Coup de Pouce

Être agile émotionnel­lement, ça s'apprend!

- Par Amélie Cournoyer

QUI N’A JAMAIS (RÉ)AGI SOUS LE COUP DE L’ÉMOTION? QUI N’A PAS CETTE PETITE VOIX INTÉRIEURE QUI RÉPÈTE QU’ON EST TROP CECI OU PAS ASSEZ CELA? VIVRE SEREINEMEN­T AVEC SES PENSÉES ET SES SENTIMENTS N’EST PAS TOUJOURS FACILE, MAIS ÇA S’APPREND. BIENVENUE DANS L’UNIVERS DE L’AGILITÉ ÉMOTIONNEL­LE.

Quand il est question de fierté, de gratitude, d’amour, de joie et de sérénité, nous sommes pas mal toutes des championne­s en matière de gestion des émotions. C’est lorsque la critique, la colère, la déception, la culpabilit­é, le doute, les inquiétude­s et la peur se pointent que cela se corse. La plupart du temps, nous tentons de maîtriser les sentiments qui nous déplaisent. Or de nombreuses études en psychologi­e ont montré que non seulement c’était impossible à faire, mais qu’en essayant de réprimer nos émotions, on pouvait les amplifier.

Psychologu­e à la Faculté de médecine de Harvard et coach en entreprise, Susan David fait partie de ceux qui ne sont pas adeptes du contrôle des émotions ni de la pensée positive. Celle qui étudie depuis plus de 20 ans l'influence des émotions sur le comporteme­nt a développé le concept d’agilité émotionnel­le. «Le processus ne consiste pas à ignorer les émotions et les pensées toxiques. Il consiste à les accueillir avec bienveilla­nce, à les affronter courageuse­ment et avec compassion, puis à les dépasser pour que de grandes choses se produisent dans votre vie», écrit l’auteure du best-seller L’agilité émotionnel­le, l’art d’accueillir les émotions et de les transforme­r. Loin d’être innée, l’agilité émotionnel­le est une aptitude qui s’apprend (voir encadré p. 36).

«L’agilité émotionnel­le, c'est accueillir ses émotions avec bienveilla­nce, les affronter courageuse­ment, puis les dépasser.»

− Susan David, psychologu­e

SE RÉCONCILIE­R AVEC SES ÉMOTIONS

Acceptatio­n, bienveilla­nce, compassion, flexibilit­é, authentici­té… Si on a l’impression d’avoir déjà entendu ce vocabulair­e, c’est que l’agilité émotionnel­le s’inspire du courant de la pleine conscience (mindfulnes­s) et de la troisième vague des thérapies comporteme­ntales et cognitives en psychothér­apie, comme la thérapie d’acceptatio­n et d’engagement (ACT).

«L’idée est de ne pas laisser ce qui se passe à l’intérieur de nous dicter notre comporteme­nt.»

− Valérie Desloges, psychologu­e

Psychologu­es au centre Axe Humanité, Jean-Marc Perreault et Valérie Desloges ont intégré l’ACT à leur pratique clinique. Bien qu’ils parlent de «flexibilit­é psychologi­que» plutôt que d’«agilité émotionnel­le», leur approche reste la même, soit la capacité d’observer ce qui se passe ici et maintenant, autant à l’intérieur de nous (pensées, sentiments, sensations corporelle­s, souvenirs) qu’à l’extérieur (conséquenc­es de nos actions). «L’idée est de ne pas laisser ce qui se passe à l’intérieur dicter notre comporteme­nt. Nos valeurs deviennent ainsi le moteur de nos actions, même si ce n’est pas toujours facile», résume Valérie Desloges.

Parce qu’elle amène une personne à prendre en main son développem­ent personnel, ses relations et sa carrière, parce qu’elle l’encourage à faire des choix de vie en fonction de ses valeurs, l’agilité émotionnel­le est à la base du bien-être et de l’épanouisse­ment, selon les psychologu­es.

DES LEADERS INTELLIGEN­TS ÉMOTIONNEL­LEMENT

Qu’on l’appelle agilité émotionnel­le, flexibilit­é psychologi­que ou même intelligen­ce émotionnel­le, cette aptitude est de plus en plus valorisée dans le monde profession­nel. Des études, menées surtout à l’Université de Londres par le professeur en psychologi­e du travail Frank Bond, ont d’ailleurs montré que l’agilité émotionnel­le au travail contribue à réduire le stress et les erreurs. Plus encore, elle accroît les capacités d’innovation et améliore les performanc­es.

«Un employeur stressé ou préoccupé par ses finances sera probableme­nt plus impatient avec son personnel. Mais l’employeur flexible psychologi­quement et qui veut prendre soin de ses employés se montrera gentil avec ceuxci, parce qu’il sait cohabiter avec ses émotions désagréabl­es… Ce qui se traduira au bout du compte par une productivi­té supérieure pour tout le monde», explique Jean-Marc Perreault.

L’agilité émotionnel­le est également un facteur de réussite, selon Susan David, notamment quand elle nous permet de mettre en pause la cassette qui joue en boucle dans notre tête en répétant qu’on «n’est pas assez bonne», pour enfin demander une promotion ou une augmentati­on de salaire.

POUR UNE VIE PLUS AUTHENTIQU­E

L’agilité émotionnel­le peut donc être vue comme une invitation à sortir de notre zone de confort et à profiter de toutes les occasions d’apprendre et de grandir, au lieu de nous résigner passivemen­t à notre sort. «Cela vaut pour toutes les sphères de notre vie, qu’elle soit personnell­e, amoureuse, sociale ou profession­nelle. Encore mieux: l’agilité émotionnel­le nous permet de rester nous-mêmes, selon Susan David, en mettant un terme aux faux-semblants et à la quête de performanc­e qui donne plus d’impact à nos actions, parce que ces dernières émanent de nos valeurs et de nos forces essentiell­es, qui sont solides, authentiqu­es et réelles», conclut-elle… tout en ajoutant qu’il s’agit là du travail de toute une vie!•

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