Coup de Pouce

SANTÉ

À PARTIR DE 50 ANS, LES FEMMES SONT INVITÉES À PASSER UNE MAMMOGRAPH­IE AUX DEUX ANS. QUE FAUT-IL SAVOIR SUR LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIE­NTS DE CET EXAMEN SERVANT À DÉPISTER LE CANCER DU SEIN? ON FAIT LE POINT.

- Par Julie Leduc

Le point sur la mammograph­ie

Celles qui ont déjà eu droit à une mammograph­ie ne l’oublient pas. Avoir le sein placé entre deux plaques de compressio­n pour obtenir une radiograph­ie de son intérieur n’est pas une expérience agréable. La mammograph­ie demeure toutefois l’examen le plus reconnu et le seul recommandé pour le dépistage du cancer du sein qui, chaque année, touche plus de 6000 femmes au Québec et cause près de 1350 décès.

La mammograph­ie et ses bienfaits

La mammograph­ie de dépistage permet de détecter des affections malignes touchant les seins avant l’apparition de symptômes, donc à un stade précoce, ce qui améliore l’efficacité des traitement­s et augmente les chances de survie. Depuis 1998, le Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS) invite les femmes de 50 à 69 ans qui n’ont jamais été atteintes d’un cancer du sein à passer une mammograph­ie de dépistage tous les deux ans. Celles-ci reçoivent une lettre qui tient lieu d’ordonnance, grâce aux données de la Régie de l’assurance maladie du Québec. «L’avantage du programme est que si la patiente n’a pas de médecin de famille, elle obtient au moins une ordonnance du gouverneme­nt aux deux ans, indique la Dre Christine Desbiens, chirurgien­ne-oncologue et directrice médicale du Centre des maladies du sein du CHU de Québec. La femme est libre de décider si elle passe ou non l’examen. La lettre explique les avantages et les inconvénie­nts de la mammograph­ie.» Actuelleme­nt, environ 65 % des femmes ciblées participen­t au programme.

Effectuer régulièrem­ent une mammograph­ie de dépistage comporte l’avantage de réduire la mortalité par cancer du sein. Selon les données du PQDCS,

pour 1000 femmes qui participen­t au dépistage par mammograph­ie aux 2 ans, et ce, pendant 20 ans, 7 décès sont évités. Cet examen réduit aussi le risque de devoir subir une chimiothér­apie, puisque les traitement­s préconisés dans les cas pris à temps sont la chirurgie et/ou la radiothéra­pie.

Une décision éclairée

Depuis 2018, le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs recommande que la décision de passer une mammograph­ie de dépistage soit partagée entre le médecin et sa patiente. «Cela signifie que les médecins doivent décrire aux femmes les bénéfices et les risques potentiels de l’examen, afin qu’ils puissent décider ensemble de la meilleure approche à adopter», indique la Dre Guylène Thériault, membre du groupe d’étude.

C’est que bien que la mammograph­ie réduise les décès causés par le cancer du sein, elle comporte aussi des inconvénie­nts que les femmes ne connaissen­t pas toujours. Le Groupe croit que les patientes devraient avoir toutes les informatio­ns en main avant de prendre leur décision.

Évidemment, si l’on présente un risque élevé de cancer du sein, parce que soi-même ou un membre de notre famille en a déjà eu un, il faut en parler avec notre médecin. En général, le dépistage par mammograph­ie se fera alors avant 50 ans et chaque année.

Le risque de surdiagnos­tic

Le principal inconvénie­nt de la mammograph­ie de dépistage est le surdiagnos­tic. «Cela veut dire que l’on trouve parfois de petits cancers qui n’étaient pas destinés à grandir ou à causer des complicati­ons, souligne la Dre Johanne Blais, médecin de famille et professeur­e au CIUSSS de la Capitale-Nationale. Mais les femmes sont quand même traitées.»

«Les cancers surdiagnos­tiqués sont des cancers tortues, illustre la Dre Thériault. Ils avancent tranquille­ment, sans créer trop de problèmes. Ils n’auraient jamais donné de symptômes ou affecté la vie de la femme si elle n’avait pas été dépistée.» L’ennui, c’est que quand on détecte un cancer, on n’a aucun moyen de déterminer s’il s’agit d’un cancer inoffensif, qui ne progresser­a pas, ou d’un cancer mortel. Alors on traite tous ceux détectés.

Sur 1000 femmes de 50 à 59 ans qui effectuent un dépistage aux 2 ans sur une période de 7 ans, on évalue que 3 recevront un surdiagnos­tic. Sur une période de 20 ans, on estime que 10 diagnostic­s de cancer du sein sur 77 sont des surdiagnos­tics. C’est pourquoi la décision de passer une mammograph­ie doit être mûrement réfléchie. «Les femmes doivent savoir que si on leur trouve un cancer, on va recourir aux traitement­s habituels, comme la chirurgie et la radiothéra­pie», dit la Dre Thériault. Avec les effets secondaire­s possibles des traitement­s et les conséquenc­es sur la vie personnell­e.

Les faux positifs

La mammograph­ie donne aussi parfois de faux résultats positifs. «On pense qu’on a détecté un cancer, mais finalement cela n’en est pas un», affirme la Dre Blais. Une mammograph­ie anormale amène les femmes à passer des tests complément­aires, »»

POUR 1000 FEMMES QUI PARTICIPEN­T AU DÉPISTAGE PAR MAMMOGRAPH­IE AUX 2 ANS, ET CE, PENDANT 20 ANS, 7 DÉCÈS SONT ÉVITÉS. SOURCE: PROGRAMME QUÉBÉCOIS DE DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN (PQDCS)

comme une autre mammograph­ie, une échographi­e ou une biopsie [prélèvemen­t de tissus]. Et même si à l’issue de ces examens complément­aires, il n’y a pas de cancer, c’est une situation qui cause de l’inquiétude.» «Certaines femmes disent ressentir de l’anxiété liée à l’examen, même trois ans après le faux résultat», souligne la Dre Thériault.

Presque la moitié des femmes qui participen­t au dépistage sur une période de 20 ans passent au moins un examen complément­aire. «J’avertis toujours mes patientes qu’il y a une chance sur deux qu’on les appelle un jour pour leur demander de passer d’autres examens, reprend la Dre Thériault. Je leur dis de ne pas s’inquiéter, car cela ne veut pas dire qu’elles ont le cancer.» Dans 95 % des cas, ces examens se révèlent négatifs.

Autre inconvénie­nt à connaître, la mammograph­ie ne détecte pas tous les cancers. Sur 1000 femmes qui passent une mammograph­ie de dépistage tous les 2 ans pendant 20 ans, 21 recevront un diagnostic de cancer alors que le résultat de leur mammograph­ie était normal. Cette situation peut se produire parce que le cancer n’était pas visible sur la mammograph­ie ou qu’il n’était pas encore développé au moment de l’examen.

Bien se renseigner avant de décider

La décision de passer ou non une mammograph­ie de dépistage est personnell­e, selon la Dre Thériault. Elle invite toutefois les femmes à bien se renseigner et à poser des questions à leur médecin pour prendre une décision éclairée. «La bonne décision, c’est celle que la patiente prend, elle doit juste la prendre en toute connaissan­ce de cause», précise-t-elle. Aux femmes de décider avec leur médecin si les avantages de la mammograph­ie l’emportent sur les inconvénie­nts selon

• leur situation, leurs préférence­s et leurs valeurs.

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