Coup de Pouce

PARENT

JUSTICE. ÉGALITÉ. ÉQUITÉ. J’ESSAIE D’INCULQUER CES VALEURS À MES ENFANTS. JE LEUR DIS QUE NOUS SOMMES TOUS PAREILS ET ÉGAUX. EST-CE LA BONNE MANIÈRE D’ÉDUQUER LES FUTURS CITOYENS DU MONDE, LOIN DU RACISME ET DES PRÉJUGÉS?

- Par Maude Goyer | Illustrati­on: Anne Villeneuve/c.

Expliquer le racisme à ses enfants

Le printemps dernier, les images de la mort horrible de George Floyd, lors d’une interventi­on policière aux États-Unis, étaient partout: à la télé, sur le Web, sur les réseaux sociaux. Après le choc, la colère a envahi les rues, laissant dans son sillage une tonne de questions… jusque chez moi, sous mon toit.

«Maman, que se passe-t-il? Pourquoi le monsieur est mort? Et pourquoi les gens manifesten­t?» s’est enquise ma fille de 11 ans. Ma fille blanche, dois-je préciser.

Je suis blanche. Mes enfants sont blancs. Leurs grandspare­nts aussi. Je le dis parce que c’est important. Nous ne connaisson­s pas la peur, l’injustice et l’intoléranc­e liées à la simple couleur de notre peau. Au contraire: nous baignons dans le privilège de la majorité, de la masse.

Le reconnaîtr­e et l’expliquer à ses enfants, c’est faire preuve de lucidité. «Il faut nommer les choses, dit Karine Joizil, mère de jumeaux de 13 ans. On est noirs. Pas métissés, pas bruns, pas “de couleur”. J’apprends à mes garçons à nommer la différence et à la comprendre. Je souhaite les conscienti­ser pour qu’ils soient

«Dire que tout le monde est pareil et égal est peut-être taboue.» bienveilla­nt, mais ce faisant, on nie la différence, qui devient

— NADIA KENDIL, psychologu­e

critiques envers la société dans laquelle ils vivent – mais qu’ils adhèrent quand même à ses valeurs. C’est un défi, car la ligne est mince!»

Avec ses garçons, Mme Joizil a abordé plusieurs sujets liés aux formes que peuvent prendre le racisme et l’injustice au quotidien: railleries, intimidati­on, profilage… Judith Dorvil fait la même chose avec ses filles de 10 et 14 ans. «Par exemple, je leur recommande de ne pas fouiller dans leur sac tout de suite après avoir regardé des tubes de maquillage à la pharmacie pour ne pas prendre le risque qu’on les soupçonne de vol», nous confie-t-elle. «Je ne veux pas qu’ils mettent le capuchon de leur veste pour ne pas avoir l’air louche», illustre de son côté Karine Joizil.

J’ai répondu du mieux que j’ai pu aux questions de ma fille sur le racisme et les injustices sans aller au-delà de ses préoccupat­ions, mais sans rien cacher non plus. «Les enfants apprennent en nous observant, puis en nous imitant, explique Nadia Kendil, psychologu­e et fondatrice du Regroupeme­nt des intervenan­ts aux compétence­s multicultu­relles. Dire que tout le monde est pareil et égal est peut-être bienveilla­nt, mais ce faisant, on nie la différence, qui devient taboue.»

L’idéal, explique Mme Kendil, c’est d’inciter l’enfant à rester curieux et à raisonner par lui-même. L’exposer aux diverses réalités culturelle­s, que ce soit par l’entremise de jeux, de jouets, de livres, d’émissions, de films ou de nourriture, est une autre piste à privilégie­r.

Et, évidemment, aller à la rencontre de l’autre est primordial, puisque plus on côtoie des gens de tous horizons, plus on gagne en perspectiv­e et plus on s’ouvre. «C’est comme ça qu’on recule les frontières de l’enfant», conclut Nadia Kendil.

MAUDE GOYER EST MAMAN D’UNE FILLE DE 11 ANS ET D’UN GARÇON DE 13 ANS.

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