Coup de Pouce

Monsieur biscuit

«Bicuit» – biscuit en langage bébé – est un des premiers mots que mon bambin a prononcés. Et depuis qu’il le connaît (et qu’il en a découvert le goût!), il le scande comme si sa vie en dépendait c-h-a-q-u-e soir. Bonjour l’ambiance à table!

- Par Joëlle Bergeron Illustrati­on: Anne Villeneuve/c.

Le même film rejoue depuis que mon cadet a atteint l’âge vénérable de 18 mois. Je prépare des assiettes pour tous les membres de la famille, puis on s’installe à table. Si mon petit dernier accepte de s’asseoir sur son siège, il mange à peine quelques bouchées. Sinon, il prend place sur moi avec sa suce et son doudou, sans rien avaler. Malgré son petit appétit, que j’attribue parfois à la fatigue (c’est éreintant, jouer aux blocs!), il a TOUJOURS une petite place pour des «bicuits». A-t-il vraiment peu d’appétit ou est-il devenu capricieux? La phase d’autonomie, ça dure combien de temps? «Jusqu’à l’âge de 18 mois, les enfants sont très curieux en ce qui a trait aux couleurs, aux textures, aux odeurs. C ’est une phase qu’on appelle la lune de miel. Ensuite, de deux à six ans environ, c’est l’étape de la néophobie alimentair­e – qui touche près de 75 % des enfants –, soit la peur des nouveaux aliments, qui concorde avec un désir d’affirmatio­n», explique Cosette Gergès, cofondatri­ce de Nutritionn­istes en pédiatrie.

Le savoir est une chose, mais le vivre en est une autre. Quand je passe une heure à éplucher des recettes pour concocter un menu de semaine qui soit varié et équilibré, puis que je m’échine aux fourneaux pour que ce soit bon, c’est un brin frustrant de voir que je suis presque seule à manger.

«Votre job, en tant que parent, n’est pas de faire en sorte que votre enfant mange, précise Mme Gergès. Ça, c’est dans sa cour à lui. Vous, votre travail, c’est de proposer des aliments sains, avec un cadre et une structure qui sont rassurants. Le partage des responsabi­lités, un concept qui vient de la nutritionn­iste et psychothér­apeute américaine Ellyn Satter, prône l’encadremen­t au lieu du contrôle.» Selon ce concept, le parent est responsabl­e du quoi (ce qu’il achète à l’épicerie et cuisine comme menus), du quand (l’heure des collations et des repas), du où (l’enfant mange-t-il sur une chaise, un tabouret, à table?), puis du comment (la façon dont les aliments sont proposés). L’enfant, lui, est responsabl­e de la quantité qu’il va ingérer.

«De façon générale, les parents ont beaucoup de difficulté à lâcher prise là-dessus et à faire confiance à leur enfant, affirme Mme Gergès. Moins il a de pression, plus l’enfant va apprendre à écouter ses signaux de faim et de satiété.»

Je comprends aussi qu’en demandant à mon fils de manger du brocoli avant de pouvoir prendre un biscuit, je crée sans le vouloir des catégories d’aliments et leur donne une valeur morale.

«L’enfant intègre que l’aliment de la fin, c’est le meilleur. Il le met alors sur un piédestal. Un contrôle ou une restrictio­n crée un désir extrême chez lui! Il fait une fixation sur cet aliment-là et va en demander tout le temps.»

La solution? Pour mettre tous les aliments sur le même pied d’égalité, il faut éliminer l’ordre dans lequel les manger. En disposant tout sur la table en même temps (de l’entrée au dessert), mon fils comble ses besoins à sa façon. Il fait parfois de drôles d’amalgames – une bouchée de biscuit, puis de riz – mais, au moins, il mange!

JOËLLE BERGERON EST LA MAMAN D’UN GRAND DE CINQ ANS ET D’UN PETIT DE DEUX ANS. ELLE APPREND À LÂCHER PRISE PENDANT LES REPAS.

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– Cosette Gergès, cofondatri­ce de Nutritionn­istes en pédiatrie

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