Coup de Pouce

Ma fille, cette héroïne

- Par Emmanuelle Ghersi Illustrati­on: Anne Villeneuve/c. EMMANUELLE GHERSI EST MAMAN D’UNE FILLE DE DIX ANS ET D’UN ANS.• GARÇON DE SEPT

C’ÉTAIT LE MARDI 26 MAI 2009. JE ME SOUVIENS PARFAITEME­NT DE CETTE JOURNÉE. LE CIEL ÉTAIT BLEU, LE SOLEIL BRILLAIT DE MILLE FEUX ET J’AVAIS RENDEZ-VOUS POUR MON ÉCHOGRAPHI­E DE 20 SEMAINES.

C’était ma première grossesse et j’étais fébrile de découvrir enfin si je portais un garçon ou une fille. Allongée sur la table, je serrais la main du papa pendant que la radiologis­te prenait et reprenait les mesures. Je sentais bien que quelque chose n’allait pas. «Votre bébé a une anomalie», a-t-elle fini par dire. J’ai lâché la main de mon amoureux pour mettre les miennes sur mon ventre. Le médecin parlait de malformati­on au diaphragme, d’organes de l’abdomen qui migraient vers le thorax, de compressio­n pulmonaire, mais ses mots étaient lointains, tel un écho.

Mon premier réflexe a été de tenter de comprendre pourquoi cela m’arrivait alors que j’avais fait tellement attention depuis le début de ma grossesse. «À cette étape, l’important est de bien comprendre la situation. Il ne faut pas tomber dans la recherche d’un ou d’une fautive et encore moins blâmer un des parents», dit la psychologu­e Nicole Jeanneau. Ce jour-là, la terre s'est ouverte sous nos pieds, mais l’équipe de la clinique GARE (grossesse à risque élevé) ne nous a pas laissés nous y engouffrer. Rapidement pris en charge, les tests et les rendez-vous se sont succédé. «Plus les parents sont bien informés sur les étapes à venir et comment les choses se passeront concrèteme­nt durant le séjour de leur bébé à l’hôpital, plus ils seront rassurés et se sentiront soutenus», ajoute Nicole Jeanneau.

Je gardais espoir, même si l’on nous avait expliqué que certains bébés souffrant d’une hernie diaphragma­tique ne survivaien­t pas à la naissance. Ma fille était forte, je le sentais et, malgré mon immense inquiétude, je devais l’être aussi pour elle. On a déclenché mon accoucheme­nt à 40 semaines et tout s’est passé très rapidement. Je n’ai aperçu Eléonore que quelques secondes avant qu’elle parte avec l’équipe de spécialist­es qui devaient l’intuber et stabiliser sa pression pulmonaire. Je ne l’ai revue que quelques heures plus tard, sans pouvoir la toucher avant plusieurs jours. «Ne pas pouvoir prendre son bébé dans ses bras n’est que temporaire, mais c’est une attente supplément­aire. Le lien sera tout aussi fort même s’il n’est pas possible aux parents d'avoir leur bébé immédiatem­ent dans leurs bras», explique la psychologu­e.

L’hospitalis­ation, qui a duré 37 jours, a été ponctuée de hauts et de bas. Laisser son bébé âgé seulement d’un jour partir en salle d’opération et voir ce si petit être souffrir et se battre pour sa vie sont bien sûr des souvenirs difficiles à oublier. Mais ce que je retiens de cette épreuve, c’est la force de ma fille. À quelques jours à peine, la battante qu’elle était se laissait deviner. Aujourd’hui, du haut de ses dix ans, sa résilience et sa grande déterminat­ion demeurent ses plus grandes forces. Je ne saurais exprimer à quel point ce petit bout de femme m’inspire. Elle m’a fait grandir à travers toute cette histoire. Elle est une force de la nature et, comme dans la chanson de Pierre Flynn que je lui chantais à l’hôpital, elle est et restera toujours «Ma petite guerrière».

« Ma fille était forte, je le sentais et, malgré » mon inquiétude, je devais l’être aussi pour elle.

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