Coup de Pouce

L’ÉCOLE SUR LA ROUTE

L’IDÉE DE PRENDRE LE LARGE EN FAMILLE PENDANT PLUSIEURS MOIS FAIT RÊVER. L’AVENTURE EXIGE TOUTEFOIS UNE GRANDE PRÉPARATIO­N, SURTOUT SI LES ENFANTS SONT EN ÂGE DE FRÉQUENTER L’ÉCOLE, CAR LES PARENTS DOIVENT ALORS JOUER LES PROFS. CONCRÈTEME­NT, ÇA SE PASSE

- Par Marie-Julie Gagnon

Depuis septembre 2018, Laura, 10 ans, et Marcus, 8 ans, ne fréquenten­t plus l’école du quartier. Leur «quartier», désormais, c’est la route. Ils ont emménagé dans une minimaison sur roues, qui peut être déplacée au gré des envies de leurs parents. «Nous vivons sur la terre de fermes qui nous accueillen­t», explique Sandra Sauvageau, leur mère, depuis le vignoble des Cantons-de-l’Est qui leur sert de base pendant l’été. «Nous faisons du troc. Nous échangeons un peu de temps de travail contre le droit de rester pendant une certaine période. Notre objectif est de traverser les Amériques mais, d’abord, on s’est donné une année d’adaptation au Québec et en Ontario.»

Son conjoint possédant une entreprise de développem­ent de logiciels, il peut travailler de n’importe où, «tant qu’il y a une connexion internet», précise Sandra. Le couple met l’accent sur l’enseigneme­nt des matières de base, tout en recherchan­t les activités qui permettent d’intégrer les apprentiss­ages. «Nous nous partageons les matières selon nos forces respective­s. J’enseigne le français, et mon conjoint, les maths.»

Laura et Marcus, qui ont tous deux commencé leur primaire dans une école classique, entament leur troisième et leur cinquième année. «En cours de route, nous adoptons les apprentiss­ages libres, ce qu’on appelle l’«unschoolin­g», c’est-à-dire que

nous laissons l’enfant explorer par lui-même dans une structure moins rigide. Nous utilisons moins de matériel scolaire. Leurs questions nous servent de points de départ, par exemple.» Un suivi régulier est effectué auprès du ministère de l’Éducation.

Le bilan de Sandra, un an après le début de cette nouvelle vie nomade? D’un point de vue académique, elle constate que ses enfants ont mieux intégré les matières enseignées. «Les acquis sont plus “vécus”», dit-elle. La liberté reste toutefois le point le plus positif. «Les enfants apprécient le fait d’avoir moins de contrainte­s d’horaire. De notre côté, terminés, les «vite, on se lève, go, go, go!», le stress des lunchs et des fourniture­s scolaires. Ça se reflète sur leur humeur… et sur la nôtre!»

Un an en Eurasie

Josiane Bergeron-Lord revient, pour sa part, d’un voyage en famille, en Europe et en Asie. Les enfants étaient âgés de 9, 8 et 3 ans au moment du départ, en 2018. Pendant le voyage, le couple a choisi d’enseigner seulement le français, les mathématiq­ues et l’anglais aux aînés, Julien et Raphaël. «Pour le reste, le voyage offrait tant d’occasions d’apprentiss­age, qui allaient bien au-delà du cadre scolaire! Nous avons ouvert les cahiers deux ou trois fois par semaine. Il faut dire qu’un enseigneme­nt privé permet de progresser plus rapidement qu’une classe où les moments de transition sont nombreux.»

Elle reconnaît toutefois que la motivation n’était pas toujours au rendez-vous: «Dans les premiers temps, quand ils trouvaient la charge de travail trop importante, Julien et Raphaël nous ont même dit que les amis étaient chanceux d’être à l’école. On a réajusté le tir en répartissa­nt le travail autrement et en s’accordant des périodes de vacances.»

Certains moments uniques leur ont aussi rappelé leur chance. «Pendant que les jeunes Montréalai­s vivaient la rentrée, nos enfants couraient dans la steppe pour regrouper un troupeau de yaks chez une famille nomade, en Mongolie, raconte Josiane. Ils ont alors compris que l’apprentiss­age irait bien au-delà des bancs d’école. Pour nous, l’essentiel était de continuer à cultiver le goût de la lecture, la curiosité intellectu­elle et la soif d’apprendre.» »»

Et la vie sociale?

L’impossibil­ité d’entretenir des amitiés est l’un des rares points négatifs qu’observe Sandra Sauvageau. «Depuis que les enfants ne fréquenten­t plus l'école, nous avons pu continuer à voir des amis les weekends, étant au Québec ou en Ontario. Ils ont aussi rencontré d'autres enfants sur la route. Malgré tout, la critique que j’entends le plus souvent de leur part reste de devoir constammen­t faire le deuil de leurs amitiés.» En ce sens, le fait de partir en connaissan­t la date de retour facilite un peu les choses. Avec le recul, Josiane Bergeron-Lord croit que la plus grande difficulté aura été d’occuper la cadette de la famille autrement qu’avec un écran pendant que ses frères étudiaient. «Globalemen­t, le fait de devoir faire l’école a été un peu contraigna­nt, mais une fois le rythme trouvé, nous avons pris un certain plaisir à franchir les étapes avec nos garçons. Nous connaisson­s nos enfants mieux que jamais. Nous sommes mieux outillés pour les encadrer et les guider.»

Le retour à l’école

Quatre ans après le retour d’un voyage de deux ans qui les a amenés à sillonner les Caraïbes à bord du voilier Oséo, les membres de la famille Roy-Bigras constatent encore les effets positifs de l’aventure. Âgés de 6 et 8 ans au moment du départ, Léa et Julien ont réintégré l’école sans problème. «Il était clair que ce serait moi qui ferais la classe pendant le voyage, raconte Catherine Roy, leur mère, précisant qu’elle et son conjoint s’étaient réparti les tâches avant le départ. Pour certaines familles voyageuses, l’école représente un défi, mais pour nous, ça s’est bien passé. Au retour, Léa aurait même pu sauter une année. Elle a refusé pour rester avec ses amis.»

«Nos enfants étaient déjà les meilleurs amis du monde avant le départ, poursuit-elle, alors la vie à bord s’est bien déroulée. Cela dit, ils ont quand même été contents de retrouver la vie sociale de l’école.» Catherine s’est, pour sa part, découvert une passion pour l’enseigneme­nt et travaille aujourd’hui comme suppléante à la commission scolaire de sa

• ville. Oui, le retour peut réserver des surprises!

«Au retour, Léa aurait même pu sauter une année. Elle a refusé pour rester avec ses amis.» – CATHERINE ROY

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