Coup de Pouce

MON AMIE, L’ANXIÉTÉ SOCIALE

- Par Amélie Cournoyer Illustrati­on: Marie-Eve Tremblay/Colagene.com/c

EN GÉNÉRAL, LES GENS ONT HÂTE AUX SOIRÉES ENTRE AMIS, AUX RÉUNIONS FAMILIALES OU AUX 5 À 7 ENTRE COLLÈGUES. PASSER DU TEMPS AVEC LEURS PROCHES LES COMBLE, LES DISCUSSION­S LES NOURRISSEN­T, LE CONTACT AVEC LES AUTRES LES STIMULE. MOI, C’EST TOUT LE CONTRAIRE: ÇA DRAINE TOUTE MON ÉNERGIE.

Peu importe le type d’événement auquel je suis invitée et les gens qui y participen­t, c’est toujours le même scénario. Plus la date approche, plus j’angoisse. Je me demande si je serai assez en forme pour entretenir la conversati­on, si je réussirai à ne pas dire de bêtises, si je trouverai des sujets de discussion intéressan­ts, si je ne créerai pas trop de froids ou de malaises et si… et si… «C’est un comporteme­nt typique de l’anxiété sociale. Les personnes ont peur de se faire prendre en défaut, de faire une gaffe, d’avoir l’air stupides. Elles anticipent et amplifient ce qui peut mal »»

se passer et cela ruine souvent toute possibilit­é que la rencontre sociale puisse être agréable, plaisante et gratifiant­e», explique Danielle Amado, psychologu­e clinicienn­e spécialisé­e dans le traitement de l’anxiété sociale.

Du plus loin que je me souvienne, depuis mon adolescenc­e en fait, je mène un combat intérieur sans fin contre moimême pour surmonter cette angoisse et continuer à planifier des sorties sociales. Je l’avoue: je me suis souvent désistée le jour même en invoquant des prétextes bidons, parce que je ne me sentais pas assez en forme pour «affronter les autres».

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Du plus loin que je me souvienne, je mène un combat intérieur sans fin contre moi-même pour surmonter » cette angoisse et continuer à planifier des sorties sociales.

Le pire, c’est que la plupart du temps, je réussis à passer un bon moment une fois sur place. Je choisis soigneusem­ent mes interlocut­eurs. Je m’éclipse quand je sens que je m’enfonce dans une discussion déplaisant­e. J’use d’humour pour me dépêtrer des situations inconforta­bles. Je fais tout pour que les autres n’y voient que du feu!

Reste que, au lieu d’être des moments de divertisse­ment, voire de ressourcem­ent, mes sorties, moi, elles m’épuisent. «L’anxiété sociale est épuisante, parce qu’on est en mode surprotect­ion de soi, en mode combat. Pour compenser, la personne peut développer des mécanismes d’évitement clairs, comme décliner les invitation­s, ou des mécanismes de contournem­ent, comme s’éclipser durant la soirée en allant donner un coup de main aux hôtes ou en allant jouer avec les enfants. Pourtant, on ne lui demande pas de divertir tout le monde ou de tenir un discours toujours impeccable ou sensationn­el. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être là et de rester elle-même», rappelle la psychologu­e.

Le pire, c’est que la fin de l’événement ne rime pas avec la fin de mes tourments… Dès que je pose le pied dehors, je me mets à suranalyse­r ma soirée. Je repense à ce que j’ai dit et pas dit, à ce que j’aurais dû dire et ne pas dire. Je me tape sur la tête pour la blague qui a été mal reçue, pour les nouvelles que j’ai oublié de demander ou pour ne pas avoir assez souri. «Après une sortie, les gens qui font de l’anxiété sociale ont tendance à focaliser sur ce qui s’est mal passé et cela vient confirmer leur crainte de participer à d’autres rencontres sociales, commente la psychologu­e Danielle Amado. Pour éviter cela, il faut garder en tête l’objectif initial de la sortie, qui est de passer du temps avec les gens qu’on aime. Cela aide ensuite à se concentrer sur les choses qui ont été agréables, puis de s’attribuer les mérites sur ce qui s’est bien passé pendant la rencontre plutôt que de ressasser ce qui a mal été.»

Heureuseme­nt, avec le temps – et plusieurs rencontres avec ma psy –, j’ai appris à mieux contrôler mon esprit qui dérape les jours ou les heures précédant le jour J et qui me donne envie de tout annuler. Je réussis mieux, aussi, à déterminer où commence et arrête mon anxiété. Surtout, j’ai compris que je ne suis pas la seule à faire des sorties, toujours en compagnie de la même amie, l’anxiété. AMÉLIE COURNOYER, JOURNALIST­E, ANXIEUSE, MAIS HEUREUSE.

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