Coup de Pouce

L’amour derrière les fourneaux

- Par Elisabeth Massicolli

ZONE DE TENSION OU DE COMMUNION, LA CUISINE N’EST PAS UNE PIÈCE ANODINE POUR LE COUPLE. EN QUOI CE QUI S’Y JOUE EST-IL RÉVÉLATEUR DE NOTRE VIE À DEUX? VOICI QUELQUES PISTES POUR TROUVER LA RECETTE GAGNANTE.

«Cuisiner pour quelqu’un avec soin, c’est de l’amour», disait la célèbre cheffe cuisinière Julia Child. Et c’est encore le cas aujourd’hui. L’art de la table est drôlement lié au romantisme: les repas partagés en tête à tête au restaurant, les petits-déjeuners au lit, le chocolat ou la bonne bouteille qu’on s’offre pour célébrer et, surtout, les petits plats qu’on se prépare — au quotidien ou lors d’occasions spéciales — pour se faire plaisir. Pourtant, la nourriture ne revêt pas une significat­ion affective pour tous les couples. Y a-t-il vraiment des parallèles à faire entre la façon dont les amoureux cuisinent et mangent et leur relation intime? Pour répondre à cette question, on s’est entretenu avec deux spécialist­es ainsi qu’avec des couples foodies… chacun à leur sauce!

UNE QUESTION DE COMMUNICAT­ION…

Si on cuisine ensemble, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes? Pas nécessaire­ment, selon la sexologue Véronique Jodoin. «Chez certains couples, faire à manger est une source de conflit parce qu’ils se trouvent, entre partenaire­s, dans une lutte de pouvoir. Les deux peuvent aimer faire à manger, mais ils ont de la difficulté à le faire ensemble. Un des partenaire­s veut prendre le contrôle, l’autre n’a pas envie de se faire dire quoi faire. Ce manque d’équilibre se retrouve souvent dans d’autres facettes de leur vie de couple. La division des tâches sera plus stricte.» Mais, selon elle, si les couples sont capables de faire équipe, s’ils ont une bonne capacité d’adaptation et une bonne communicat­ion, tout devrait bien se passer derrière les casseroles. C’est le cas, par exemple, pour Audrey, 30 ans, et Hugo, 31 ans. «On met la main à la pâte tous les deux, on planifie ensemble, comme on cuisine ensemble. On a nos postes de travail attitrés, selon nos forces. On fait une belle équipe, notamment parce qu’on tripe tous les deux sur la bouffe», dit Hugo. «On travaille à relais, on s’entraide. Je crois qu’on est deux personnes généreuses, et ça transparaî­t dans notre amour pour la cuisine», ajoute Audrey. De l’avis de Véronique Jodoin, les couples qui ont cette dynamique égalitaire dans la cuisine l’auront également dans d’autres facettes de leur vie à deux — ce

qu’Audrey et Hugo corroboren­t. «Notre entraide, notre écoute de l’autre, notre sens du partage se retrouvent aussi dans notre vie de couple en général», dit Hugo. «C’est donnant-donnant derrière les fourneaux… comme partout ailleurs!» ajoute Audrey.

Mais attention, faire équipe ne veut pas dire tout faire ensemble dans la cuisine! «Au sein d’une relation équilibrée, on est capable de reconnaîtr­e nos forces et celles de l’autre. Il y a des personnes qui n’aiment pas faire à manger, ou qui n’y excellent pas. Si les deux partenaire­s s’entendent sur le fait que l’un cuisine plus que l’autre, et que ce dernier se charge d’une autre tâche, c’est aussi faire équipe et communique­r», explique Véronique Jodoin — qui précise quand même qu’encore aujourd’hui, les tâches relatives à la cuisine comme la gestion des repas, l’épicerie, la planificat­ion ou le budget incombent encore grandement aux femmes, dans les couples hétérosexu­els. «Mais je remarque qu’il y a plus d’hommes qui cuisinent», nuance-t-elle. Pour Maxime, 42 ans,

et Steven, 38 ans, l’accord est simple: c’est Maxime qui cuisine, et Steven trouve d’autres moyens d’aider et de démontrer son amour à son conjoint. «J’adore cuisiner, c’est ma passion. Pour moi, faire à manger à Steven est une marque d’affection, mais je ne m’attends pas à ce qu’il me rende la pareille, puisqu’il le fait de tant d’autres façons. Notre générosité ne s’exprime pas de la même manière, et c’est parfait comme ça, du moins pour nous», dit Maxime. Véronique Poulin rappelle que ce n’est pas tout le monde qui a le même langage amoureux; on n’aime pas tous donner et recevoir de l’affection de la même manière. «Les attentions, les services rendus — comme la cuisine! — sont des façons de démontrer son amour, mais il en existe plusieurs autres!»

… ET DE COMPÉTITIO­N!

Pour Karine, 34 ans, et Étienne, 43 ans, tous les deux chefs cuisiniers de métier, la cuisine prend des airs de terrain de jeu. «Nous cuisinons tous les deux beaucoup, et nous y prenons vraiment du plaisir. On n’a pas les mêmes forces, les mêmes recettes signatures, alors quand on décide de cuisiner un bon plat pour faire plaisir à l’autre, on y met tout notre coeur. On veut s’épater, s’en mettre plein la vue», dit Karine. De l’avis de Véronique Jodoin, vouloir s’impression­ner est un très bon signe! «Les partenaire­s cherchent à se faire plaisir et s’amusent ensemble. Il n’y a pas de gagnant ou de perdant, on est plutôt dans la complicité», dit la sexologue.

« Chez certains couples, faire à manger est une source de conflit parce qu’ils se trouvent, entre partenaire­s, dans une lutte de pouvoir. »

– Véronique Jodoin, sexologue

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