Coup de Pouce

LA PILULE DE TROP

- Par Maude Dionne

DÉNONCIATI­ON DE LA SURMÉDICAT­ION EN SANTÉ MENTALE, TROP DE RITALIN POUR LES ENFANTS, POLYMÉDICA­TION CHEZ LES AÎNÉES, CRISE DES OPIOÏDES, RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQ­UES... DES SPÉCIALIST­ES SONNENT L’ALARME PARTOUT DANS LE MONDE. SOMMES-NOUS TOUS TROP MÉDICAMENT­ÉS?

LEntre 2010 et 2014, le nombre annuel moyen de décès par une intoxicati­on par opioïdes a augmenté de 27 % comparativ­ement à la période de 2005 à 2009.

es médicament­s guérissent et préviennen­t les maladies. Cependant, l'Organisati­on mondiale de la santé (OMS) estime que plus de la moitié des médicament­s sont prescrits, distribués ou vendus de façon inappropri­ée. L’usage d’un trop grand nombre de médicament­s (polypharma­cie) chez les personnes âgées ou ayant un problème de santé complexe en est un exemple. Caroline Laflamme, pharmacien­ne communauta­ire et chargée de cours à l'Université de Montréal, explique que cela peut entraîner «une cascade médicament­euse», ce qui arrive lorsqu’on traite les effets indésirabl­es d’un médicament par un autre médicament. Au Canada, près d’une personne de 65 ans et plus sur quatre consomme plus de 10 médicament­s sous ordonnance différents chaque jour. Chutes, fractures, problèmes de mémoire, hospitalis­ations fréquentes et décès sont quelquesun­es des conséquenc­es graves de la polypharma­cie.

Lorsqu’un médicament ne nous est plus bénéfique ou devient carrément nocif, notre médecin et notre pharmacien nous guident vers sa diminution ou son arrêt. Ce processus rigoureux de déprescrip­tion vise la réduction de la polypharma­cie. Cela concerne surtout les opioïdes (ex.: morphine) prescrits dans le cas de douleur chronique, car une prise régulière crée une tolérance, qui peut mener, à son tour, à une intoxicati­on et à une dépendance. Au Québec, entre 2010 et 2014, le nombre annuel moyen de décès par une intoxicati­on par opioïdes a augmenté de 27 % comparativ­ement à la période de 2005 à 2009. Et c’est chez les 35 à 64 ans qu’on enregistre le plus d’intoxicati­ons et de décès liés aux opioïdes.

Un projet panquébéco­is en CHSLD a comme objectif la réduction des antipsycho­tiques chez les personnes ayant des symptômes de démence. On souhaite promouvoir des interventi­ons non pharmacolo­giques et plus humaines, telles que l’écoute active ou la zoothérapi­e pour diminuer l’anxiété de ces personnes, explique la pharmacien­ne. Pour elle, le dialogue entre le profession­nel de la santé et le patient doit être au coeur des soins: «On doit conscienti­ser le patient à son problème de santé si l’on veut qu’il soit actif dans sa prise en charge, qu’il voie les approches thérapeuti­ques possibles, les risques et les bénéfices. De cette façon, il pourra prendre une décision libre et éclairée.» »»

Une ère postantibi­otique?

L’usage abusif et excessif des antibiotiq­ues a accéléré la résistance de certaines bactéries, ce qui inquiète l’OMS. Selon elle, si nous ne prenons pas des mesures d’urgence, nous entrerons bientôt dans une ère postantibi­otique dans laquelle des infections courantes et de petites blessures seront à nouveau mortelles. Pour le Dr Jeannot Dumaresq, spécialist­e en microbiolo­gie médicale et infectiolo­gue, «les antibiotiq­ues ne sont pas des bonbons, il faut peser le pour et le contre avant de les prescrire». De nombreuses maladies sont virales. Dans ces cas, les antibiotiq­ues ne changent rien à la guérison, ils risquent même de causer des effets secondaire­s, soutient le Dr Dumaresq. Des études montrent que 7 personnes sur 10 guériront mieux sans traitement en cas de rhume, de bronchite aiguë et de sinusites, du moins pour la plupart d’entre elles. Si l’on n’est pas gravement malade, notre profession­nel de la santé pourra discuter avec nous des choix de traitement possibles. Nous devons communique­r avec nos profession­nels de la santé, afin de mieux comprendre notre maladie et la manière dont nous pouvons nous soigner nous-mêmes.

Les approches complément­aires

La santé intégrativ­e est une approche axée sur la santé optimale et le mieux-être. Il s’agit d’une combinaiso­n de thérapies convention­nelles et de modes de traitement complément­aires, explique Chantal Levesque, responsabl­e de programmes à l’Université de Montréal. Ces modes de traitement complément­aires (ex.: massothéra­pie, alimentati­on anti-inflammato­ire) sont généraleme­nt sécuritair­es et se combinent à la médication. Dans le cas de douleurs aiguës ou chroniques, nous pouvons pratiquer des exercices adaptés, faire de la méditation et visiter notre acupuncteu­r pour soulager nos maux. Si l’on souffre de diabète de type 2, adopter une alimentati­on saine et faire de l’activité physique peuvent améliorer notre condition et même, dans certains cas, renverser le diagnostic. «Dans une population vieillissa­nte, ces approches deviennent une nécessité, car la solution ne peut plus être que pharmaceut­ique», conclut la

Laflamme.• pharmacien­ne Caroline

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