«C’EST UN APPEL À L’ACTION COLLECTIVE» — Richard Séguin
Il présente l’album Retour à Walden: Sur les pas de Thoreau
ON NE L’AVAIT PAS VU VENIR ET... LUI NON PLUS! RICHARD SÉGUIN ARRIVE LÀ OÙ ON NE L’ATTENDAIT PAS, AVEC UN PROJET QU’IL QUALIFIE LUI-MÊME DE MARGINAL. UN TRAVAIL QUI REPOSE ESSENTIELLEMENT SUR L’OUVRAGE
WALDEN OU LA VIE DANS LES BOIS, DU PHILOSOPHE AMÉRICAIN HENRY DAVID THOREAU. INUSITÉ, CERTES. MAIS FÉDÉRATEUR, AUSSI.
Il était ambitieux, ce projet de théâtre musical. Des moyens considérables ont été déployés pour le mener à bien. Des cordes, des cuivres, des bois... Un travail soigné que son auteur et ses collaborateurs ont chouchouté à toutes les étapes de sa création. Le résultat: 19 interventions sur 70 minutes. Du grand et du beau Séguin.
L’homme de 66 ans s’est intéressé à l’oeuvre de Thoreau alors qu’il était dans la vingtaine. Il s’était reconnu dans ses valeurs écologiques et égalitaires. Séguin a fait son chemin avec ces idées en tête, mais jamais n’a-t-il pensé à chanter le philosophe. Jamais, jusqu’à ce que Thoreau lui fasse un clin d’oeil l’année de ses 60 ans.
«Ce qui est fascinant avec la création, c’est qu’elle vient te surprendre. Cette idée est arrivée comme un fruit mûr. Quand j’ai eu 60 ans, j’ai eu envie de construire ma cabane pour aller écrire. Elle a les mêmes dimensions que celle que Thoreau s’était bâtie, soit 12 pi sur 14 pi. Elle est en haut de la montagne chez nous. Il n’y a même pas d’électricité. Plus j’y allais, plus je pensais à Thoreau. Je me suis replongé dans Walden ou La vie dans les bois, et c’est devenu clair qu’il fallait que je fasse quelque chose sur lui. Il y a beaucoup à dire, sans compter qu’il aborde des enjeux plus actuels que jamais.»
Séguin a situé l’action entre 1845 et 1947 à Concord, non loin de Boston, là où Thoreau avait construit sa cabane à côté d’un étang appelé Walden. Il occupait aussi la maison du philosophe Ralph Waldo Emerson et sa femme, Lidian. Voilà pour la toile de fond. Sur le disque, Séguin interprète Thoreau, tandis que Jorane, Élage Diouf et Normand D’Amour, qui ont répondu à l’appel du musicien, donnent vie aux autres personnages.
Ce faisant, l’auteur-compositeur-interprète sort du cadre folk auquel il nous a habitués. «Ça m’a permis d’aller dans le blues, le rock... Il y a une valse, une autre chanson qui se rapproche de l’univers de Björk... C’était la première fois que j’écrivais pour des personnages et, musicalement, ça m’a donné la chance d’explorer plein d’univers différents.»
Dès le départ, Richard s’est entouré des coréalisateurs et multi-instrumentistes Hugo Perreault et Guido Del Fabbro. «On avait le temps de réfléchir, puis de bien envelopper chaque personnage et chaque chanson. Je remercie Spectra, qui m’a donné les moyens de bien faire les choses.»
RENDRE LA PHILOSOPHIE POPULAIRE
Le philosophe Normand Baillargeon a prêté son concours au projet. Il fait valoir: «Le disque de Richard contribue à rendre la philosophie populaire en abordant des thèmes comme l’environnement, la simplicité volontaire, les inégalités de toutes sortes, la désobéissance civile... C’est un album qui exige un certain effort pour entrer dans les questions qu’il nous pose, se les approprier et y réfléchir.»
Richard enchaîne: «C’est un appel à l’action collective. Ça pose aussi un regard sur la désobéissance civile, un outil démocratique non violent. Ça invite au débat.»
Éventuellement, Retour à Walden sera porté sur scène. Richard précise: «Je ne me vois pas être sur scène parce que je suis très mauvais comédien et que je n’ai pas l’âge du personnage. Par contre, les rôles sont taillés sur mesure pour Jorane, Élage et Normand. J’aimerais aussi le traduire. Ce que j’aime dans ce projet-là, c’est qu’il peut prendre plusieurs formes.»