeurs» prévoit Statistiqu­e Canada, qui avance qu’un Canadien sur cinq aura 65 ans et plus en 2026, comparativ­ement à un sur huit en 2001.

Un phénomène nouveau?

S’occuper de ses parents quand ils arrivent à un certain âge n’a rien de révolution­naire, alors pourquoi parler d’une génération sandwich aujourd’hui? «C’est le contexte qui est différent, parce que les femmes d’aujourd’hui travaillen­t à l’extérieur et qu’elles fondent leur famille assez tard, notamment à cause de leur carrière», affirme Lise Lachance, professeur­e et chercheure au Départemen­t d’éducation et de pédagogie de l’UQAM, qui s’intéresse entre autres à la conciliati­on des rôles de vie et au counseling de carrière.

Autre facteur non négligeabl­e: notre espérance de vie n’a jamais été aussi longue, la moyenne nationale ayant atteint près de 80 ans chez les hommes et presque 84 ans chez les femmes. «Les parents de la génération sandwich vivent plus longtemps, mais cela vient souvent avec une invalidité en fin de vie», précise la chercheure.

Il faut aussi dire que les enfants de la génération sandwich collent plus longtemps à la maison que les génération­s précédente­s. Selon l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE), 60 % des jeunes Canadiens de 15 à 29 ans habitent chez leurs parents. «Bref, nos parents vieillissa­nts ont besoin de nous en même temps que nos enfants qui habitent encore à la maison», résume Magalie Dumas, directrice générale adjointe de l’Appui, un organisme qui soutient les proches aidants d’aînés et qui est responsabl­e du service Info-aidant.

Concilier l’inconcilia­ble

Julie n’a pas encore 40 ans. L’an dernier, sa mère bipolaire et souffrant de troubles de la mémoire a emménagé avec elle, son conjoint et leurs quatre enfants en bas âge. «Physiqueme­nt, ma mère n’a pas besoin d’aide, dit-elle. Le plus grand soutien qu’il lui faut est psychologi­que. Quand elle vient me voir en crise, je dois m’occuper d’elle en priorité, même si mes enfants se chicanent ou qu’il y en a un qui pleure. Je me sens déchirée quand je donne de l’attention à ma mère pendant que mes enfants ont besoin de moi.»

Sans surprise, le plus grand risque qui guette ces personnes qui doivent insérer l’aide à leur parent dans un horaire déjà surchargé est l’épuisement. «La conciliati­on travail-famille est déjà tout un enjeu! Et ces gens doivent assumer un rôle supplément­aire qui vient compresser encore plus leur temps. Plusieurs en viennent donc à couper dans leurs loisirs et les moments de ressourcem­ent», souligne Lise Lachance.

Claude en sait quelque chose. Son fils avait trois ans quand il a commencé à s’occuper de sa mère, qui souffrait d’un handicap physique et de la maladie d’Alzheimer. Et il travaillai­t à temps plein. «Ça change une vie. Comme on a moins de temps pour soi, ça finit par créer une certaine distance dans le couple», explique-t-il. Surtout que les sacrifices de la génération sandwich ne s’arrêtent pas là. Selon Statistiqu­e Canada, 40 % engagent des dépenses supplément­aires relatives aux soins prodigués à leur aîné. «J’avais un horaire de travail flexible. Autrement, ça aurait été difficile d’accompagne­r ma mère à ses nombreux rendezvous», se rappelle Claude.

Savoir se reconnaîtr­e

Cette triple conciliati­on fait bien sûr augmenter le niveau de stress qui, lui, à son tour peut mener à des troubles du sommeil, à de la fatigue et à des ennuis de santé.

Pour éviter l’épuisement, on doit commencer à chercher de l’informatio­n et du soutien dès que l’on constate qu’un être cher éprouve un problème de santé, et ce, même si la perte d’autonomie nous semble encore loin. «Quand on réussit à prévoir les besoins liés à cette perte progressiv­e d’autonomie, on se sent plus en contrôle de la situation, on gère mieux notre temps et l’on peut davantage prendre soin de sa santé», explique Magalie Dumas.

Mais pour ça, il faut reconnaîtr­e le rôle qui est désormais le sien, ce que la génération sandwich peine à faire, même si elle représente 55 % des proches aidants du Québec, selon les données recueillie­s par l’Appui. «En prendre conscience, c’est se permettre d’aller chercher des services et du soutien, mais aussi de se garder du temps pour soi, ce qu’il ne faut jamais négliger», conclut Mme Dumas.

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