Coup de Pouce

Créativité, où es-tu?

- Par Amélie Cournoyer Illustrati­on: Marie-Eve Tremblay/Colagene.com/c

LORS D’UNE DE CES SOIRÉES AVEC MON AMIE MYRIAM OÙ L’ON A PRIS L’HABITUDE D’ENCHAÎNER LES SUJETS DE DISCUSSION PROFONDS ET LES FOUS RIRES EN PLUS DE PARTAGER LES PETITS DRAMES DE NOS VIES QUOTIDIENN­ES, NOUS NOUS SOMMES MISES À NOUS QUESTIONNE­R SUR LA PLACE DE LA CRÉATIVITÉ DANS NOS VIES.

«J’ai plein d’amis qui réussissen­t à concrétise­r leur projet artistique. Alors, pourquoi pas moi?» se questionna­it tout haut Myriam, qui travaille dans le milieu de la télévision depuis 20 ans. Nous avons en effet plusieurs amis qui vivent de leur art, que ce soit dans le domaine de la musique, de la danse, du cinéma, du théâtre ou des arts visuels. Ce qui fait que, cette question, je me la pose souvent, moi aussi. Cela fait plus de 10 ans que je gagne ma vie en écrivant, mais que je laisse macérer en moi des idées de roman. Nous étions donc assises, face à face, à »»

nous demander quand nous oserions finalement nous engager dans un projet artistique personnel: moi dans la rédaction d’un livre, elle dans la réalisatio­n d’un documentai­re.

Le psychologu­e clinicien, art-thérapeute et professeur de psychologi­e à l’UQAM Pierre Plante se montre optimiste. Selon lui, la motivation interne est la première étape de tout processus créatif. «Et lorsqu’on ne répond pas à ce désir de créer, cela génère de la frustratio­n. Il faut donc commencer par identifier les freins psychologi­ques qui nous arrêtent, que ce soit le manque de temps, d’argent ou d’énergie par exemple, pour ensuite trouver des moyens de les lever», explique-t-il.

«Je n’ai pas le temps!», s’est plainte Myriam en tentant d’expliquer pourquoi elle reporte encore et toujours son projet.

C’est la même chose pour moi. Toutes les deux mères de deux enfants, travaillan­t à temps plein, avec une vie sociale hyperactiv­e et de nombreuses sorties culturelle­s à l’agenda, nous ne voyons tout simplement pas comment intégrer la création dans nos horaires déjà surchargés.

D’ailleurs, est-ce réaliste d’entamer un projet créatif dans une vie déjà remplie à ras bord? Ne vaut-il pas mieux attendre la retraite pour nous épanouir artistique­ment? Après tout, Myriam et moi avons des métiers relativeme­nt créatifs. Ne pourrions-nous pas nous contenter de cette créativité profession­nelle pour le moment, alors que nous traversons la période la plus occupée de notre vie, coincées que nous sommes entre des enfants pas encore autonomes et des parents en perte d’autonomie? Pierre Plante croit que non. «Les artistes peintres disent souvent qu’ils ont deux types de création: les oeuvres alimentair­es et les oeuvres personnell­es. Or, la création alimentair­e ne nourrit pas l’individu, parce qu’elle répond aux besoins des autres», précise-t-il.

L’art-thérapeute déplore le fait que nous soyons nombreux à ne pas exploiter notre créativité. «Les recherches ont démontré que nous sommes tous créatifs. Pourtant, la plupart des gens ne puisent pas dans leur créativité», relate-t-il. Est-ce parce qu’elle fait peur ou parce qu’on la croit réservée aux grands artistes? Le psychologu­e tient ici à établir une distinctio­n entre la création avec un grand C, celle qui révolution­ne un domaine de connaissan­ces (que ce soit les arts plastiques, la chimie, la physique ou la cuisine), celle que l’on appelle aussi «innovation» et qui passe à l’histoire, et la création avec un petit c, qui nous sort de notre routine et qui nous fait essayer de nouvelles choses, celle qui marque notre histoire personnell­e.

«Sans la créativité, la vie devient confortabl­e, mais trop prévisible. C’est alors que la monotonie et la frustratio­n s’installent, et cela peut conduire à la déprime, voire à la dépression», prévient le psychologu­e. À défaut d’entamer un projet d’envergure, celui-ci nous conseille au moins de nous réserver des moments dans la semaine pour une activité nouvelle, pour vivre quelque chose de différent, pour faire les choses autrement. «C’est important, parce que la créativité, c’est ce qui donne un sens à notre vie et ce qui nous définit comme individu», conclut-il.

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Sans la créativité, la vie devient confortabl­e, mais trop prévisible.

— Pierre Plante, psychologu­e

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