Coup de Pouce

Rompre la solitude des aînés

- Par Julia Haurio

LE CONFINEMEN­T A MIS EN ÉVIDENCE L'ISOLEMENT DES PERSONNES ÂGÉES. MÊME SI LES MESURES ONT ÉTÉ ASSOUPLIES, MAINTENIR UN LIEN SOCIAL EN PÉRIODE DE CRISE DEMEURE ESSENTIEL. QU’IL S’AGISSE DE NOS PROCHES OU D’INCONNUS, VOICI DES CONSEILS POUR ROMPRE LEUR SOLITUDE.

Confiner les aînés plus longtemps que le reste de la population semble logique, puisqu’ils sont plus à risque de décéder de la COVID-19, mais les effets collatérau­x d’une telle décision ne peuvent être négligés. L’humain étant un être social, selon Brené Brown, une chercheuse américaine, notre besoin de contacts est plus qu’une émotion, c’est de la neuroscien­ce. Nous sommes conçus pour interagir, et l’absence de contacts peut ainsi nous nuire, autant mentalemen­t que physiqueme­nt.

«Si l’on n’a personne avec qui partager notre vie, il peut être difficile de lui trouver du sens», confirme Caroline Sauriol, directrice générale de l’organisme Les Petits Frères, qui lutte contre l’isolement des personnes de 75 ans et plus au Québec depuis près de 60 ans.

Comment aider nos proches?

Selon la psychologu­e Marie-Claude Boulet, même les petits gestes, comme demander «Comment ça va?» ou «Qu’estce que je peux faire?», ont un effet positif. Le soutien peut être affectif: on appelle ou on écrit à la personne pour prendre de ses nouvelles. On s’assure aussi de ne pas cantonner la conversati­on à la crise actuelle. «Bien sûr, il sera question de la COVID, mais attention de garder un discours rassurant, de ne pas tomber dans le sensationn­alisme et de parler d’autres choses», conseille Mme Boulet.

Si c’est possible, on privilégie la visioconfé­rence. «La vidéo permet de voir l’autre sourire. Le procédé a un effet miroir et fait du bien», affirme la psychologu­e. De plus, elle permet d’avoir l’impression de partager le quotidien en prenant un repas ensemble ou en découvrant les dernières réalisatio­ns des enfants. Si notre proche est en CHSLD, on se renseigne auprès de la direction afin de vérifier quels sont les modes de communicat­ion possibles.

Le soutien peut aussi être pratique. Les personnes confinées ont un moindre accès à de nombreux services. On s’informe donc sur leurs besoins. On peut aller faire

l’épicerie, aider avec les tâches administra­tives ou tondre la pelouse. Ces petits gestes feront une différence dans la journée de la personne qui les reçoit, sans compter qu’ils font aussi du bien à celui qui les pose.

En plus du bien-être qu’ils procurent, les contacts fréquents avec nos proches âgés nous permettent de nous informer régulièrem­ent sur leur santé physique et psychologi­que: «On peut ainsi repérer les signes d’éventuels problèmes. Nous sommes comme une sentinelle pour eux», explique Mme Boulet.

Et les personnes seules?

Avant le confinemen­t, certaines personnes ayant un réseau personnel réduit avaient développé des stratégies pour briser leur solitude, telle une visite quotidienn­e au café du coin. «Étant donné la situation actuelle, ces stratégies ne fonctionne­nt plus, et ces personnes risquent donc de perdre espoir, en plus de leur estime d’elles-mêmes», explique Caroline Sauriol des Petits Frères. Dès le début de la crise, l’organisme s’est assuré que ses 1700 grands amis — c’est ainsi qu’on nomme les personnes bénéfician­t de leurs services — étaient en sécurité en les appelant deux fois par semaine. Puis, il a étendu son réseau aux autres Québécois de 75 ans et plus avec son programme d’escouade téléphoniq­ue.

Les appels durent un minimum de 20 minutes et se font autant que possible avec le même bénévole pour

«J’ai envoyé un Doodle à tous mes cousins pour que chacun réserve un créneau pour appeler notre grand-mère. Comme ça, on n’appelle pas tous en même temps et on répartit les “visites” dans le temps.» — Charlotte de Quatrebarb­es

assurer une continuité. L’organisme regroupe 2000 bénévoles répartis dans 11 régions du Québec et travaille avec d’autres groupes et associatio­ns dans le but de repérer le plus d’aînés isolés que possible.

À plus petite échelle, plusieurs initiative­s pour contrer l’isolement des personnes âgées ont vu le jour ces derniers mois. Par exemple, le projet Portraits et paroles de nos AînéEs, sur Facebook, porté par deux soeurs de 10 et 12 ans, consiste à recueillir des témoignage­s de personnes âgées, grâce à une rencontre virtuelle, puis à les publier sur sa page. Des milliers de personnes se sont également inscrites sur le site jebenevole.ca, plateforme de jumelage entre organismes et bénévoles, tandis que d’autres ont offert de l’aide à leurs voisins, comme en témoigne Geneviève Despatie: «Je fais l’épicerie pour ma voisine de 80 ans. Elle m’envoie ses demandes par texto. On se parle avant et après les courses. On fait connaissan­ce, car on ne se connaissai­t pas vraiment avant la crise», raconte la Montréalai­se.

Et après?

Le risque, après plusieurs mois, c’est que la mobilisati­on s’essouffle et que l’on reprenne «nos vieilles habitudes». «Il va falloir être vigilant et ne pas baisser la garde, car plus le temps passe, plus il y a un risque d’impact psychologi­que», prévient Marie-Claude Boulet. Pour Caroline Sauriol, la prise de conscience provoquée par la pandémie est une belle avancée. «On a développé des réflexes positifs pendant la crise; autant les garder. Je nous encourage, comme société, à ne pas revenir à la normale et à continuer d’entretenir

conclut-elle.• des relations intergénér­ationnelle­s»,

«J’envoie à ma mère de 81 ans ses repas péruviens préférés toutes les semaines par taxi.» — Hericka Chong

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