ITSS, L’ÉPIDÉMIE SILENCIEUSE
POUR ÉVITER QUE DÉSIR NE RIME AVEC SOUFFRIR, ON LE SAIT, IL FAUT SE PROTÉGER SOUS LA COUETTE. MALHEUREUSEMENT, MALGRÉ LES EFFORTS DE SENSIBILISATION, LES INFECTIONS TRANSMISSIBLES SEXUELLEMENT NE CESSENT DE S’ÉTENDRE. PORTRAIT ACTUEL DE LA SITUATION. »»
Tout n’est pas reluisant au royaume du sexe. Au Québec, chaque année, 40 000 personnes reçoivent un diagnostic d’infection transmissible sexuellement et par le sang (ITSS), soit plus que toutes les maladies à déclaration obligatoire réunies – rougeole, salmonellose, coqueluche, maladie de Lyme, etc. Et ce chiffre est en hausse constante, une situation préoccupante.
«Presque toutes les infections sont en augmentation, indique Karine Blouin, conseillère scientifique spécialisée à l’Institut national de santé publique du Québec. Dans le cas de la chlamydia et de la gonorrhée, la hausse s’explique peut-être en bonne partie par une détection plus efficace qu’auparavant. En détectant des infections asymptomatiques plus rapidement, on évite les complications. Mais il reste qu’on a beaucoup, beaucoup de cas… L’épidémie est bien là.»
Alors que notre société parle ouvertement de libido et de prouesses érotiques, les tabous restent coriaces en matière de santé sexuelle. La plupart des personnes affectées traversent cette épreuve dans la honte et le silence. Pourtant, les maladies du sexe et de l’amour touchent toutes les orientations, toutes les tranches d’âges, toutes les réalités. Personne n’est épargné.
Chlamydia
Très fréquente, la chlamydia connaît une hausse constante depuis de nombreuses années. Selon les données de 2018, le nombre de femmes qui en souffrent continue de grimper en flèche, surtout chez les plus âgées. On observe ainsi une augmentation de 25 % chez les femmes de 25 à 29 ans, de 34 % chez les 30 à 39 ans et de 100 % chez les 45 à 64 ans, soit la hausse la plus marquée. Lueur d’espoir au bout du tunnel: on anticipe une diminution du nombre de cas féminins pour 2019. Il s’agirait alors de la première baisse observée chez les femmes depuis les dix dernières années. Une petite victoire.
Hépatite B
Enfin des nouvelles encourageantes! Depuis l’introduction du programme de vaccination universel en milieu scolaire, en 1994, les cas d’hépatite B ont diminué considérablement. Instaurée en 2013, la vaccination des nouveau-nés contre l’hépatite B devrait encore augmenter la proportion des personnes protégées contre l’infection.
Hépatite C
Depuis l’an 2000, la baisse constante du taux d’hépatite C a de quoi réjouir. Oui, on note un pic de cas déclarés en 2018, mais il pourrait bien ne constituer qu’une fluctuation aléatoire. Le nombre de cas attendus en 2019 serait d’ailleurs déjà moins élevé que l’année précédente.
Gonorrhée
Ici aussi, les chiffres font mal. Les cas de gonorrhée ont plus que doublé entre 2014 et 2018, avec une hausse particulièrement marquée chez les hommes. Autre fait surprenant: 57 % des cas de 2018 ont été enregistrés dans la région de Montréal. La métropole se distingue nettement (et tristement) du reste du Québec. Cette épidémie est d’autant plus inquiétante qu’elle survient dans un contexte de progression de la résistance aux antibiotiques. Plus que jamais, mieux vaut prévenir que guérir.
Syphilis
On la croyait en voie d’extinction, avec seulement trois cas déclarés au Québec en 1998, mais la syphilis n’avait pas dit son dernier mot... Après une résurgence dans les années 2000, elle continue de faire des siennes. Initialement concentrée dans la région de Montréal, la syphilis étend maintenant ses tentacules épidémiques dans la plupart des régions du Québec.
Si la projection de 2019 se révèle exacte, on atteindra le taux d’incidence le plus élevé depuis 1984. Pas de quoi sabrer le champagne! Si la majorité des cas concernent les hommes, on observe aussi un plus grand nombre de cas touchant les femmes depuis cinq ans. Comme ces dernières sont généralement en âge de procréer, on s’inquiète en prime d’une possible augmentation de syphilis congénitale. Aïe.
VIH
Au Québec, la diminution des cas de VIH mérite d’être soulignée. Elle pourrait refléter un effet positif des nombreuses interventions dans la lutte contre le virus, comme le dépistage régulier, les centres d’accès au matériel d’injection stérile et la prise en charge précoce.
La prévention, c’est le nerf de la guerre. Depuis quelques années, la PrEP, pour prophylaxie pré-exposition, protège les personnes non infectées, mais hautement exposées. On peut la prendre tous les jours ou de façon intermittente, avant une relation sexuelle à risque. Lorsque les consignes sont suivies à la lettre, cette combinaison d’antirétroviraux réduit de 92 % le risque d’infection. On l’utilise de pair avec les autres moyens de prévention, comme l’utilisation du condom et le dépistage régulier.