Échos vedettes

Serge Fiori, mon voisin

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La chanson dit: «Où est allé tout ce monde qui avait quelque chose à raconter? On a mis quelqu’un au monde, on devrait peut- être l’écouter.» Serge Fiori, c’est lui qui l’a chantée, cette chanson mythique. Lui, cet oracle de la musique que j’ai croisé tout à fait par hasard, l’autre jour, dans un restaurant de Longueuil. Je ne savais pas qu’il y habitait; je pensais plutôt qu’il était du genre campagne, grands espaces, retour à la terre, habit de terre cuite, etc. Vous voyez le genre! J’avais tout faux...

Fiori est un homme moderne qui vit en plein coeur du Vieux- Longueuil, et qui avait pour voisin feu Gerry Boulet. C’était la première fois qu’on se saluait. Il était temps! Pour moi le fan d’Harmonium, c’était comme si j’avais croisé le pape, ce jour- là. En fait, ce n’est pas tout à fait farfelu, cette idée de qualifier Serge de «pape de la musique québécoise». C’est un peu comme ça qu’on le devine quand on écoute sa musique planante et céleste, en communion avec l’univers. Comme s’il faisait office de berger, de guide, comme François. En plus, les deux portent le même costume. J’imagine encore Serge Fiori vêtu d’une djellaba blanche. Pourtant ce jour- là, il portait plutôt un Kanuk d’hiver. Comme tout le monde, il se protège du froid. On a toujours de la difficulté à voir nos idoles sur un pied d’égalité avec nous. Moi le premier!

Mais que fait Serge Fiori de ses journées? Il crée! Il crée son propre environnem­ent, sa musique, son histoire et sa légende. Celui qui est passé de la lumière à l’ombre, puis de nouveau à la lumière ces dernières années avec la parution d’une biographie et d’un album, semble vouloir retourner vers l’ombre. Et il le fait consciemme­nt. Lui qui connaît si bien ce côté du mur où il a passé plusieurs années de sa vie semble bien dans sa peau, comme s’il avait fait la paix avec un passé plus sombre. Le hasard a fait que nous nous sommes rencontrés; je ne m’y attendais pas, ç’a été une surprise. Je ne l’ai pas retenu. Je sais que ce n’est pas bien d’accaparer les gens, surtout quand ils ne sont pas seuls. Alors on s’est serré la main. On s’est un peu situés comme voisins — il avait l’air heureux de me saluer et semblait me connaître, lui aussi —, puis on s’est souhaité bonne année. Une rencontre fortuite, comme il en arrive tous les jours dans le monde. Mais, pour certains, comme moi, c’est plus qu’une simple rencontre, c’est un signe du destin. J’ai l’impression qu’on pourrait être de bons amis, qu’on aurait plein de choses à se raconter — même âge, même culture, même quartier, même combat.

Pour revenir à ses célèbres paroles, j’ai aussi l’impression qu’il met en pratique sa propre médecine, qu’il écoute les gens et s’intéresse à leur histoire, comme dans: «On devrait peut- être l’écouter». Ç’a été une rencontre courte mais intense, pleine de tendresse, d’écoute et de respect. Serge Fiori, mon voisin! Je ne m’attends pas à le revoir lors d’un BBQ citoyen pendant une fête foraine à Longueuil, mais j’ai l’espérance de le recroiser un jour et de prendre un peu plus de temps avec lui si, bien sûr, il en a envie.

En 2014, Serge Fiori est sorti de l’ombre dans laquelle il s’était plongé. Il nous a offert un album tout neuf qui s’est vendu à plusieurs milliers d’exemplaire­s juste un an après avoir lancé sa biographie qui, elle aussi, s’est vendue comme aucune autre au Québec. Quand le pape de la musique sort de l’ombre, c’est tout un peuple qui est béni!

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