L’EXCELLENCE EN ARCHITECTURE SOULIGNÉE
LES LAURÉATS DES PRIX 2020 DE L'ORDRE DES ARCHITECTES DU QUÉBEC
L’Ordre des architectes du Québec dévoilait récemment les lauréats de ses prix et distinctions 2020. L’évènement s’est tenu en ligne lors d’un rendezvous interactif en direct, à cause de la crise de la COVID-19. Parmi les 73 dossiers reçus, 15 projets ont été récompensés. Le jury, présidé par l’architecte française Dominique Jakob (Agence Jakob+MacFarlane), était composé de la comédienne Anne-Marie Cadieux ainsi que des architectes Dominique St-Gelais (St-Gelais Montminy & Associés architectes) et Jean-Maxime Labrecque.
Le Grand Prix d’excellence 2020 a été décerné à l’Espace Paddock, réalisé par Les architectes FABG. Situé sur le site du Circuit GillesVilleneuve au Parc Jean-Drapeau à Montréal, ce projet a aussi mérité la mention Innovation. Le jury a été émerveillé par la virtuosité et l’élégance de ce projet. Le nouveau paddock du circuit Gilles-Villeneuve répond en deux volets à l’ostentation de la Formule 1. D’une part, avec son arrivée spectaculaire, son rez-de-chaussée en transparence et sa toiture de bois élancée, le bâtiment dote le circuit mon
tréalais d’une signature visuelle audacieuse, à la mesure de l’envergure internationale du Grand Prix du Canada. D’autre part, l’architecte remplit le mandat que lui a confié la Société du parc Jean-Drapeau avec la volonté évidente de contrebalancer les dimensions critiquables de l’évènement. Le projet a la modestie de comporter des lounges ouverts, non climatisés, à la finition minimale, en plus de produire par ses panneaux solaires assez d’électricité pour compenser la dépense énergétique du bâtiment pendant la tenue du Grand Prix et de séquestrer plus de 1000 tonnes de CO2 dans sa toiture de bois québécois. La géométrie de la structure rappelle d’ailleurs le logo d’Expo 67, ce qui dénote une sensibilité appréciable à l’histoire de l’île Notre-Dame. En décernant ce grand prix d’excellence à l’Espace Paddock, le jury récompense un projet audacieux, admirablement conçu et mené de main de maître. Le jury a applaudi la planification soignée et le recours à une quantité impressionnante de composantes préfabriquées grâce auxquels a pu être réalisé en aussi peu que dix mois ce projet d’envergure, qui consistait à remplacer l’ancien paddock du circuit Gilles-Villeneuve par un nouveau bâtiment permanent répondant aux exigences du Championnat du monde de Formule 1.
L’architecte a prévu d’emblée la suite du cycle de vie du bâtiment, conçu pour être démontable et dont les matériaux peuvent être entièrement réemployés. Ce projet, qui réunit le raffinement esthétique, la simplicité constructive et le respect de l’environnement, en dépit des réserves que soulève l’activité qu’il encadre, résout de façon novatrice les contraintes temporelles du mandat et propose une vision innovante de la construction, en plus de soulager les tiraillements éthiques que ce programme hors du commun peut susciter.
PARMI LES AUTRES RÉALISATIONS LAURÉATES…
La RésidenceMarconi de Pelletier de Fontenay, un projet de rénovation et d’agrandissement d’une maisonnette de type Shoebox qui apporte des solutions astucieuses aux questions que pose l’actualisation d’une telle résidence. Avec sa façade de brique blanche et son ajout déployé en fond de lot et en soussol, l’intervention accentue et modernise, avec très peu de moyens, le caractère modeste de la construction d’origine, créant ainsi un ensemble très cohérent, empreint de calme et de simplicité. L’intérieur épuré offre des espaces à vivre aériens aux détails délicats, avec des entrées de lumière naturelle particulièrement bien positionnées entre le bâtiment ancien et l’agrandissement ou en puits de lumière percés au-dessus des escaliers. Un projet résidentiel attachant, sobre et efficace.
Le bâtiment original de type Shoebox fut agrandi en fond de lot pour en faire une résidence capable d’accueillir une famille. Situé dans le quartier Marconi
Alexandra, le ProjetMarconi tient son originalité de conditions urbaines assez uniques. En effet, plusieurs éléments provenant du contexte atypique pouvant être perçus comme nuisibles ou étranges – garages environnants, train, ruelle piétonne – sont incorporés de façon à bonifier l’expérience du projet.
La relation aux rails est ici perçue comme positive : lors de leurs passages quotidiens, les trains apportent un mouvement et une dimension cinématique au site. L’animation à la fois visuelle et sonore est bienvenue, chaque passage du train devenant un marqueur, un événement ponctuant le quotidien. Cette condition dynamique est mise en scène par la grande baie vitrée arrière, donnant une vue panoramique sur le train et la friche verdoyante.
En détachant l’addition de la construction existante, un vide est généré au centre du projet, une respiration qui marque la transition entre l’ancien et le nouveau. Ce vide constitue le nouveau coeur de la maison. Il s’agit à la fois d’un espace extérieur où il est possible de s’isoler du contexte et qui invite aux moments d’introversion, mais aussi d’un espace agissant à titre de tampon acoustique et visuel permettant de filtrer les stimuli extérieurs générés par l’activité bourdonnante du site.
Dans son ensemble, la RésidenceMarconi résulte d’une simplicité et d’un dépouillement spatial. La palette restreinte de matériaux utilisée, tant pour l’extérieur que pour l’intérieur, vient supporter cette clarté conceptuelle du plan tout en répondant à certains impératifs économiques. De par les multiples stratégies d’apport en lumière, soit les puits en toiture, la margelle en cour arrière et le patio central, c’est la clarté du jour qui est mise à l’oeuvre.
ET AUSSI…
Parmi les autres lauréats, notons LaDuette de Natalie Dionne Architecture, dont nous vous avions parlé dans un DécorHomme précédent. Le jury s’est laissé charmer par la justesse et l’inventivité de cette résidence conçue au fil d’une réflexion minutieuse. Le bâtiment paré de briques s’inscrit explicitement dans la lignée des petits plex montréalais. Il en repense toutefois la typologie par un minimalisme mesuré et une articulation inédite des espaces destinés à accueillir deux ménages d’une même famille : l’un au rez-de-jardin, l’autre aux étages supérieurs. Les entrées sont disposées sur deux faces distinctes du volume dont un retrait enrichit la composition, en plus d’inviter la lumière na
turelle à investir la maison. Le jury a récompensé cet exemple probant d’une pratique d’architecte marquée par un vif attachement au patrimoine bâti et qui sait mettre sa créativité au service de la conception d’espaces où il fait bon vivre. Il a aussi voulu, par cette distinction, encourager la commande de résidences neuves de qualité.
Avec leurs doubles hauteurs stimulantes et leurs multiples espaces interreliés, les locaux du studio de jeux vidéo Eidos Montréal qui emploie quelque 500 personnes ont été aménagé par la SHED Architecture avec une générosité, une inventivité et une précision exemplaires. Les architectes ont su imaginer un environnement intérieur riche et stimulant, offrant une gamme variée de zones de travail. Parmi celles-ci, on note des volumes cubiques aux ouvertures percées à diverses hauteurs qui rappellent les bâtiments d’un village, entourés de passages et de nombreux espaces invitant tantôt à la concentration, tantôt aux interactions. L’aménagement témoigne d’une réflexion attentive et inventive sur les nouvelles façons de travailler et de collaborer, et sur le milieu de travail en tant qu’espace de vie où chacun se sent aussi bien qu’à la maison. Cette vision s’incarne à merveille dans cet ensemble inspirant, où l’on a envie de se retrousser les manches.
Le projet de la Centraleélectriquedel’UniversitéMcGillàMontréal conçue par
les Architectes FABG a également fait une forte impression sur le jury, qui a estimé remarquable qu’une infrastructure destinée à abriter un trio de groupes électrogènes d’urgence fasse l’objet d’un traitement architectural d’une telle finesse. Le projet se caractérise en outre par une implantation habile sur un site complexe à la topographie spectaculaire, par sa participation à la trame urbaine serrée du secteur et par son inclusion à l’arrondissement historique et naturel du Mont-Royal.
La superbe rénovation création LeDiamant à Québec est lauréat dans la catégorie des bâtiments culturels. Ce lieu de diffusion culturelle signée par Coarchitecture, in situ atelier et Jacques Plante architectes se démarque par son intégration audacieuse et judicieuse aux édifices avec lesquels il compose, l’ancien YMCA et le Capitole de Québec. Son monumental volume de verre qualifie franchement l’espace public, tandis que le ventre du bâtiment renferme une salle de spectacle modulable dont le raffinement technologique s’accorde à l’inventivité des oeuvres de Robert Lepage.
La préservation de l’ossature de bois de l’ancien YMCA et sa mise en valeur manifestent une conscience environnementale aiguisée et une vive sensibilité à l’histoire des lieux, cette dernière signalée aussi par la tranche diagonale qui reprend le tracé d’une rue disparue et le disque de verre qui évoque l’ancienne enseigne du Cinéma de Paris. Ces rappels du passé d’un site au carrefour de différents quartiers, l’alliance maîtrisée des matériaux – verre, bois, béton – et la salle riche de possibilités artistiques concrétisent de belle façon la volonté du client de faire du Diamant un point de ralliement culturel au coeur de la cité.
Réalisé dans un cadre réglementaire exigeant qui a requis des architectes et du client une persévérance et une puissance de persuasion admirables, le projet résidentiel de la Maisondel’Île par Blouin Orzes architecture s’intègre harmonieusement dans le somptueux paysage de l’île d’Orléans, avec sa silhouette épurée, enveloppée de bois blanc et coiffée de tôle d’acier. Pas surprenant qu’il a plu au Jury des Prix 2020 de l'Ordre des architectes du Québec.
Quant au Pavillond’accueildel’AssembléenationaleduQuébec , par Provencher_Roy et GCLRM Architectes en consortium, il a reçu une mention accessibilité universelle, mise en valeur du patrimoine (agrandissement). Les attentes envers ce projet d’agrandissement de l’hôtel du Parlement de Québec étaient élevées et sa mise en oeuvre très complexe en raison des exigences de sécurité pendant les travaux, des enjeux techniques d’un chantier souterrain et de son arrimage à l’édifice de style Second Empire de l’Assemblée nationale. ’ensemble de la démarche a été mené dans un grand respect de ce bâtiment public emblématique signé Eugène-Étienne Taché, auquel on accède désormais par ce nouveau pavillon en soubassement. Les amples circulations, l’agora citoyenne surmontée d’un oculus qui laisse entrevoir la tour centrale du bâtiment patrimonial et les espaces pédagogiques matérialisent avec limpidité l’idée d’une démocratie participative. Le jury a également apprécié l’alliance entre les dimensions muséologique et technique, formée grâce aux panneaux didactiques perforés qui assurent aussi la ventilation des espaces. Un agrandissement à la fois sobre et monumental, qui fait honneur à l’institution à laquelle il s’intègre.
Décernés depuis 1978, les Prix d’excellence en architecture visent à mettre en valeur des réalisations architecturales exemplaires conçues par des architectes québécois, ainsi qu’à sensibiliser le public à la qualité architecturale et au rôle de l’architecte. L’Ordre des architectes du Québec a comme mission principale la protection du public. À cette fin, il contrôle l’accès à la profession d’architecte et en réglemente l’exercice au Québec.
Dans une perspective de protection du public, l’OAQ valorise chez ses membres l’acquisition et le maintien d’un haut niveau de compétence en vue de la réalisation d’un environnement bâti distinctif et de qualité qui soit source de fierté et d’identité collective.