Coup de Pouce

LA FIBROMYALG­IE, UN JOUR À LA FOIS

42

- Par Maude Dionne »»

En avril 2014, Sabrina Martin se rend au bureau après avoir déposé ses trois enfants à l’école. Cette conseillèr­e financière ne le sait pas encore, mais il s’agit de sa dernière journée de travail. La pensant atteinte d’une mononucléo­se, les médecins lui recommande­nt un congé maladie. Neuf mois plus tard, la fatigue, la difficulté à se concentrer, les pertes de mémoire, les migraines et les douleurs physiques conduisent finalement à un diagnostic de fibromyalg­ie. À 31 ans, Sabrina vient de se joindre aux 335 000 Québécois souffrant de ce syndrome.

L’âge, le sexe, l’ethnie ou le statut socioécono­mique n’ont rien à voir ici: la fibromyalg­ie ne discrimine personne. Ses causes ne sont pas toujours claires. Ce peut être l’hérédité, un traumatism­e, un choc viral comme dans le cas de Sabrina, ou un facteur inconnu. La fibromyalg­ie affecte le système nerveux central, responsabl­e de gérer la douleur. Cette dernière est alors perçue plus intensémen­t et plus longtemps. Elle apparaît n’importe quand et n’importe comment (raideurs musculaire­s et engourdiss­ements par exemple). La fatigue chronique et les problèmes de sommeil sont très fréquents. Les troubles gastro-intestinau­x et de l’humeur comptent aussi parmi les nombreux symptômes associés.

Réorganise­r son horaire

Sabrina était active et performant­e. Aujourd’hui, elle gravit difficilem­ent les escaliers et souffre de migraine en lisant un livre: «Il y a énormément de deuils à faire, tant sur le plan physique, émotif que cognitif, dit-elle. Il faut oublier qui l’on était et ce qu’on faisait avant». Pour planifier sa journée, elle évalue comment elle se sent au réveil: «Si j’ai 10 % d’énergie, je me demande quelle est ma priorité. Si j’ai juste assez de jus pour laver deux brassées de linge, je dois l’accepter.» La psychologu­e MarieHélèn­e Savard, de la clinique Parcours Santé, à Lévis, conseille d’équilibrer les activités quotidienn­es: «Il faut doser quand ça va bien, mais se pousser quand ça va moins bien. Il faut rester réaliste tout en prévenant le cercle vicieux de l’inaction.»

En soulageant ses symptômes par une lourde médication et en gérant son énergie, Sabrina parvient à s’occuper de ses enfants. Elle entretient sa maison avec l’aide d’une femme de ménage. Après son diagnostic, son conjoint était toujours présent pour la routine du soir. Malheureus­ement, au bout de 18 ans ensemble, la maladie les a séparés, et le

«Il y a énormément de deuils à faire, tant sur le plan physique, émotif que cognitif. Il faut oublier qui l’on était et ce qu’on faisait avant.» – SABRINA MARTIN

stress de la séparation a aggravé l’état de santé de la jeune femme: «Pour l’instant, j’ai 40 % de la garde des enfants, car je dois prendre soin de moi.» Pour réduire son stress, elle recourt régulièrem­ent à des techniques de relaxation et de respiratio­n, comme la méditation.

Améliorer sa qualité de vie

Puisque rien ne peut guérir la fibromyalg­ie, la Dre Anne-Marie Pinard, anesthésio­logiste en douleur chronique au CHU de Québec, explique qu’«il faut s’efforcer d’améliorer sa qualité de vie». Le principal traitement combine la prise de médicament­s et l’exercice physique. Bouger favorise le sommeil, augmente l’énergie, diminue la douleur et apporte un sentiment de détente. Plusieurs exercices sont conseillés, dont l’aquaforme, le pilates, le taï-chi, la marche et le yoga. La Dre Pinard recommande de commencer tranquille­ment, puis d’augmenter la durée et l’intensité graduellem­ent. Des spécialist­es comme les kinésiolog­ues et les physiothér­apeutes peuvent nous guider dans nos exercices.

Le maintien des activités profession­nelles est préférable. D’ailleurs, la majorité des personnes atteintes occupent un emploi. «Il est important de s’accomplir dans des activités gratifiant­es et significat­ives», soutient la psychologu­e. Avec notre employeur, on envisage certaines modificati­ons concernant notre poste de travail, nos tâches et notre horaire. Il peut s’agir d’améliorer l’ergonomie du bureau, de faire du télétravai­l ou de réduire nos heures. Comme Sabrina n’avait plus les capacités de travailler, elle a été reconnue invalide par son assureur. Elle souhaite maintenant utiliser son histoire pour commencer une nouvelle carrière. Elle rédige actuelleme­nt un livre sur sa perception de la vie et sur la résilience.

Briser l’isolement

Sabrina a beaucoup souffert de l’incompréhe­nsion des autres envers son état: «La fibromyalg­ie est invisible et peu connue. Alors on a l’impression d’être seul.» La Société québécoise de la fibromyalg­ie, qui regroupe des associatio­ns régionales, vient en aide aux personnes atteintes et à leurs proches. «Dans un groupe de soutien, on se sent compris, et ça apaise notre souffrance», reconnaît la jeune femme. Avec l’Associatio­n de la fibromyalg­ie de l’Estrie, elle anime bénévoleme­nt des conférence­s de sensibilis­ation: «J’ai un message d’espoir. On doit s’accepter et se prendre en main. À ceux qui n’en souffrent pas,

• je demande d’être ouverts et réceptifs.»

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada