Échos vedettes

«je n’ai plus cette urgence d’écrire»

Il vient de sortir Le peintre d’aquarelles, son 37e roman

- — Michel Tremblay Samuel pradier

Pour ses 75 ans, Michel Tremblay sort un nouveau livre, le peintre

d’aquarelles, dans lequel il reprend le personnage de Marcel, qu’il avait abandonné aux portes de l’asile à la fin des chroniques

du plateau-mont-royal. Ce 37e roman est surtout l’occasion pour l’auteur de parler de lui, de sa vieillesse et de sa passion pour l’aquarelle. Il s’est aussi confié sur ses projets au théâtre et sur son envie de prendre du recul.

Michel Tremblay souhaitait écrire sur la vieillesse, mais il ne savait pas comment aborder ce thème. Il lui manquait un personnage lorsque son éditeur, Pierre Filion, est allé prendre un café chez lui, un matin. «Au cours de la conversati­on, il m’a rappelé que je n’avais plus parlé de Marcel depuis la fin des Chroniques du Plateau- Mont

Royal. J’avais trouvé mon sujet. Ce qui était formidable, c’est que ça me permettait aussi de parler de la folie en entrant dans la tête d’un schizophrè­ne, au lieu de parler de ma vieillesse ou de celle de tout le monde. La vieillesse d’un schizophrè­ne est différente. Quand je l’ai laissé, il avait 23 ans, et je le retrouve à 76 ans. Ça m’a quand même pris un peu de temps avant d’apprivoise­r le fait qu’il avait cet âge- là.»

L’auteur n’a pas eu besoin de relire ce qu’il avait déjà écrit à propos de ce personnage. «Quitte à me tromper, je préfère me fier à ma mémoire et à mon imaginatio­n. Même si je me trompe, il y a certaineme­nt des erreurs biographiq­ues de mes personnage­s partout dans mes

«Se faire dire pendant cinq jours qu’on est bon, qu’on écrit bien, qu’on a changé des vies, qu’on a fait pleurer et rire, c’est vraiment le fun.»

romans. J’aime mieux manquer de précision et me servir davantage de mon imaginatio­n.»

VIEILLESSE ET SCHIZOPHRÉ­NIE

Michel Tremblay avoue candidemen­t avoir voulu écrire sur la vieillesse parce qu’il est luimême vieux. «Tous les écrivains qui arrivent à un certain âge ont envie d’en parler. Les changement­s physiques et psychologi­ques sont des sujets passionnan­ts. Ce qui était encore plus intéressan­t, c’est qu’un schizophrè­ne ne change pas en vieillissa­nt. J’ai pu le reprendre 25 ans plus tard, sans qu’il ait trop changé psychologi­quement, parce que les fantasmes qu’il a, que ce soit sa mère ou son chat imaginaire­s, les tableaux qu’il fait, c’est resté la même chose.»

Il raconte n’avoir pas eu à faire beaucoup de recherches pour parler de cette maladie. «Mon chum est psychologu­e. De temps en temps, je lui demande si je commets des erreurs et il me répond toujours la même chose: “Toi, tu ne fais jamais d’erreurs”. (rires) » L’auteur reconnaît en même temps avoir mis beaucoup de lui dans ce livre. «On le comprend dans les quatre dernières lignes du roman. J’ai fait exprès de mettre beaucoup de moi pour qu’on se pose des questions et qu’on comprenne tout à la fin.»

LA POURSUITE D’UNE OEUVRE

Michel Tremblay est arrivé à un âge où il ne se pose plus de questions sur la pérennité de son oeuvre. «Après mes deux maladies, j’avais une urgence d’écrire, comme si j’allais mourir et comme si chaque chose que j’écrivais pouvait être la dernière. Maintenant, je ne sais pas si c’est l’expérience ou la sagesse, mais je n’ai plus cette urgence. Cette année, par exemple, j’ai décidé de prendre une année sabbatique, chose que je n’ai pas faite depuis 1976. Je m’en vais à Key West pour profiter de ma piscine, de la mer. On va manger avec des amis, aller au théâtre, au cinéma, je vais lire... C’est tout ce que je vais faire pour les six prochains mois. C’est la première fois que j’ai le goût de ne rien faire et je trouve ça plutôt agréable.»

Pourtant, en juin dernier, Michel Tremblay disait ne pas vouloir ralentir la cadence. Qu’est- ce qui a bien pu le faire changer d’avis? « Je n’avais pas encore ce sentiment de ne pas avoir besoin de travailler. Au cours de l’été, j’ai fait beaucoup de correction­s de mon livre et, petit à petit, je me suis fait à l’idée de ne rien faire. J’ai envie de tenter ça. Mais ça se peut très bien que je revienne avec quelque chose. Entre l’intention de départ et ce qui arrive, il y a parfois des différence­s.»

DES PROJETS SUR LE FEU

Avant son départ pour la Floride, l’auteur assistera à la première de la pièce Enfant insignifia­nt!, au théâtre Duceppe, qu’il a lui-même adaptée de son dernier roman, Conversati­ons avec un enfant

curieux. «Il fallait beaucoup couper, car il y avait beaucoup de personnage­s. J’ai décidé d’en réduire le nombre et, depuis qu’on a commencé à répéter, j’ai encore coupé une demi- heure. Comme le livre était écrit sous forme de dialogues, j’ai juste eu à les adapter pour la scène. D’ailleurs, c’est plus un divertisse­ment qu’une pièce de théâtre. Le livre était déjà un divertisse­ment. J’avais envie d’avoir du fun, de rire et de faire rire.» Un conte de Noël qu’il a écrit, Le diable en

canot d’écorce, sera par ailleurs présenté à la Maison symphoniqu­e, du 19 au 21 décembre. « Je suis parti de l’histoire de la chasse- galerie, une célèbre légende du Québec, pour faire un conte de Noël de bûcheron. René Richard Cyr en fait la mise en scène. Laurent Paquin va le raconter, et il sera accompagné de l’Orchestre symphoniqu­e. Kent Nagano, René Richard et moi, nous avons choisi des musiques pour accompagne­r le texte. Je pense que ça va être le fun.»

Rendez-vous au salon du livre

Enfin, Michel Tremblay ne voudrait pas rater son rendez-vous annuel au Salon du livre de Montréal, qui se déroule jusqu’au 20 novembre. «Le premier Salon du livre de Montréal a eu lieu au moment où je lançais La grosse femme d’à côté est

enceinte, en 1978. J’ai participé à toutes les éditions depuis, parce que j’aime beaucoup ça.» Il raconte qu’au théâtre, il peut voir et entendre les réactions des spectateur­s, ce qui n’est pas le cas pour ses livres. «Je ne sais pas qui sont les lecteurs de mes romans ni où ils lisent. Je leur donne donc rendez-vous chaque année au Salon du livre. Je les vois en chair et en os, ça me fait plaisir de les rencontrer. Et puis, se faire dire pendant cinq jours qu’on est bon, qu’on écrit bien, qu’on a changé des vies, qu’on a fait pleurer et rire, c’est vraiment le fun. Je repars à Key West complèteme­nt énergisé.»

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 ??  ?? Belles-Soeurs, le théâtre musical tiré de sa pièce, sera repris l’été prochain pour célébrer le 50e anniversai­re de sa création. L’auteur est entouré de la nouvelle distributi­on, dont Éveline Gélinas, Maude Guérin et Sonia Vachon.
Belles-Soeurs, le théâtre musical tiré de sa pièce, sera repris l’été prochain pour célébrer le 50e anniversai­re de sa création. L’auteur est entouré de la nouvelle distributi­on, dont Éveline Gélinas, Maude Guérin et Sonia Vachon.

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