ENTREPRENEURIAT
En avant toutes!
Elle aurait pu devenir policière, continuer à travailler comme barmaid ou commis à la SAQ, mais elle a plutôt choisi de se lancer en affaires en créant son propre gin, et sur la Côte-Nord par-dessus le marché! Un parcours atypique pour une femme de 25 ans, qui se sait maintenant sur la bonne voie…
Tu es originaire du Saguenay–Lac-SaintJean et tu habites actuellement à BaieComeau. Tu as une formation de policière, et tu es aujourd’hui propriétaire d’une microdistillerie. Qu’est-ce qui relie tout ça?
En parallèle avec mes études, j’ai travaillé pendant plusieurs années comme barmaid, parce que j’aime beaucoup créer de nouveaux cocktails. J’ai aussi été commis à la SAQ, où j’ai tout appris sur les gins québécois: leurs différentes saveurs, leurs particularités... Tout ça me fascinait. Mais c’est lorsque je suis arrivée à BaieComeau [pour des raisons familiales] que toutes mes passions se sont réunies. J’y ai découvert la richesse de la forêt boréale, les herbes, les petits fruits, les aromates. Ça m’a donné l’idée, en 2018, de créer un gin à base de petits fruits, ce qui n’existait pas à l’époque.
Après l’idée vient le travail… Comment créet-on un gin sans formation en distillerie?
J’ai eu l’idée seule, mais j’ai rapidement réalisé que j’avais besoin de bien m’entourer. J’ai rencontré mon associé, Paul Blanchard, au restaurant où je travaillais. Un jour, il m’a dit: «Est-ce que tu sais que je suis chimiste?» Je l’ai alors convaincu d’embarquer dans l’aventure avec moi, et il est allé suivre une formation de maître distillateur à Kelowna, en ColombieBritannique. J’ai aussi demandé de l’aide à mon centre local d’emploi pour le démarrage de l’entreprise.
Est-ce que le fait d’être une femme entrepreneure te donne des défis particuliers?
Non, pas du tout. Autant mon domaine d’études que celui dans lequel j’évolue actuellement sont des mondes d’hommes. Mais je sens que j’ai ma place, tant avec les autres distillateurs, avec les bailleurs de fonds qu’avec les différents entrepreneurs de la région. Par contre, je rencontre souvent des clients qui me demandent de voir LE propriétaire, en ne pensant pas deux secondes que ça peut être moi (rires).
Ton premier gin, le Norkōtié, a été lancé en janvier 2020 et, trois mois plus tard, il récoltait une double médaille d’or au San Francisco World Spirits Competition. C’est un tour de force, ça, non?
Oui, en effet! Il y a eu un engouement pour le produit dès le début. Le premier lot de 800 bouteilles s’est vendu en trois heures à la distillerie de Baie-Comeau. C ’est pas rien! Il faut dire que les gens d’ici sont fiers que nous mettions en valeur les produits du terroir, et ce, de façon artisanale. Quant à cette reconnaissance internationale, elle est venue confirmer la qualité de notre produit. Ça nous a motivés à aller plus loin: on a lancé au début de l’année un deuxième produit, le Norkōtié vieilli en baril de bourbon, et un troisième produit devrait sortir l’été prochain, soit une liqueur nouveau genre à base de fruits méconnus et d’herbes de la région.
Animées par une énergie indomptable, les soeurs Geneviève et Stéphanie Tremblay ont quitté leur emploi stable (qu’elles aimaient) afin de s’associer en 2013. Depuis, elles ont lancé non pas une, mais trois entreprises en rapport avec l’entraînement. Qui les aime les suive!
Geneviève, tu étais océanographe pour une firme du domaine de l’environnement. Stéphanie, tu travaillais comme assistante-réalisatrice à la télévision. Pourquoi avoir décidé de quitter vos emplois pour vous lancer dans le monde entrepreneurial?
On aimait toutes les deux notre travail, mais après avoir eu des enfants, on s’est demandé si l’on était vraiment à notre place. On a toujours évolué dans le monde du sport [Geneviève a été une athlète de haut niveau en soccer, et Stéphanie donnait des cours d’entraînement prénataux en plus de son emploi à temps plein]. Comme on a l’esprit de famille et qu’on aime le sport, on a voulu fonder une entreprise à notre image, une entreprise qui correspond à nos valeurs. C’est de là qu’est venue, en 2013, l’idée du Studio Moov, un centre d’entraînement pour la famille.
Vous avez fondé deux autres entreprises depuis, soit la marque de vêtements d’entraînement Moov Activewear, en 2016, et la plateforme virtuelle d’entraînement Moov en ligne, en 2020. Qu’estce que ça représente d’être une femme et une mère dans le monde des affaires? Est-ce un double défi?
Il y a un gros préjugé qui veut que les femmes entrepreneures ne soient pas présentes pour leur famille. Mais nous, c’est exactement le contraire! On a fait le choix de se lancer en affaires pour accéder à une meilleure conciliation famille-travail, pour s’offrir une flexibilité d’horaire qui nous permettrait d’être plus présentes pour nos enfants. En adoptant cette voie, par contre, on est conscientes que l’on progresse moins rapidement comme entrepreneures. Puis, on ne se le cachera pas: fonder une entreprise en ayant de jeunes enfants, c’est quelque chose… Il faut aimer ça, avoir de la broue dans le toupet! Disons que ça aide, d’avoir de l’énergie; ça devient même une qualité d’être des hyperactives (rires).
D’où est venue l’idée de concevoir un legging sport biodégradable?
En étant entraîneuses, on voit ce que les femmes portent; on entend ce qu’elles aiment et aiment moins de leurs vêtements. Avec Moov Activewear, on s’est d’abord concentrées sur un legging de sport convenant parfaitement à la femme et fait à 100 % au Québec. D’autres vêtements de sport ont suivi, comme des soutiens-gorges et des camisoles. Puis, par souci de l’environnement, Geneviève a voulu créer le premier legging sport biodégradable du Canada, c’est-à-dire qui ne rejette pas de microplastique dans l’océan lors du lavage. Après un long processus de recherche et de développement, on y est arrivées: notre produit répond aux critères de performance qui règnent dans le monde du sport tout en étant écoresponsable. Alors, on est très fières de ce qu’on a réussi à faire ici, au Québec. ›››
Architecte au Liban, Nahid Aboumansour a quitté son pays d’origine à cause de la guerre. Elle est venue s’établir à Montréal pour bâtir une vie meilleure pour sa famille. Finalement, c’est la vie de milliers de familles immigrantes qu’elle a améliorée grâce à son entreprise d’insertion, Petites-Mains.
Avant d’immigrer au Québec en 1989, vous dirigiez votre propre firme d’architecture au Liban. C’est seulement en arrivant à Montréal que vous avez appris que vos diplômes ne seraient pas reconnus. Quelle a été votre première réaction?
Cela a été le coup le plus dur pour moi en immigrant ici, ma plus grande déception. J’ai alors éprouvé un énorme sentiment de vulnérabilité... de la peur aussi: j’étais une inconnue dans une société étrangère. C’est là que je me suis demandé comment j’allais m’en sortir et ce que je pouvais faire de positif pour moi et ma famille? Après une longue réflexion, je suis arrivée à la conclusion que je devais me réorienter, créer autre chose.
Vous avez fondé Petites-Mains en 1995, un organisme qui vise l’insertion socioprofessionnelle des femmes immigrantes. D’où vient votre inspiration?
En attendant de trouver ma voie, je faisais du bénévolat auprès des familles immigrantes qui allaient chercher des denrées alimentaires au couvent des soeurs de Sainte-Croix, dans le quartier Côte-des-Neiges. Toutes ces familles étaient dans une grande détresse: elles ne trouvaient pas d’emploi, se sentaient impuissantes et avaient l’impression d’avoir perdu toute dignité. En cherchant des façons de les aider, soeur Denise Arsenault et moi avons convenu de nous concentrer sur un principal cheval de bataille. Nous avons choisi de briser l’isolement des femmes immigrantes en les aidant à trouver du travail, parce que celles-ci sont particulièrement exclues, marginalisées. Nous avons donc fondé Petites-Mains pour leur offrir une formation en couture industrielle.
En 25 ans, vous avez beaucoup diversifié l’offre de services de Petites-Mains. Pourquoi cette recherche constante de développement?
C’est un mot d’ordre dans l’organisation: il faut être à l’écoute des gens qui viennent nous voir. Lorsque nous constatons qu’un besoin se répète, nous devons le combler. Depuis que j’ai fondé l’organisme, j’ai mis sur pied des dizaines de projets pour mieux accompagner les femmes immigrantes, que ce soit des cours de français, des formations en restauration et en bureautique ou un CPE pour garder leurs enfants quand elles sont ici.
Petites-Mains est une entreprise d’économie sociale, c’est-à-dire que tous les profits sont réinvestis dans la mission de l’organisme. Pourquoi avoir choisi ce modèle alors que vous étiez une femme d’affaires au Liban?
Après avoir fait du bénévolat et avoir côtoyé toutes ces familles vulnérables, c’était devenu impensable pour moi de démarrer une entreprise pour mon profit personnel. Mais puisque j’aime quand même l’aspect entrepreneurial, ma solution a été de mettre sur pied une entreprise d’économie sociale où l’on met la force des personnes que l’on aide au coeur du développement de l’entreprise. C ’est une économie basée sur l’aide à autrui. Voilà toute la beauté de la chose…